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1/6/10 Thierry Desjardins

Sarkozy raconte des balivernes, même aux Africains !

Décidément, c’est une maladie chez lui. Dès qu’il est en public (et on imagine que c’est la même chose en privé) Nicolas Sarkozy ne peut pas s’empêcher de raconter n’importe quoi. Ca part sans doute d’un bon sentiment. Il veut faire plaisir. A moins qu’il ne s’imagine vraiment qu’il a les moyens de changer la face du monde.

Hier, au 25ème sommet franco-africain de Nice, il s’est surpassé. La réunion était délicate. D’abord, parce que certains accusent la France d’essayer de faire du néo-colonialisme avec ce genre de manifestation. Ensuite et surtout, parce que ce 25ème sommet tombe au moment même du 50ème anniversaire des indépendances de nos anciennes colonies africaines. C’est donc inévitablement l’heure du bilan. Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’est pas bon.

En un demi-siècle d’indépendance, l’Afrique a, presque partout, sombré dans l’anarchie politique, le marasme économique et le désespoir social. Les coups d’Etat et les dictatures se sont multipliés, les économies se sont effondrées, la famine et les épidémies sont réapparues, les guerres ethniques si ce n’est tribales ont dévasté certaines régions, la plupart des capitales sont cernées par d’immenses bidonvilles où les paysans affamés de la savane et de la forêt sont venus s’agglutiner. Rares sont les chefs d’Etat africains qui peuvent se vanter que leur pays ait réussi son indépendance.

Et pour ce qui est des relations entre ces pays et la France, le bilan n’est guère meilleur. Paris continue à répéter que la France a des liens « privilégiés », historiques, culturels, économiques avec ses anciennes colonies tout en affirmant que la « Françafrique » est terminée. Bercy trouve que la coopération coûte beaucoup trop cher, sans oser d’ailleurs faire de compte de ce que ces cinquante ans d’« amitié » nous ont coûté à fonds perdus, et les capitales africaines nous reprochent de limiter les visas et d’avoir une politique raciste d’immigration.

Sarkozy avait rêvé à des grandes manifestations à l’occasion de ces 50 ans. C’était le pauvre Toubon (dont on ignorait les compétences africaines) qui était chargé d’organiser les fêtes. Finalement, tout cela se limitera à la présence de dix contingents africains lors du défilé du 14 juillet.

Bref, le 25ème sommet de Nice ne pouvait qu’être un peu morose et Sarkozy n’avait pas grand-chose à offrir à ses hôtes, les 51 pays présents. Mais il n’est jamais à court d’idées.

On se demande quelle mouche l’a piqué. Il a d’abord affirmé, contre toute évidence, que l’Afrique tenait une place essentielle sur la planète, sans préciser toutefois que ce continent avait un PIB par habitant qui était le tiers du PIB de l’Asie et le sixième du PIB de l’Europe ou de l’Amérique.

Du coup, il s’est écrié : « Il faut être prêt à faire une place à l’Afrique dans la gouvernance mondiale. Aucun des grands problèmes auxquels le monde est confronté ne pourra trouver de solution sans la participation active du continent africain »

A quels « grands problèmes » Sarkozy faisait-il allusion ? La faim dans le monde, la démographie galopante, le SIDA, la protection de l’environnement, l’avancée des déserts et la déforestation, le réveil des nationalismes et la montée des fanatismes religieux, la mondialisation de l’économie et la suprématie des pays émergents ? De tous ces « problèmes », l’Afrique est la première des victimes et on ne voit pas comment elle pourrait participer activement à la recherche de leurs solutions.

Mais le président a sa solution. « Il est anormal, s’est-il écrié, que l’Afrique ne compte aucun membre du Conseil de Sécurité de l’ONU ». C’est ce qui s’appelle caresser la bête dans le sens du poil. Certains grands pays africains (l’Egypte, l’Afrique du sud, le Nigeria et d’autres) souhaitent en effet, depuis des années, rejoindre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie, la Chine et la France comme membres permanents du Conseil du « machin ». Pour l’instant, l’Afrique n’a que trois sièges non-permanents. Les Africains en veulent deux permanents et quatre non-permanents.

Et Sarkozy leur a promis de défendre leur cause, notamment dès qu’il sera à la tête du G20. Il a d’ailleurs son plan : un statut de membres intérimaires qui permettrait de donner à l’Afrique des sièges au Conseil de Sécurité qui seraient « permanents mais limités à dix ans » (sic !) et qui n’auraient pas de droit de veto. Demi-mesure dont les Africains ne veulent naturellement pas entendre parler.

Comment Sarkozy a-t-il pu s’engager ainsi à obtenir des sièges (même des strapontins) au Conseil de sécurité pour les Africains ? Ignore-t-il à ce point qu’un certain nombre de pays, pesant autrement plus lourd sur la planète que les pays africains, revendiquent, depuis des années, un siège permanent au Conseil de sécurité ? A commencer par l’Inde, le Brésil, le Mexique, le Japon ou l’Allemagne.

L’Egyptien Moubarak était à Nice aux cotés de Sarkozy. Il l’écoutait avec un petit sourire. De satisfaction ? Non, d’ironie. Il se souvenait soudain qu’il avait déjà été à côté de ce même Sarkozy quand celui-ci avait lancé l’Union pour la Méditerranée…

Thierry Desjardins


 



 
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