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20/4/11 Claude Reichman
              35 milliards pour arroser le désert !

La chaîne publique de télévision France 5 a diffusé le 19 avril 2011 un documentaire de 52 minutes consacré à l’action du Commissaire général à l’investissement, René Ricol. Cet expert-comptable qui fut proche de Raymond Barre a été chargé par Nicolas Sarkozy de sélectionner les meilleurs projets d'investissement dans cinq secteurs : enseignement supérieur et formation, recherche, filières industrielles et PME-PMI, ainsi que développement durable et numérique, afin de répartir du mieux possible les 35 milliards d’euros du Grand emprunt.

On le voit donc, dans le film, se multiplier en déplacements et en réunions, dans lesquelles on n’aperçoit pratiquement que des fonctionnaires. Il multiplie les injonctions et les avertissements : ce qu’il faut, c’est de la création d’emplois, du retour sur investissement, et chaque année un bilan sera fait. Sur une feuille de papier, René Ricol trace trois chiffres et deux flèches : 35 > 65 > 100. Il s’agit des sommes que les 35 milliards d’euros vont générer. Bigre ! Si 35 milliards peuvent en produire 100, on se prend à regretter que la France ait emprunté si peu. Rendez-vous compte : on empruntait 560 milliards, cela nous en apportait 1600 et la dette de la France était remboursée !

Bien entendu personne ne vient dire dans ce film financé par l’argent public et sans contradicteurs que l’argent emprunté n’est pas gratuit et que les contribuables quels qu’ils soient qui vont devoir rembourser l’intérêt et normalement le principal formaient sans doute des projets d’investissement différents, dont ils avaient vraiment besoin ou envie : acheter une nouvelle machine si l’on est une entreprise, un appartement si l’on est un particulier, ou des vêtements, ou offrir un stage linguistique à un enfant, ou qui sait même, s’offrir une bonne bouteille de champagne pour se donner le moral et contribuer par la même occasion à la bonne santé de notre vignoble et de ses exploitants.

On est ramené à la fameuse parabole du carreau cassé de Frédéric Bastiat, où ce génial économiste du 19e siècle taille en pièces l’idée selon laquelle le remplacement nécessaire du carreau serait une bonne affaire parce qu’il donnerait du travail au vitrier, alors que le projet de son malheureux propriétaire était de s’acheter des chaussures et que du coup - c’est le cas de le dire - le cordonnier perdra une vente, tandis que la richesse générale ne sera pas augmentée mais diminuée.

Au nom de quoi M. Ricol, même assisté de tous les jurys de la création, serait-il meilleur juge des investissements que ceux qui les décident en fonction de leurs nécessités personnelles et les assument à leurs risques et périls ?

Gageons d’ailleurs que tous les mirobolants projets de notre expert-comptable tarderont à voir le jour et finiront par se perdre dans l’universel gaspillage des richesses françaises.

Il ne sert à rien d’arroser le désert. Il faut d’abord l’irriguer. Et c’est précisément là que le bât blesse en France. L’Etat, avec ses pompes et ses œuvres, a tout asséché. Sur le sol de notre patrie, plus rien ne pousse, sauf des fonctionnaires, comme le disait déjà Clemenceau.

Si l’on veut ranimer la création d’entreprises et développer l’innovation, il faut d’urgence cesser de ponctionner ceux qui entreprennent et aussi ceux qui ont vocation à être leurs clients. Bref il faut baisser drastiquement les impôts et les charges et rayer d’un trait de plume des milliers de règlements administratifs. Alors notre cher et vieux pays renaîtra de ses cendres et une fois encore étonnera le monde.

Hélas, hélas, hélas, c’est le chemin inverse que prend l’actuel président de la République. Pour tenter de masquer son terrible échec économique, il a imaginé de punir les entreprises en les obligeant à verser une prime à leurs salariés en plus de leur rémunération. Nul ne doute que le pouvoir d’achat soit en berne dans notre pays. Il y a même, selon le Médiateur de la République, 8 millions de pauvres et 15 millions de personnes qui sont à 50 ou 100 euros près pour finir le mois. Mais ce n’est pas en jouant les Mao au petit pied qu’on fera pousser les cent fleurs de l’abondance. C’est au contraire en cessant d’arroser le désert et en laissant chacun cultiver son jardin qu’on y arrivera.

Coluche l’avait bien dit en son temps : « Donnez le désert à un technocrate, cinq ans après il importera du sable ! » Nicolas Sarkozy n’est pas un technocrate, mais il ne gouverne que par eux. Quand la France s’éveillera, c’est ensemble qu’ils partiront !

Claude Reichman



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