Les choses sont finalement très simples et peuvent se résumer par quelques chiffres. Si l’on fait le rapport entre les personnes âgées de 20 à 59 ans (c’est-à-dire celles que l’Insee appelle à juste titre les personnes « d’âge actif »), et celles qui ont plus de 60 ans (les personnes « d’âge inactif ») on passe de 1,68 actif par inactif en 2010 à 1,16 actif par inactif en 2030. On ne fait pas vivre un système de retraite par répartition (où par définition les actifs paient pour les inactifs) avec aussi peu de cotisants, et la « réforme » de Sarkozy n’y change pratiquement rien !

Mais il y a d’autres personnes « d’âge inactif » : ce sont les moins de 20 ans, qui sont évidemment aussi à la charge des actifs. Et voici comme l’Insee voit la charge globale de ces derniers, qu’il définit comme « le ratio de dépendance économique » : « En 2007, il y avait 86 personnes "d’âge inactif " pour 100 "d’âge actif " ; il y en aurait 114 pour 100 en 2035 selon le scénario central, puis 118 en 2060. »

Autrement dit il y avait 1,16 actif en 2007 pour faire vivre tous les Français, et il n’y en aura plus que 0,87 en 2035, et cela pendant plusieurs décennies. Saluons d’ores et déjà ce quatre-vingt-septième de Français sur qui va reposer tout au long du 21e siècle la charge de porter le pays et ses habitants sur ses épaules. A ce nouveau soldat inconnu, honneur et patrie. Et, coup de chance, le dernier poilu de la Grande Guerre vient de mourir : l’Arc de Triomphe est de nouveau disponible !

Face à ce constat dramatique – et dont personne en France ne semble se soucier, du moins publiquement – il faut un véritable plan de salut public. Si l’on veut que les Français ne sombrent pas dans la misère, il faut de toute urgence abaisser les charges et les impôts qui pèsent sur les actifs. Et bien entendu remplacer immédiatement la répartition par la capitalisation. En effet, au-delà même de l’impasse démographique, la répartition détruit de la richesse alors que la capitalisation en crée. Cette richesse sera indispensable non seulement pour renforcer les capacités productives des actifs, mais aussi pour atténuer les souffrances des naufragés de la répartition.

Bien entendu un tel plan, pour vital qu’il soit, ne peut être adopté sans que les citoyens aient pris connaissance des vrais chiffres et conscience de la situation. Cela ne peut passer que par un grand débat national, dont on ne voit hélas pas poindre le début. Les politiciens ne pensent qu’à se faire élire ou réélire et fuient la vérité comme la peste. Les médias sont partagés entre ceux qui ne veulent en rien déplaire aux gouvernants du moment et ceux qui, par doctrine, sont partisans du système actuel, dût-il tuer le pays. Sans compter les journalistes inconscients et incompétents, comme ce rédacteur en chef d’un important média qui, comme je lui suggérais d’évoquer dans son journal les dispositions européennes et nationales qui suppriment le monopole de la sécurité sociale, me demandait ingénument : « Il y a une actualité ? » !

Les Français subissent une fois de plus la trahison de leurs élites. Les précédents désastres nationaux avaient eu la même cause. Faut-il se résigner à celui qui vient si vite qu’il est déjà en cours ? Beaucoup de nos compatriotes y semblent hélas prêts. Il reste les autres. Mais combien sont-ils ? A ces derniers, rappelons le mot d’ordre de Voltaire : « Criez et qu’on crie ! » C’est ce que nous faisons. Avec toutes nos excuses à ceux que cela empêche de mourir en silence !

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.