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7/1/11 Philipp Bagus
      La presse à billets électronique tourne à plein
                        régime aux Etats-Unis !

Ben Bernanke a récemment annoncé que la phase 2 de l’assouplissement monétaire, connu sous le nom de QE2, pourrait être suivie d’une phase 3 voire 4, etc. Dans une interview début décembre 2010, il lui était demandé : « Anticipez-vous un scénario qui rendrait nécessaire d’acheter plus de 600 milliards de dollars ? » La réponse de Bernanke a de quoi surprendre : « Oh oui, c’est bien possible, dit-il. Tout dépend de l’efficacité du programme. Ça dépend du niveau d’inflation. Et pour finir, ça dépend de la façon dont l’économie se comportera. »

La réponse a cela d’intéressant qu’elle indique que la Fed (Banque centrale américaine) pourrait acheter davantage de bons du trésor tout en impliquant que l’assouplissement monétaire et l’inflation seraient deux phénomènes différents. En effet, ses déclarations ne seraient sinon que de simples tautologies : plus d’inflation dépend de l’inflation.

Afin de comprendre ce que dit Bernanke, faisons un petit retour en arrière et revenons au début de la politique d’assouplissement monétaire menée lors des mois les plus noirs de la crise financière. Pendant le boom crée par des taux d’intérêt fixés à des niveaux artificiellement bas, les institutions financières ont financé des malinvestissements, en particulier dans l’immobilier. Quand la bulle a éclaté, les prix immobiliers ont dégringolé et ces investissements ont rapidement perdu de la valeur. Les pertes bancaires commencèrent à s’élever et des problèmes de solvabilité apparurent. La liquidité s’assécha au fur et à mesure que les banques perdirent confiance dans la solvabilité des autres banques du fait de leurs prêts douteux.

Quand le marché du crédit s’assécha en septembre 2008, après la faillite de Lehman Brothers, les prêts qui jusqu’alors avaient permis toutes sortes de malinvestissements, ne purent plus servir de collatéral aux prêts interbancaires. C’est alors que la Fed entra dans le jeu en acceptant ces « actifs pourris » pour s’en servir de collatéral. En mars 2009, la Fed commença à acheter ces actifs dans le cadre de ce qui fut appelé QE1. Conséquence de cet assouplissement monétaire aussi bien qualitatif que quantitatif, le bilan de la Fed fut multiplié par trois en quelques mois.

Pendant combine de temps ces mesures exceptionnelles pouvaient-elles être maintenues ? En mars 2009, Ben Bernanke déclara que la Fed avait une stratégie de sortie. Elle pourrait tout simplement défaire ce qu’elle avait fait et ainsi réduire la taille de son bilan et revenir à celui d’avant la crise.

J’ai démontré qu’une telle stratégie de sortie n’existe pas. En effet, les achats d’actifs toxiques par la Fed n’ont pas permis de résoudre les problèmes réels sous-jacents : injecter de la monnaie ne permet pas de faire disparaître les malinvestissement. En soutenant les banques, les faillites et les réajustements nécessaires de la structure de production ont été retardés. A vrai dire, QE1 pourrait entraîner davantage de malinvestissement et ainsi aggraver le problème. Nous pourrions assister à une japonisation du système bancaire au sein duquel des banques insolvables fonctionneraient sous perfusion de la Banque centrale.

Si la Fed tentait de revenir en arrière, diminuait son bilan et cessait d’accepter des actifs toxiques comme collatéral à des prêts, les institutions financières se retrouveraient dans la situation qui était la leur en septembre 2008, juste avant la crise. Si les prix immobiliers ne retrouvent pas leurs niveaux d’avant la crise, nombre d’actifs resteront mauvais et ne pourront pas servir de collatéral de qualité. S’ils étaient évalués à leur prix de marché, ces actifs pourraient bel et bien faire fondre les fonds propres des banques. En mettant un terme à ces mesures d’urgence, la Fed risque de geler le marché interbancaire et provoquer une illiquidité généralisée.

En octobre 2009, j’en concluais que la Fed ne pourrait pas faire machine arrière sans entraîner une faillite de tout le système financier.

Plus personne ne parle aujourd’hui de réduire le bilan de la Fed ou de déployer des stratégies de sortie. Au contraire, la Fed a choisi la voie de plus d’inflation via QE2. QE2 a un objectif légèrement différent de QE1. QE1 visait à soutenir directement les banques en achetant leurs actifs. QE2 soutient le gouvernement.

Aux politiques inflationnistes de la Fed s’ajoutent les politiques fiscales keynésiennes du gouvernement américain. Le gouvernement s’est en effet engagé dans un vaste programme de soutien aux banques et aux compagnies d’automobiles, empêchant par là même une liquidation des malinvestissement et une adaptation de la structure de production aux besoins du consommateur.

QE2 est une réponse à ce déficit qui oblige le gouvernement à émettre toujours plus de bons du trésor. Avec QE2, la Fed entend soutenir le gouvernement en lui rachetant ses bons. La Fed aide ainsi le gouvernement à déployer à grande échelle ses politiques keynésiennes ruinant tout espoir de reprise réelle. Alors que QE1 aidait le système financier, QE2 aide le gouvernement. La différence est mince dans la mesure où le fonctionnement du système financier et celui du gouvernement sont liés. Le système bancaire finance le gouvernement qui à son tour donne aux banques le pouvoir de créer de la monnaie à travers le système des réserves fractionnaires et leur garantit d’échapper à la faillite.

Bernanke ne dit bien sûr pas qu’il aide à financer les déficits du gouvernement via la création monétaire. L’excuse officielle pour QE2 est encore une fois celle d’échapper au risque de la « déflation ». Les prix seraient trop bas. James Bullard, président de la banque centrale de St Louis, affirme « qu’il est important de défendre l’inflation quand elle est trop basse et quand elle est trop forte. »

En d’autres termes, si les prix augmentent trop lentement, il faut imprimer de la monnaie de sorte que les choses deviennent rapidement plus chères. Bernanke nie même le fait que QE2 puisse être inflationniste : « Il faut lever le mythe selon lequel ce que nous faisons consiste à imprimer de la monnaie… l’offre de monnaie n’a pas changé de manière significative. »

Bernanke joue avec les mots. Il est bien sûr évident que la Fed ne crée pas cette montagne d’argent en l’imprimant. La Fed crée cette monnaie en manipulant des chiffres sur son ordinateur. Quand la Fed achète pour 1000$ de bons du trésor, elle transfère 1000$ à la banque comme paiement. Il est vrai que la Fed n’imprime pas à proprement parler cet argent pour ensuite l’envoyer à la banque physiquement. En fait, il lui suffit d’augmenter le compte que la banque en question détient à la Fed. Il s’agit d’une création électronique beaucoup plus simple et facile.

Reste que le fait que la monnaie soit créée électroniquement n’empêche pas QE2 d’être inflationniste. Il l’est de plusieurs manières :

Tout d’abord, la monnaie de base (réserves bancaires) augmente. Quand la Fed achète des bons du trésor, elle crée de la monnaie qu’elle transfère à la banque qui vend le bon. A la fin de l’opération, la banque a davantage de réserves et la Fed possède le bon.
Ensuite, la qualité de la monnaie tend à diminuer. La qualité moyenne des actifs que la Fed détient, diminue au fur et à mesure qu’elle acquiert des bons. Le pourcentage d’or sur le montant total des actifs diminue alors que celui des bons augmente, rendant une réforme monétaire encore plus hasardeuse. De plus, ces bons sont ceux d’un gouvernement englué dans des niveaux de dettes énormes.

D’autre part, les prix vont tendre à être plus élevés qu’ils ne l’auraient été autrement. Les prix auraient en effet probablement baissé en l’absence de QE1 et QE2. L’injection de nouvelles réserves bancaires inhibe la contraction de crédit qui aurait alors prévalu. De fait, le but de QE2 est justement de surenchérir le prix des actifs.

La monnaie ainsi créée se dirige sur les marchés financiers et y renchérit le prix des actions. En mars 2009, au début de QE1, le Dow Jones était en dessous de 7000 pour atteindre 10.800 à la fin. Quand le Dow est tombé en dessous de 10.000, les marchés commencèrent à anticiper la possibilité d’un QE2 et une nouvelle hausse commença. Alors que la monnaie nouvellement créée nourrit d’abord le prix des actifs, les prix des biens de consommation ne subissent pas forcément de fortes hausses immédiatement. Mais tôt ou tard, les prix des biens à la consommation seront touchés.

Enfin, le taux de change sera plus bas qu’il ne l’aurait été autrement. Les acteurs du marché évaluent à la baisse le dollar dans la mesure où l’offre de monnaie de base augmente et que la qualité du dollar diminue. Cette dévaluation est un autre objectif de QE2. C’est une façon d’avantager les exportateurs. La dévaluation n’est ni plus ni moins une façon un peu rudimentaire d’imposer un tarif. Elle en a les mêmes effets. Elle rend le consommateur plus pauvre dans la mesure où il doit acheter plus cher les produits importés.

Par conséquent, QE2 est, en dépit de ce qu’affirme Bernanke, inflationniste. En fait, c’est un euphémisme que d’appeler cette politique QE2. En effet, cette notion d’assouplissement monétaire cache la vraie nature de cet instrument. De plus, le terme est technique. Les gens qui ne connaissent pas grand-chose à l’économie risquent de ne rien y comprendre. Pourquoi s’intéresser à quelque chose d’aussi technique ? Laissons les experts s’en charger. Le terme a en plus une connotation positive. Pourquoi ne pas chercher à assouplir ?

La création monétaire ne rend pas la société plus riche. Elle ne produit pas davantage de biens. Elle a un effet redistributif en faveur de ceux qui la reçoivent en premier et au détriment de ceux qui la reçoivent ensuite. L’injection de monnaie dans un domaine de l’économie distord la production. Ainsi, QE2 ne permet pas d’assouplir l’économie. Au contraire, elle rend la récession plus dure et plus longue.

L’injection de nouvelle monnaie dans l’économie regonfle les vieilles bulles et en génère de nouvelles. Plus important encore, QE rend plus facile l’augmentation des dépenses publiques ce qui ajoute des distorsions et des rigidités. Les malinvestissement persistent. Les facteurs de production ne se dirigent alors pas vers les emplois où ils permettraient de satisfaire les besoins les plus urgents des consommateurs.

L’utilisation de ce terme jargonneux ne devrait pas nous éloigner du fait que l’assouplissement monétaire n’est rien d’autre que de la création monétaire. Le but de ce nouveau programme de création est de financer les dépenses publiques et de dévaluer le dollar.

Philipp Bagus



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