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10/1/11 Thierry Desjardins
          Sarkozy, commis voyageur du Panthéon !

Nicolas Sarkozy a passé le week-end aux Antilles. Après des fêtes de Noël à Marrakech. Ce n’est pas encore la « dolce vita », mais c’est déjà la belle vie.
En fait, à la Martinique et à la Guadeloupe, il s’agit du début de sa campagne électorale. Ceux qu’on appelle « les ultra-marins » représentent plus de deux millions de voix. Ce n’est pas négligeable. D’autant plus qu’avant 2012, il y a des cantonales et des sénatoriales. Mais ça ne va pas être facile. Les Antilles sont depuis longtemps un fief de la gauche. Le PS et ses alliés ont les deux régions, les deux conseils généraux, quatre sénateurs sur cinq, six députés sur huit, la plupart des municipalités.

Comme tous ses prédécesseurs en vadrouille aux Antilles, Sarkozy va promettre aux « indigènes » des aides, des subventions, des allocations. Ils en veulent toujours plus. Et il est vrai qu’on comprend qu’ils n’en aient jamais assez quand on voit l’état de délabrement de certains quartiers, le taux de chômage et le désespoir des jeunes dont le seul espoir est d’aller en Métropole pour se caser comme douaniers, postiers ou infirmiers dans nos hôpitaux.

Il y a là un mystère qu’il faudra qu’on nous explique un jour. Où sont passés les milliards qu’au nom de la solidarité nationale nous avons déversés à fonds perdus dans ce tonneau des Danaïdes que sont devenus ces derniers « confettis » de notre empire ? On ironise souvent sur l’aide aux pays du Tiers-monde qui s’est perdue dans les méandres marécageux de la corruption internationale, on pourrait aussi se poser des questions sur tout « le fric » que nous avons « claqué » dans notre petit Tiers-monde à nous.

Comme tous ses prédécesseurs, Sarkozy va, évidemment, leur dire (sans doute à mi-voix) qu’il faudra bien, un jour, que l’économie de leurs îles ne se limite plus à l’assistanat venu de Métropole.

Pendant des décennies, les Antillais ont tenté de nous attendrir avec les cours de la banane qui s’effondraient. Maintenant, ils se plaignent de ne plus avoir de touristes. Le marché de la banane est, sans doute, difficile à maîtriser. Mais qui - mis à part les Antillais - pourrait s’étonner que le nombre des touristes ait baissé de 50% en deux ans aussi bien en Martinique qu’en Guadeloupe ? Ils sont les seuls à avoir oublié qu’il y a deux ans des grèves, des manifestations de rue, des agitateurs véhéments ont paralysé les Antilles françaises pendant des semaines, ont fait fuir les touristes affolés, ont fait peur à tout le monde.

Dans la vie, il faut choisir. On ne peut pas être à la fois un chaudron de la révolution (et de la xénophobie) et une terre d’accueil pour touristes fortunés. On doit d’ailleurs noter que, si certaines plages martiniquaises ou guadeloupéennes sont paradisiaques, l’accueil courtois que les touristes sont en droit d’attendre, voire d’exiger, n’a jamais été une spécialité locale, du moins pour ceux ayant le malheur d’avoir une peau blanche.

On se demandait quel lapin le prestidigitateur allait sortir de son chapeau devant les badauds. Et on tombe à la renverse. Nicolas Sarkozy a promis aux Martiniquais de faire… « panthéoniser » Aimé Césaire, le poète père de la négritude qui fut pendant un demi-siècle l’homme fort de la Martinique et le député-maire de Fort de France.

La famille du grand homme ne voulant pas que son corps soit transporté à Paris, on se contentera d’une plaque sur l’un des murs de l’édifice de la rue Soufflot.
Tout cela est parfaitement ridicule et même indécent. Le Panthéon n’est pas à vendre, ce n’est pas une petite gentillesse qu’on distribue à la volée pendant les campagnes électorales.

Sans remettre en cause le talent du poète, on peut tout de même s’interroger pour savoir s’il s’agit bien d’un « grand homme » et surtout si la patrie doit vraiment lui être « reconnaissante », selon la formule gravée sur le fronton de ce Panthéon.

Certes, sur les 75 « grands hommes » qui y reposent actuellement, il y a des inconnus dont on voit mal pourquoi la patrie devrait leur être encore reconnaissante.

Mais les derniers admis (depuis les débuts de la Vème République) sont relativement incontestables : Moulin, Cassin, Monnet, l’abbé Grégoire, Condorcet, Pierre et Marie Curie, Malraux, Dumas. Même si on peut penser que le père des Trois mousquetaires a eu droit à cet hommage suprême plus en vertu de sa couleur de peau qu’en raison de son œuvre. En tout cas aucun, d’entre eux ne s’en était jamais pris à la France.

Césaire avait, naturellement, parfaitement le droit d’être un martiniquais indépendantiste, de reprocher à la France son passé colonialiste et son présent néo-colonialiste. Cela ne retire rien à la beauté de ses poèmes mais ne lui donne pas pour autant un ticket d’entrée au Panthéon « national ».

En voulant jouer ainsi les gardiens du Temple, Sarkozy commence à se ridiculiser. Il avait déjà voulu faire entrer au Panthéon Péguy, pour s’attirer les bonnes grâces des chrétiens de gauche, la famille n’a pas voulu, Camus, pour séduire les lecteurs du Nouvel Observateur, la famille n’a pas voulu, et maintenant Césaire, pour récupérer quelques voix ultra-marines, la famille ne veut pas.

Il est stupéfiant qu’avant d’improviser dans la chaleur communicative des banquets de telles initiatives, le président de la République ne se renseigne pas sur les intentions des familles.

On peut d’ailleurs se demander si une place au Panthéon pour un martiniquais aurait rapporté un siège de sénateur martiniquais pour l’UMP. Ce n’est pas sûr…

Thierry Desjardins


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