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10/7/10 | Claude Reichman |
Crise de régime ! La France vit bel et bien une crise de régime. N’en déplaise aux éditorialistes patentés qui ne veulent voir dans les évènements actuels qu’une banale crise politique, il s’agit d’un ébranlement profond de nos institutions. L’affaire Bettencourt n’a un tel retentissement que parce qu’elle illustre jusqu’à la caricature les dérives de la classe politique, ses rapports délétères avec l’argent, ses mensonges permanents, sa totale absence de sens moral, et pour tout dire sa corruption. Il va de soi que ce terrible diagnostic frappe tout autant la gauche que la droite. La seule différence tient à l’origine des ressources : les riches d’un côté, les collectivités territoriales et leurs appendices de l’autre. Non sans qu’existent parfois de subtils liens croisés entre ces diverses sources de bien-être. Il s’agit d’une crise de régime parce que la classe politique dans son ensemble est jugée incapable, par le peuple, de rétablir la situation économique du pays et qu’elle ne bénéficie plus de la moindre considération de sa part. Tous les sondages concordent : 76 % des Français considèrent que la droite et la gauche n’ont pas de solutions aux problèmes du pays, et plus de 80 % jugent qu’il ne faut en attendre aucune amélioration. Ce n’est donc pas une alternance qu’attendent les citoyens, mais une complète remise en cause de la gouvernance nationale, autrement dit l’avènement d’un nouveau régime politique. Pour qu’un régime s’effondre et soit remplacé par un autre, il faut que trois conditions soient réunies : un problème grave, un pouvoir faible, un lobby puissant. Tel fut le cas en 1958 : le problème grave était l’Algérie, le pouvoir faible était celui d’une IVème République où les gouvernements ne duraient au mieux que quelques mois, et le lobby puissant était celui que constituaient l’armée, tout entière engagée sur le terrain et d’ailleurs victorieuse militairement, ainsi que, de chaque côté de la Méditerranée, tous les partisans de l’Algérie française. On sait ce qu’il advint de ces circonstances : la Vème République vint balayer celle qui l’avait précédée. Les mêmes conditions sont remplies aujourd’hui. Le problème grave est
celui d’un Etat-providence surdimensionné plombant la compétitivité
économique de notre pays, le pouvoir faible est celui d’une classe politique
méprisée par les citoyens et incapable de prendre la moindre décision
efficace, le lobby puissant est celui de tous les bénéficiaires des
largesses de la collectivité ainsi que des intermédiaires qui les
répartissent en se servant au passage. Il est dès lors inéluctable qu’un
nouveau régime balaye celui qui est actuellement en situation d’échec avéré
et définitif. La chance du pays réside dans l’existence d’un réseau parallèle d’information qui a nom Internet. Il vient de démontrer sa puissance dans l’affaire Bettencourt, en balayant l’information traditionnelle. L’outrance des attaques gouvernementales contre le site Mediapart est le signe éclatant du désarroi et de l’impuissance du pouvoir. Celui-ci croyait qu’en tenant sous son influence de grands journaux et d’importantes stations de radio et chaînes de télévision il bénéficiait d’une emprise décisive sur l’opinion. Cette illusion s’est envolée par le seul effet d’une information parallèle et d’autant plus efficace qu’elle répond aux attentes d’une opinion exaspérée par les mœurs, les échecs et la propagande du pouvoir. Bien entendu, Mediapart, que dirige Edwy Plenel, se situe aux antipodes de nos idées. Mais reconnaissons-lui l’efficacité dont il fait preuve dans ce combat. Ce site démontre en tout cas qu’aucune institution, quelle qu’elle soit, ne peut résister à un bouleversement technologique dont elle n’a pas la maîtrise. Il est dès lors évident que la bataille pour le pouvoir en France, et
pour le remplacement d’un régime impuissant par un autre, va passer par
Internet, étant entendu qu’il viendra rapidement un moment où il faudra
passer du virtuel au réel et se porter sur le terrain. Mais ce passage se
fera tout aussi naturellement que les rassemblements en nombre que sont
capables d’organiser en très peu de temps les réseaux sociaux sur le web.
Claude Reichman
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