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20/11/10 Thierry Desjardins
                 A quoi sert l’Otan ?

Alain Juppé a endossé aujourd’hui son nouvel uniforme de ministre de la Défense en accompagnant Nicolas Sarkozy au sommet de l’Otan à Lisbonne. Au milieu des vingt-huit chefs d’Etat et de gouvernement, il était tout content mais, bien sûr, le petit doigt sur la couture du pantalon. Le président de la République devait rigoler en son for intérieur. Finalement, avec quelques hochets, on peut faire faire n’importe quoi à n’importe qui.

Le maire de Bordeaux n’avait pas caché qu’il désapprouvait totalement le retour de la France à l’Otan. Pour l’ancien premier ministre c’était non seulement une trahison à l’égard du gaullisme mais une maladresse insigne. Il plastronne désormais, entouré des dirigeants de cette Otan qu’il fustigeait hier. Ca s’appelle avaler son képi.

Plus personne ne sait, aujourd’hui, à quoi sert l’Otan. L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord avait été créée au lendemain de la guerre par « le monde libre » pour faire face à la menace de l’empire soviétique. A l’époque, on redoutait que Staline n’ait envie d’envahir l’Europe occidentale.

Staline est mort, l’Union soviétique est morte, le Pacte de Varsovie (qui avait été la réponse de Moscou à l’Otan) n’existe plus, Poutine et Medvedev sont les meilleurs amis de l’Occident (Medvedev sera à Lisbonne) et la 3ème guerre mondiale qui a commencé sans qu’on nous le dise et qui fait déjà des ravages considérables dans nos rangs n’est pas menée par nos militaires mais par nos économistes qui perdent bataille sur bataille devant toutes les offensives victorieuses des pays émergents.

Les troupes du Pacte de Varsovie ont été remplacées par les produits chinois (et autres) qui, eux, ont parfaitement réussi à envahir tous nos pays. Et là, nous n’avons même pas été capables de construire la moindre ligne Maginot.

Reste pour nos braves « pioupious » un nouvel ennemi redoutable, invisible, incertain : le terrorisme. Ayant toujours au moins une guerre de retard, nos vieilles culottes de peau s’imaginent qu’avec des avions, des canons, des chars et des dizaines de milliers de fantassins crapahutant dans les djebels afghans, ils vont pouvoir exterminer quelques poignées de fanatiques qui sont capables, quand ils veulent, où ils veulent, de faire sauter des bombes, de détourner des avions, de prendre des otages.

Voulant, conformément à sa raison d’être, défendre l’Occident, l’Otan a déployé 150.000 hommes avec armes et bagages en Afghanistan pour attraper Ben Laden. Cela fait dix ans qu’ils le cherchent dans ses montagnes et ses grottes de la frontière pakistanaise. Ils ne l’ont toujours pas trouvé. Ridicule !

L’Occident n’a pas compris qu’il n’avait pas affaire à une poignée de terroristes barbus perdus dans leurs déserts mais bien à une guerre de civilisations qui oppose, à travers toute la planète, ceux qui se considèrent comme les damnés de la terre et qui veulent, sous le drapeau de l’Islam, créer un monde nouveau à ceux qui sont encore les maîtres du monde.

Cet ennemi-là n’est pas seulement au fin fond de l’Afghanistan. Il est partout, au Niger et dans toute l’Afrique sahélienne, en Egypte, au Soudan, au Liban, au Yémen, en Indonésie, aux Philippines et même dans toutes les banlieues de non-droit de nos métropoles.

Et d’ailleurs, même en Afghanistan, nous n’arrivons pas à en venir à bout. Nous avons, sans doute, renversé les Talibans à Kaboul mais, depuis notre victoire, les Talibans sont devenus les maîtres du pays tout simplement parce que le réflexe nationaliste a joué contre l’occupant occidental. Chacun sait maintenant que cette guerre (qui était perdue d’avance) ne peut se terminer que par une défaite pitoyable quand nous en aurons assez de perdre nos hommes dans « le bourbier afghan ».

A Lisbonne, galonnés et dirigeants politiques vont naturellement, devant les photographes, se réjouir des « progrès » réalisés en Afghanistan. Mais, dans le secret des entretiens, ils se seront tous demandé comment sortir au plus tôt de ce bourbier.

Obama a d’ailleurs avoué textuellement, avant d’arriver à Lisbonne : « Nous allons harmoniser notre approche de manière à pouvoir lancer la période de transition devant conduire les Afghans à prendre, au début de l’année prochaine, la responsabilité de leur propre sécurité ». Ca s’appelle une capitulation en règle.

Pour ses débuts, Alain Juppé va avoir à gérer une déroute.

Thierry Desjardins


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