Qu’on nous débarrasse de ces faisans et
margoulins !
Sarkozy n’a rien compris.
Il a lu dans la presse que l’ambiance était devenue épouvantable et certains
de ses collaborateurs les plus courageux le lui ont, peut-être, dit. Non
seulement il est, d’après tous les sondages, désormais rejeté par plus de
65% des Français qui ne supportent plus ni ses échecs à répétition, ni ses
méthodes de gouvernance, ni son style personnel, mais maintenant c’est, en
plus, la moitié de son gouvernement que les Français rejettent. Car ce
régime patauge dans les scandales.
Les Français ne pardonneront jamais à Eric Woerth d’avoir, en tant que
ministre du Budget, fait embaucher sa femme par Liliane Bettencourt et
d’avoir dîné avec l’héritier des Peugeot pour une histoire de lingots d’or,
à Christian Blanc ses cigares, à Estrosi ses appartements de fonction, à
Roselyne Bachelot la gestion de la grippe H1N1 et du Mondial, à Joyandet son
permis (illégal) de construire, à Rama Yade son hôtel de (très) grand luxe
en Afrique du Sud, à Fadela Amara d’avoir prêté son appartement de fonction,
à Christine Lagarde de toucher ses indemnités de conseillère de Paris et de
ne jamais mettre les pieds à l’Hôtel de Ville, à Michèle Alliot-Marie de
cumuler sa retraite de parlementaire et son salaire de ministre. On en
oublie sans doute quelques uns. Sans parler de l’affaire des sous-marins
pakistanais qui va, avant longtemps, faire des ravages considérables.
Cà fait beaucoup, beaucoup trop.
D’autant plus que tous ces scandales correspondent au même état d’esprit, à
la même « philosophie », si l’on ose dire. C’est partout, toujours, le
triomphe impudique, affiché, ostentatoire, du fric, des passe-droits, du
copinage avec les plus grosses fortunes, de la concussion, de la
prévarication. Tout çà a d’ailleurs commencé un soir au Fouquet’s, et le
lendemain sur le yacht d’un milliardaire nommé Bolloré.
Les Français n’en peuvent plus, la coupe est pleine, ils en ont la nausée.
Et, pendant ce temps-là, on leur demande de faire des efforts, des
sacrifices ! Tentant de réagir en face de ces tombereaux de boue, Sarkozy
vient d’adresser une lettre officielle à François Fillon dans laquelle il
mélange tout puisqu’il souligne à la fois « la nécessité de rechercher des
économies pour redresser nos finances publiques » et « l’impératif moral qui
s’impose », en précisant pour le cas où on n’aurait pas compris : « L’Etat
doit plus que jamais faire preuve d’exemplarité et faire un usage
irréprochable de l’argent public ».
Mais nos déficits et notre dette n’ont rien à voir avec ces scandales ! Ce
ne sont pas ces crapuleries des barons du régime qui ont compromis nos
finances publiques. Il ne faut pas tout confondre pour noyer le poisson. Les
Français sont parfaitement conscients de la situation catastrophique de nos
finances publiques, mais ce qu’ils veulent aujourd’hui, avant tout, c’est un
grand coup de balai pour qu’on les débarrasse au plus tôt de ces faisans et
margoulins qui trônent autour de la table du Conseil des ministres.
Sarkozy annonce dans sa lettre à Fillon qu’il supprime la garden-party du 14
juillet, qu’il transforme les « chasses présidentielles » en… « battues de
régulation », qu’en trois ans il faudra réduire le parc automobile de l’Etat
de 10.000 véhicules et le parc immobilier de 7.000 logements dits « de
fonction ». Autant de décisions qui auraient dû être prises depuis
longtemps. Mais çà n’a rien à voir avec « l’exemplarité » et « l’impératif
moral » que les Français exigent aujourd’hui.
Si Nicolas Sarkozy avait voulu répondre à l’écœurement des Français et sans
doute remonter un tant soit peu dans les sondages, il aurait annoncé, hier
soir, un vaste remaniement ministériel. Dehors les Woerth, Blanc, Estrosi,
Bachelot, Joyandet, Yade, Amara, Lagarde, Alliot-Marie… Tous n’ont pas été
déclarés coupables, dira-t-on, tous bénéficient de la présomption
d’innocence. Mais tous sont soupçonnés, accusés, discrédités.
Cela suffit. « La femme de César ne soit pas être soupçonnée ». Ceux qui
nous dirigent non plus. D’ailleurs, dès l’instant où ils sont soupçonnés,
ils ne peuvent plus diriger personne. Eric Woerth aura bonne mine quand il
va, demain, se retrouver face-à-face avec les dirigeants syndicalistes pour
parler de la réforme des retraites. On entend déjà Bernard Thibault lui dire
: « Bonjour, Monsieur le Ministre, et comment va Liliane ? »
Dans la charrette, Sarkozy aurait pu faire monter aussi Borloo et Morin
puisque l’un et l’autre se disent prêts à être candidats à la présidentielle
en 2012 et qu’ils n’ont donc plus rien à faire dans l’équipe de celui qui
veut se représenter.
Seulement voilà, Sarkozy ne comprend pas pourquoi les Français reprochent à
tous ses courtisans d’aimer l’argent, les copains et les coquins (pour
reprendre une vieille
formule), le parfum des cigares et le confort des palaces. Car lui aussi, il
aime l’argent et les milliardaires…
Thierry Desjardins
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