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22/7/10 Thierry Desjardins
           Insécurité : Sarkozy fait des moulinets !

Comme chaque fois que des incidents violents font la « une » de l’actualité, Sarkozy est monté sur ses grands chevaux, a fait des moulinets, s’est montré menaçant, a annoncé des décisions (qui, comme d’habitude, n’auront sans doute aucune suite) et a dérapé.

Il est évident que ce qui s’est passé, le week-end dernier, dans le Loir-et-Cher est inadmissible. Ayant appris qu’un des leurs avait été abattu par la gendarmerie alors qu’il venait de forcer un barrage routier, les « gens du voyage » se sont mis à saccager plusieurs villages de la région, en s’en prenant aussi bien à des édifices publics qu’à des commerces. Quelles qu’aient pu être la douleur et la colère de ces gens devant ce qu’ils considèrent comme un assassinat - et qui n’est, en fait, qu’une « bavure »-, leur chevauchée vengeresse et dévastatrice à travers tout le département est intolérable et on attend que ceux qui y ont participé soient arrêtés et déférés devant la justice.

Mercredi, au cours du Conseil des ministres, Sarkozy a donc annoncé qu’il organiserait une réunion, le 28 juillet, à l’Elysée sur « les problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les roms » et qu’on y déciderait « l’expulsion de tous les campements en situation irrégulière ».

Sarkozy a commis là trois erreurs.

D’abord, ce n’est évidemment pas à l’Elysée, au sommet de l’Etat, qu’on doit traiter de tels problèmes. C’est l’affaire, tout au plus, du premier ministre, en fait, du ministre de l’Intérieur. Imagine-t-on de Gaulle présidant une réunion dans le salon Murat à la suite de quelques scènes de vandalisme ? Ensuite, plus grave, Sarkozy a officiellement désigné toute une communauté, celle des « gens du voyage ».

Il ne fait aucun doute que ces « gens du voyage » sont une population « à part », en marge. Ils sont, par définition, sans domicile fixe, généralement sans revenu officiel (si ce n’est la lecture des lignes de la main ou le rempaillage des chaises), mais ils ont pourtant des voitures et des caravanes de grand prix et leurs enfants qu’on voit de plus en plus souvent faire la manche dans le centre des villes commettent de nombreux chapardages.

Bref, le moins qu’on puisse dire c’est que l’opinion publique ne les a jamais eus en sympathie et qu’ils n’ont, eux-mêmes, jamais fait le moindre effort pour s’intégrer dans notre société.

Mais le chef de l’Etat peut-il pour autant montrer du doigt toute une communauté même si elle est marginale, même si elle est rejetée (et redoutée) et même si l’on peut soupçonner, à juste titre, que la délinquance y est plus souvent qu’ailleurs pratiquée ?

On sait que la loi interdit d’évoquer l’origine ethnique d’un délinquant et que si la presse n’hésite jamais à révéler qu’un assassin qui vient d’être arrêté se prénomme Raoul ou Albert (et même parfois qu’il s’agit d’un ancien légionnaire), elle ne donnera jamais le prénom d’un Karim ou d’un Abdallah sous prétexte que de telles précisions pourraient « inciter à la haine raciale ». D’ailleurs, le ministère de la Justice n’a jamais voulu publier le moindre chiffre sur la population d’origine immigrée en milieu carcéral, de peur, là encore, d’inciter à la haine raciale. Or reconnaître la surreprésentation des immigrés dans nos prisons (qui est une évidence) permettrait surtout de souligner les erreurs de toutes nos politiques d’immigration.

Et on se souvient que le ministre de l’Intérieur, lui-même, vient d’être condamné par un tribunal pour avoir déclaré qu’« un Arabe, çà allait, mais qu’il y avait des problèmes quand il y en avait plus », plaisanterie certes d’un goût douteux mais sans doute basée sur une certaine expérience.

Toute personne qui déclarerait que « les comportements de certains Arabes posent des problèmes » serait évidemment poursuivie. Ces lois sont absurdes et, en censurant certaines vérités, n’ont jamais permis de combattre le racisme, mais il appartient au chef de l’Etat de les respecter (ou de les faire abroger). En affirmant que « certains parmi les gens du voyage » avaient des comportements qui posaient problème, il a sans doute énoncé une évidence mais il a surtout violé la loi et stigmatisé toute une communauté qui n’en avait vraiment pas besoin. Ce n’est pas son rôle.
 

Enfin, en annonçant qu’il allait faire expulser « tous les campements en situation irrégulière », il a évidemment fait, une fois de plus, une promesse qu’il ne pourra pas tenir. Sans parler de toutes les organisations de défense des droits de l’homme qui ne vont pas manquer de se déchaîner, il va se retrouver devant un problème insoluble : où va-t-il mettre ces milliers de « gens du voyage » terrés tant bien que mal dans les bidonvilles de nos banlieues ?

Il aurait dû se contenter de virer le préfet du Loir-et-Cher, comme il vient de virer le préfet de l’Isère.

Thierry Desjardins





 
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