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2/6/10 Thierry Desjardins

Et si l’on mettait un vrai comique au pouvoir ?

D’abord, on éclate de rire. Et puis, à la réflexion, on trouve cela moins drôle car l’histoire pourrait bien se reproduire un peu partout ailleurs et qu’il est évident que ce ne serait pas une bonne chose pour la démocratie.

Cà s’est passé en Islande, ce morceau de terre perdu dans les brumes de l’Atlantique nord et qui fait la « une » de l’actualité depuis quelques mois car on a l’impression qu’il est maudit et qu’il est à l’origine de toutes les catastrophes qui s’abattent sur notre planète. C’est en Islande, jadis pays richissime et classé comme étant « le plus heureux du monde », que les banques ont commencé à faire faillite. C’est un volcan islandais qui, avec son nuage, a paralysé toute l’Europe. Ca fait beaucoup, en peu de temps, pour un si petit pays.

On pourrait se demander comment les Islandais réagissent devant ces malheurs successifs. Eh bien Le Monde nous raconte les élections municipales qui viennent de se dérouler.

C’est un clown, acteur comique et vedette de la télévision locale, Jon Gnarr, qui vient de l’emporter à la mairie de Reykjavik, la capitale, en raflant 6 sièges, devant les conservateurs, 5 sièges, les sociaux-démocrates, 3 sièges, et les Verts, 1 siège.

Le « programme » (officiel) de Gnarr et de ses amis, des chanteurs et des acteurs, tous amateurs de provocations, était simple : « Nous en mettre plein des poches sans nous fatiguer, placer nos copains à des postes juteux, trahir toutes nos promesses électorales ». Jusque là, diront certains, il n’y avait rien de très original, mais Gnarr allait plus loin. Il voulait aussi : « Abolir toutes les dettes, créer une fête annuelle des grands-parents, organiser des voyages surprises pour les vieux, créer un zoo arctique où les ours blancs pourraient s’ébattre en toute liberté, remplacer un asile  de fous par une prison internationale pour les délinquants en col blanc » et enfin « Introduire en Islande les écureuils et les grenouilles.»

Les sociaux-démocrates, au pouvoir mais devenus terriblement impopulaires par la politique de rigueur impitoyable qu’ils ont dû imposer, et les conservateurs, déconsidérés par une série de scandales de corruption, n’ont pas vu venir le danger alors pourtant que les sondages semblaient annoncer « une percée » des listes de Gnarr.

Les 300.000 Islandais, descendants des Vikings norvégiens, n’ont pas la réputation d’être particulièrement rigolos. On se souvient d’un unique film islandais, « Dancer in the dark », ayant pour vedette leur grande chanteuse Björk et particulièrement sinistre. Ils ont pourtant choisi ce comique qui leur promettait de trahir toutes ses promesses et de s’en mettre plein les poches.

En France, nous avions eu, en 1981, la candidature éphémère de Coluche aux présidentielles. Il avait obtenu jusqu’à 16% d’intentions de vote dans certains sondages et plusieurs intellectuels réputés sérieux (Bourdieu et Deleuze notamment) l’avaient officiellement soutenu. Mais la gauche, à commencer par Mitterrand, avait senti le danger et l’avait convaincu d’abandonner la course (ce qu’il avait fait au lendemain de l’assassinat de son secrétaire).

On se demande quelle serait aujourd’hui l’attitude des Français devant une candidature farfelue. Mais nos politiciens peuvent se rassurer. Les Français sont, sans doute, désespérés et ne font plus aucune confiance à leurs élus, mais nous manquons actuellement de grands comiques.

Thierry Desjardins



 
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