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27/1/11 | Thierry Desjardins |
Egypte : les islamistes peuvent prendre le pouvoir ! Michèle Alliot-Marie n’a pas offert à Hosni Moubarak « le savoir-faire » de la police française pour réprimer les foules égyptiennes en colère. Tant mieux. La diplomatie française préfère rester prudente. Elle se contente désormais de « déplorer les morts » et d’« appeler à plus de démocratie ». C’est le service minimum. On ne voit d’ailleurs pas ce que Paris pourrait faire d’autre. Sauf à vouloir, à tout prix, continuer à accumuler les gaffes et les maladresses. Comme au Mali où on ignore toujours tout de ce que sont devenus nos cinq otages, comme en Côte d’Ivoire où Gbagbo continue à narguer le monde entier, comme en Tunisie où on vient de faire payer à notre ambassadeur les bourdes de sa ministre. On ne peut plus demander qu’une seule chose aujourd’hui à Nicolas Sarkozy et à Alliot-Marie : surtout qu’ils se taisent en tentant de faire oublier leurs compromissions avec tous ces régimes non seulement corrompus mais surtout condamnés depuis déjà longtemps. Si l’Egypte, suivant les traces de la Tunisie, bascule à son tour dans la révolution (de jasmin, de cactus ou de palmier) les conséquences seront considérables et dramatiques pour le monde entier. Pour la Tunisie, on peut encore, aujourd’hui, espérer que l’armée permettra aux démocrates de s’emparer du pouvoir et d’instaurer, dans le calme, un régime stable. Mais pour l’Egypte, on ne peut se faire aucune d’illusion. Ce seront les islamistes. Et alors tout le monde musulman risque bien de s’enflammer. Le Caire a toujours été la capitale du monde arabe et, bien souvent, celle de tous les pays musulmans, voire même celle du Tiers-monde. L’Egypte est, de très loin, le pays le plus peuplé du monde arabe, Le Caire a un prestige considérable à travers tout le monde islamique, grâce notamment à sa fameuse université Al Azhar, et, depuis Nasser qui avait osé défier l’Occident en nationalisant le canal de Suez et en faisant construire, avec l’aide soviétique, son barrage d’Assouan, l’Egypte est devenue « un phare » pour tous ces pays qui s’appelaient « non-alignés » (alors qu’ils étaient alignés, le petit doigt sur la couture du pantalon, derrière Moscou), qu’on appelait « sous-développés » et qui se sont, plus ou moins, réveillés depuis longtemps. Les islamistes au pouvoir au Caire, cela pourrait signifier un gigantesque soulèvement islamiste de la Mauritanie au fin fond des Philippines, en passant par tout le Maghreb, tout le Proche Orient, le Moyen Orient, les pays du Golfe et l’Indonésie. On imagine la catastrophe. On sait l’importance qu’a eue la révolution iranienne à travers la planète. Mais l’Iran est un pays à part, fermé sur lui-même, qui n’est pas arabe et qui est chiite. Une révolution islamiste égyptienne provoquerait, elle, un « tsunami » sans commune mesure. Les islamistes ont-ils une chance de l’emporter au Caire ? Oui, à
l’évidence. Sadate s’imaginait que les islamistes l’aideraient à effectuer le virage à 180° dont il rêvait, vers l’Occident et vers le capitalisme. Cela lui a coûté la vie puisque ce sont ces mêmes islamistes qui l’ont assassiné en octobre 1981. Sadate n’avait pas compris que les islamistes haïssaient tout autant le marxisme et Moscou que la démocratie et l’Occident et que, bien sûr, ils ne pouvaient pas lui pardonner sa visite en Israël. Médiocre, arrivé au pouvoir par hasard, sans aucune aura personnelle, Moubarak a accumulé, pendant trente ans, tous les ingrédients nécessaires pour alimenter une révolution islamiste. Il a, comme ses prédécesseurs, pourchassé toute opposition démocratique, poussant donc tous les mécontents vers les mosquées ; il a laissé le développement économique creuser davantage encore le fossé entre une poignée de riches, de plus en plus riches, et une immense foule de pauvres, de plus en plus pauvres ; il n’a pas vu que les jeunes, diplômés ou non, étaient sans espoir et que les classes moyennes qui étaient apparues sous le règne de Sadate sombraient dans la précarité. Il ne s’est pas aperçu que, dans tout le pays, et même dans les quartiers les plus élégants du Caire ou d’Alexandrie, toutes les femmes étaient désormais voilées (ce qu’on n’avait jamais vu en Egypte) et que l’importante minorité copte était, depuis des mois, victime de véritables « pogroms » antichrétiens fomentés par les islamistes qui voulaient ainsi déclencher une véritable guerre de religion contre tous les « infidèles ». Il n’a pas compris qu’en désignant son propre fils pour lui succéder, il mettrait le feu aux poudres. Les événements de Tunisie ont, évidemment, déclenché l’insurrection égyptienne. Mais tout était prêt. La répression va-t-elle permettre à Moubarak de se maintenir encore quelque temps au pouvoir ? Personne ne peut le savoir. Mais l’affaire est entendue. L’Egypte a déjà basculé dans l’Islamisme et la victoire des « fous de Dieu » semble désormais inéluctable. Que pouvons-nous faire ? Pas grand-chose. Les démocraties n’ont pas compris qu’en soutenant, si longtemps et par facilité, cette kyrielle de régimes médiocres, dictatoriaux et corrompus, elles dégoûtaient tous ces peuples de l’idée même de la démocratie. Il est maintenant beaucoup trop tard pour évoquer les Droits de l’Homme ou les valeurs de la République. Le XXème siècle a été marqué par la confrontation entre le monde dit «
libre » et le monde communiste. Certains utopistes avaient cru pouvoir
imaginer qu’après l’effondrement du bloc soviétique l’histoire était
terminée. Le XXIème siècle va être marqué par la confrontation entre le
capitalisme et l’Islamisme. Thierry Desjardins
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