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28/2/11 | Thierry Desjardins |
Sarkozy n’y croit plus ! C’est très curieux. Nicolas Sarkozy nous parle des fabuleux bouleversements qui sont en train de chambouler tout le monde arabe, et donc notamment tout le sud de la Méditerranée, (et qui laissent prévoir aussi une explosion du prix du pétrole et l’arrivée sur nos côtes de centaines de milliers de clandestins), il nous annonce, en même temps, un remaniement ministériel qui touche trois ministères régaliens, l’Intérieur, la Défense et les Affaires Etrangères, et personne… n’y prête la moindre attention. Il est vrai que ce qu’il nous a dit (en cinq minutes) sur « le printemps arabe » n’a été qu’une suite de lieux communs et que tout le monde savait depuis plusieurs jours que Michèle Alliot-Marie serait remplacée par Alain Juppé qui serait, lui-même, remplacé par Gérard Longuet et que Brice Hortefeux céderait sa place à Claude Guéant. Au fond, la seule surprise de la soirée a été le maintien de Patrick Ollier au ministère des Relations avec le Parlement. On devine que cela ne bouleverse pas les foules. Nommé membre du gouvernement au titre de compagnon d’Alliot-Marie (ce qui était tout de même assez stupéfiant), on ne comprend pas qu’il n’ait pas suivi sa maîtresse dans sa disgrâce et d’autant moins qu’il était, lui aussi, du réveillon en Tunisie et qu’en plus, lui, il était en affaires avec Kadhafi. Cela dit, il est bien dommage qu’Henri Guaino n’ait pas préparé pour le président quelques belles envolées lyriques sur ce réveil du monde arabe qui s’apprête à trouver enfin sa place dans l’Histoire. Il y avait là, pour Sarkozy comme pour Guaino, une belle occasion de se faire pardonner le pitoyable discours de Dakar qui avait fustigé l’Afrique et les Africains incapables d’entrer dans l’Histoire. Ressortir de son placard l’Union pour la Méditerranée était particulièrement ridicule. Tout le monde sait que ce « truc » n’est qu’une utopie farfelue. La Méditerranée n’est pas « le lac de paix, berceau de toutes les civilisations » que certains bateleurs nous racontent. C’est le pire des fossés, qui sépare l’Occident repu du Tiers-Monde affamé, la civilisation judéo-chrétienne du monde islamique, sans parler de tous les conflits entre Israël et ses voisins, entre les Grecs et les Turcs, entre les Serbes et les Albanais, entre les Algériens et les Marocains. Il faudra quelques siècles avant que tous ces peuples méditerranéens puissent s’entendre. Et ce qui se passe aujourd’hui au sud de notre « mer intérieure » n’est, peut-être, au mieux, qu’un tout petit premier pas. Sarkozy semble ignorer (mais il dira, sans doute, que c’est la faute de nos diplomates qui ne savent pas l’informer) que les seules forces politiques organisées aujourd’hui en Tunisie, en Libye et en Egypte sont les Islamistes ou leur version dite « modérée » des Frères musulmans. Tous les démocrates, les héritiers du Néo-Destour en Tunisie, des monarchistes constitutionnels en Libye ou du Wafd en Egypte, ont été massacrés par des décennies de dictatures avec lesquelles d’ailleurs nous entretenions les meilleures relations du monde. Il suffit de regarder la télévision pour s’apercevoir que si les banderoles évoquent généralement la liberté et la fin des dictateurs, les slogans repris par les foules se limitent le plus souvent au fameux « Allah ou Akbar » des partisans iraniens de Khomeiny en 1979. Sarkozy qui veut, très bêtement, ouvrir un vaste débat sur la place de l’Islam en France devrait plutôt réfléchir sur la place que va avoir, demain, l’Islam tout autour de la Méditerranée. Mais ce qu’il y avait de plus frappant, hier soir, c’était le côté « fin de règne ». Sarkozy lui-même ne semblait pas croire une seule seconde à ce qu’il nous débitait. Il était obligé de reconnaître, implicitement, qu’il n’avait rien vu venir de ce fantastique vent de révolte qui souffle à travers tout le monde arabe et qu’il n’avait pas la moindre idée de ce que tout cela allait donner. Et en nous annonçant les nominations de Juppé, 66 ans, Longuet, 65 ans, et Guéant, 66 ans, non seulement il n’éveillait pas des espoirs flamboyants pour sa reconquête de l’opinion, mais il reconnaissait, là encore implicitement, les échecs lamentables de sa diplomatie et de sa politique sécuritaire. L’Histoire de France est pleine de ces souverains qui, en fin de règne,
ne sachant plus à quel saint se vouer, rappellent leurs vieux serviteurs
avec l’espoir, bien vain, de se donner un coup de jeune, voire un nouveau
souffle. Mais qui aurait jamais pu imaginer que Longuet pourrait encore, un
jour, servir d’atout pour mener une campagne présidentielle?
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