Un 21
avril à l’envers redevient plausible !
Ca y est. On s’y attendait un peu, c’est fait. Borloo sort du bois. Mais
naturellement à la manière d’un bon radical franc-maçon c’est-à-dire à la
fois en marchant sur la pointe de pieds, car il sait qu’il marche sur des
œufs, et en jouant les éléphants dans un magasin de porcelaines, car il veut
que ça s’entende. Cela rappellera, sans doute, aux plus anciens la bonne
époque de la IVème République.
« L’ex futur premier-ministrable » vient d’annoncer la création d’un «
Comité de liaison permanent des centristes de la majorité ». C’est ce que de
Gaulle appelait « les comités Théodule ». Et l’ancien numéro 2 du
gouvernement entend regrouper dans son nouveau « truc » « l’ensemble des
sensibilités radicales, républicaines, sociales et écologiques ». Autant
dire qu’il ambitionne d’avoir pratiquement la France entière derrière lui.
Pour quoi faire ? Il le dit très clairement : « Pour bâtir le nouveau
projet républicain pour 2012 ». Ce n’est pas la peine d’être un «
radicologue » averti pour traduire ces propos par : les centristes (de la
majorité) vont préparer un programme pour les prochaines présidentielles et
donc par là même ne plus être « de la majorité » et donc, du coup, avoir un
candidat en 2012 contre Nicolas Sarkozy. Qui ? Borloo, bien sûr.
Perfidement, le brave Borloo ajoute : « On a perdu un peu les repères, la
boussole et l’espoir. C’est ça qu’il faut rebâtir ». Il a sans doute raison.
Mais il était ministre d’Etat il y a encore quelques semaines et tout prêt à
aller à Matignon au service de Sarkozy. La France aurait-elle perdu les
repères, la boussole et l’espoir au cours de ces deux derniers mois, depuis
le départ de Borloo ?
Borloo annonce son calendrier, si ce n’est son programme. En mai, après
les cantonales qui ne s’annoncent guère brillantes pour la majorité, il
réunira le Parti radical pour proposer à ses militants de « passer du statut
d’associés au sein de l’UMP à celui d’alliés, à l’extérieur ». On
appréciera, surtout à l’Elysée, le distinguo que fait cet avocat d’affaires
entre « associés » et « alliés ».
On peut facilement penser que des « alliés » comme çà, qui préparent un
programme pour 2012, Sarkozy pourrait s’en passer.
On a sûrement surestimé la popularité de Borloo quand, à l’Elysée même,
on nous expliquait qu’en nommant Borloo premier ministre Sarkozy allait
amorcer « un grand virage social » pour finir en beauté son quinquennat et
triompher pour sa réélection.
On va maintenant nous raconter, sans doute, toujours à l’Elysée, qu’une
candidature Borloo permettra de « ratisser plus large » au premier tour.
C’est toujours comme ça qu’on tente de présenter les candidatures-pirates.
Mais si Borloo répète indéfiniment qu’avec Sarkozy la France a perdu ses
repères, sa boussole et tout espoir, le ratissage sera peut-être
contreproductif.
On a envie de reprendre la fameuse phrase de Staline à propos du Pape : «
Le Pape, combien de divisions ? » Borloo, combien de divisions ? Une, et
sanglante, au cœur même de la majorité sarkozienne.
Bien sûr, Borloo se déconsidère totalement aux yeux des Français en se
lançant ainsi dans l’antisarkozisme après en avoir « croqué » avidement
pendant plus de trois ans et demi. Mais ses coups (bas) feront mal au
président sortant. Le sondage du jour ne donne déjà plus que 25% des voix au
premier tour à Sarkozy qui, lui-même, a toujours affirmé à ses proches qu’«
à moins de 30% ce serait foutu ».
Avec des centristes qui racontent que Sarkozy a fait perdre tout espoir à
la France, un Villepin qui répète que « le problème de la France, c’est
Sarkozy », un Dupont-Aignan qui va se draper dans le drapeau français, une
Christine Boutin qui va jouer la vierge effarouchée, un Bayrou qui va nous
rechanter le grand air du « ni-ni » et une Marine Le Pen que certains voient
déjà s’envoler, les 25% semblent presque devenir une ambition démesurée pour
Sarkozy et « le 21 avril à l’envers » redevient un scénario plausible.
Les mois qui viennent vont être passionnants.
Thierry Desjardins
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