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13/9/10 Thierry Desjardins
          Sarkozy n’a aucune excuse !

Tous les amateurs de chasse à courre le savent, la curée c’est quand on donne les restes de la bêtes aux chiens. Aujourd’hui, on a un peu l’impression d’assister à ce spectacle qui, il faut bien le dire, n’est pas très ragoûtant.

Le Nouvel Observateur fait sa « une » sur « Cet homme est-il dangereux ? », avec une photo épouvantable de Sarkozy. Après Marianne qui avait fait sa « une » sur « Le voyou de la République », Le Point qui demandait « Est-il si nul ? » et The Economist qui titrait « L’incroyable président qui rétrécit », il est évident que le président de la République ressemble de plus en plus à la malheureuse bête donnée aux chiens, voire à un pauvre type attaché à un poteau d’exécution en face d’un peloton qui tire en rafales.

Ajoutons la sortie imminente d’un livre, paraît-il explosif ,que va publier Flammarion sur Carla Bruni et qui révélerait toutes les turpitudes passées, présentes et à venir de la première dame de France.

Devant un tel déferlement, on aurait presque envie de courir au secours du malheureux Sarkozy.

Alors on lui cherche des excuses. Mais, hélas, on ne lui en trouve aucune. Qu’il ait été actif, qu’il se soit démené comme un pauvre diable dans tous les sens est évident. On l’a vu partout, dans toutes les villes de France, au moindre enterrement du moindre policier, aux quatre coins du monde, à serrer dans ses bras tous les dirigeants de la planète, généralement horrifiés par ses manières, tous les soirs au journal télévisé, affirmant aux agriculteurs, aux médecins, aux enseignants, aux ouvriers et même aux chômeurs, qu’il connaissait leurs problèmes et qu’il allait les résoudre.

Au moindre fait divers, il nous a toujours annoncé de nouvelles mesures et surtout de nouveaux textes législatifs. Cet avocat souffre de diarrhée normative. Mais le rôle d’un chef d’Etat n’est pas de réagir à toute occasion, de faire du ping-pong avec l’actualité en permanence et en sautillant comme un dératé, de se mettre en avant, plein cadre, dès qu’une caméra s’allume. Il est d’être au dessus de la mêlée, d’arbitrer calmement, de choisir posément, d’avoir une vue claire d’un avenir qu’il propose.

Qu’il ait tenté de mener la « rupture » avec le passé qu’il nous avait promise est un peu vrai. Il a voulu réformer la justice, l’école, les universités, la télévision, les institutions, l’armée, tout. Mais, mal préparées, mal présentées toutes ces « ruptures » se sont vite transformées en réformettes aussitôt englouties dans les sables mouvants.

Que retiendra-t-on de son quinquennat ? Qu’il a supprimé la publicité sur la télévision publique après 20 heures. Ce n’est même pas vrai. Regardez la 2 ou la 3 après 20 heures. La météo nous est « offerte » par M. Bricolage ou Darty, le film par Groupama, le week-end par les Hôtels Ibis, etc. C’est quoi si ce n’est de la publicité ? Même à la télévision publique qu’il s’imagine désormais maîtriser puisqu’il en nomme tous les responsables, on se moque de lui et on s’assoit sur ses ruptures.

Ses derniers défenseurs diront qu’il a pratiqué « l’ouverture ». Cà c’est vrai. Ses électeurs le lui ont d’ailleurs assez reproché en s’estimant, à juste titre, avoir été trahis. Mais qui, aujourd’hui, pourrait dire que les recrutements de Kouchner, Besson, Bockel, Fadela Amara ont été autre chose que de l’esbroufe et qu’ils ont servi en quoi que ce soit à mener une politique cohérente du pays ? Il est d’ailleurs vraisemblable que, pour la plupart, ces mercenaires sans foi ni loi disparaîtront lors du prochain remaniement.

Qu’il n’ait pas eu de « chance » et qu’il ait dû oublier toutes ses promesses électorales est tout aussi évident. La crise économique et financière l’a tétanisé. Mais aucun de nos présidents n’a tenu ses promesses et tous ont eu à affronter des catastrophes qui ont pour nom « réalités ». Mitterrand a du faire le virage de la rigueur, Chirac a du oublier l’ascenseur social.

Niant la vérité, refusant de parler d’austérité, Sarkozy a pataugé entre plan de relance et rigueur, prouvant son incapacité à tenir la barre dans la tempête. Ajoutons d’ailleurs qu’avant cette fameuse crise, pendant les premiers mois de son règne, Sarkozy n’avait déjà pas fait des étincelles.

En 1988 et en 2002, les Français ont pardonné à Mitterrand et à Chirac leurs volte-face et les ont réélus. Il est vrai qu’en 1986 et en 1997, ils les avaient condamnés à la cohabitation. Sarkozy aurait sans doute dû dissoudre l’Assemblée à mi mandat, alors qu’il avait déjà sombré dans tous les sondages et que sa politique était incontestablement rejetée par une grande majorité des Français, pour permettre aux électeurs de juger sur pièces les socialistes au pouvoir et Martine Aubry à Matignon. Il n’a pas eu cette habileté machiavélique.

Mais si les Français le trouvent « dangereux » (comme le dit Le Nouvel Observateur), « nul » (si l’on en croit Le Point), avec des manières de « voyou » (pour reprendre le mot de Marianne), c’est moins en raison de ses échecs dans tous les domaines. Les Français rejettent beaucoup plus l’homme, le personnage lui-même, qu’ils ne lui reprochent ses déboires.

Ce « voyou » est « dangereux » et « nul » parce qu’au lieu d’avoir « une certaine idée de la France », il a les yeux rivés sur les sondages, qu’il ne sait pas qu’« une élection présidentielle se gagne au centre » (comme le répétait Pompidou) et qu’il s’imagine qu’il lui suffira de récupérer les voix du Front National pour être réélu. Alors, il est prêt à tout et à n’importe quoi.

Non, même avec la meilleure bonne volonté, il est difficile de dire que Sarkozy soit aujourd’hui la victime innocente d’un odieux complot médiatique fomenté par des trotskistes ennemis de la France.

Certains reprochent à la presse de rechercher des lecteurs en faisant de la « sarkophagie ». Mais ce sont les lecteurs, c’est-à-dire les électeurs, qui sont les premiers
« sarkophages » !

Thierry Desjardins




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