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13/2/11 | Thierry Desjardins |
Fillon en Arabie saoudite ! Maintenant ! Ils
n’en loupent vraiment pas une ! Décidément, Fillon n’en loupe pas une. Après avoir passé ses vacances de Noël en Egypte aux frais de Moubarak, il passe ce week-end… en Arabie saoudite. L’Arabie saoudite est, évidemment, la pire des dictatures du monde arabe et l’une des pires de la planète. Tous les pouvoirs politiques, économiques, militaires appartiennent à la famille royale, qui les tient d’une main de fer. La loi coranique est appliquée avec une intransigeance sans pitié, on lapide les femmes accusées d’adultère, on coupe la main des voleurs, le vendredi après la prière, sur la place de la Grande mosquée, et il va sans dire qu’on décapite au sabre le moindre opposant qui aurait manqué de respect aux descendants d’Ibn Séoud. Rappelons que les femmes n’ont même pas le droit de conduire une voiture en Arabie saoudite. Si les richesses fabuleuses du pétrole ont permis de construire des gratte-ciel, des autoroutes, des universités et des hôpitaux de luxe, ce pays est politiquement, socialement, culturellement, totalement moyenâgeux et les pétrodollars de l’or noir ont surtout permis à la famille royale de s’acheter à travers le monde des palais, des châteaux, des hôtels de grand luxe et d’énormes entreprises de toutes sortes. Ici, le mot « dictature » est totalement dépassé puisqu’il s’agit, très officiellement, d’un système totalement féodal, et le mot « corruption » n’a pas de sens puisque tout appartient à ces quelques centaines de Séoud. Naturellement, toutes les grandes démocraties qui prônent les Droits de l’Homme, la liberté d’expression et l’égalité hommes-femmes se sont toujours parfaitement accommodées de ce régime invraisemblable, ont toujours entretenu les meilleures relations avec ces princes en babouches, aux Rolex en diamants et aux harems abondants, qui sont à la fois « les Gardiens des Lieux Saints » et ceux des puits de pétrole encore plus sacrés. Fillon, nous dit-on, va essayer de vendre des Rafale (l’avion « maudit » de Dassault va faire des démonstrations d’appontage sur le Charles de Gaulle au large de Djeddah) et des TGV. C’est, répète-t-il, son « boulot ». D’abord, on peut se demander si le « boulot » d’un Premier ministre (ou d’un président de la République) se limite vraiment à jouer les commis-voyageur. Ensuite, on pourrait rappeler au Premier ministre que le plus naïf des représentants de commerce sait parfaitement que pour avoir une chance de vendre sa camelote, il doit tenir compte des… circonstances. Fillon pense-t-il vraiment que, moins de 24 heures après la chute de Moubarak et ce fabuleux tsunami qu’elle provoque à travers tout le monde arabe, les Saoudiens (qui viennent déjà d’accueillir Ben Ali en fuite) ont l’esprit à acheter des Rafale ou des TGV ? Mais il y a beaucoup plus grave. Le moins qu’on puisse dire est que la France n’a pas été très brillante ces derniers temps dans le monde arabe. Nos diplomates n’ont rien vu venir et nos dirigeants ont continué à afficher sans retenue, sans pudeur et avec une cécité stupéfiante, leur amitié « indéfectible » avec des potentats usés jusqu’à la corde, pourris par des décennies de corruption et condamnés par l’évolution de la démographie de leur pays. Il est vrai qu’on peut noter au passage que Ben Ali, Moubarak (et Laurent Gbagbo) étaient aussi les meilleurs amis de Martine Aubry, Ségolène Royal, Hollande et DSK en tant que membres de l’Internationale Socialiste… Aujourd’hui, le Quai d’Orsay se réjouit de la victoire de la démocratie en Tunisie (où le ministre réveillonnait il y a six semaines) et Nicolas Sarkozy applaudit à la chute de Moubarak (qu’il avait choisi comme co-président pour sa fumeuse Union pour la Méditerranée). Autant dire que l’image de la France qui, depuis de Gaulle, avait un certain prestige aux yeux des foules arabes, en a pris un sérieux coup. Et c’est le moment précis, alors que la moindre des choses serait de se faire un peu discret, que le Premier ministre choisit pour aller en visite officielle dans le pays le plus décrié à travers tout le monde arabe. Veut-il vraiment faire comprendre aux masses arabes que la France est,
quoi qu’il puisse arriver, résolument du côté des dictatures et des régimes
féodaux les plus rétrogrades ? Et qu’elle souhaite continuer à « vendre son
âme aux plus offrants » ? Va-t-il, d’ailleurs, profiter de son passage à
Ryad pour aller embrasser sur la bouche le pauvre Ben Ali ?
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