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6/11/10 | Thierry Desjardins |
Sarkozy a subi le supplice chinois ! Il faut bien dire que désormais les Européens sont ridicules dès qu’ils se retrouvent en face des Chinois. Le vieux continent n’est plus « le Centre du monde » qu’il a été pendant quelques siècles et qui a repris sa place d’origine, au cœur de « l’Empire du milieu », c’est-à-dire à Pékin. Comme l’avait annoncé Napoléon, le monde tremble depuis que la Chine s’est réveillée. Et d’autant plus qu’elle s’est réveillée en sursaut, avec un réveil triomphant. La visite d’Etat que vient d’effectuer à Paris et à Nice Hu Jintao l’a, une fois de plus, démontré. Nous sommes tout petits, petits devant ce milliard et demi de Chinois conquérants. Il y a quelque chose de dérisoire à voir nos officiels se réjouir des contrats que, dans sa grande bonté, le président chinois nous a concédés. Il nous a jeté à la volée ces seize milliards de promesses d’achat comme les seigneurs d’antan jetaient des piécettes au bon peuple affamé. Merci, merci, notre bon maître ! L’opinion publique commencent d’ailleurs à ne plus se faire trop d’illusions sur ces annonces de promesses. A chaque voyage de Nicolas Sarkozy tout autour de la planète ou chaque fois qu’il reçoit à Paris un chef d’Etat un peu exotique, ce sont les mêmes cris de victoire. Notre commis-voyageur a raflé des contrats mirifiques. Si on faisait l’addition de tout ce qu’il nous a annoncé, triomphant, de retour d’Inde, du Brésil, de Moscou, du Golf ou d’ailleurs, le ciel devrait être parcouru par nos Rafale, les déserts traversés par nos TGV et l’atome français aurait dû, depuis longtemps, remplacer toutes les autres formes d’énergie. Or, nous n’avons toujours pas vendu un seul Rafale, ce sont les Allemands, voire les Japonais qui vendent maintenant des trains à grande vitesse, les malheurs de nos nouvelles centrales nucléaires découragent les acheteurs éventuels et même l’ami Medvedev ne veut plus de notre Mistral. Certes, les patrons d’Airbus, d’Areva et de Total faisaient, hier, mine de sourire. La perspective de vendre aux Chinois cent-deux appareils, 20.000 tonnes d’uranium et une usine pétrochimique est évidemment réjouissante en cette période de disette. Mais les sourires étaient un peu figés. Car nos généreux clients exigent maintenant non seulement qu’on leur fournisse le mode d’emploi mais aussi et surtout le mode de fabrication. Ils nous achètent moins un avion qu’un échantillon accompagné de tous ses secrets technologiques. Pour vendre nos « trucs » nous sommes obligés de leur livrer tous les moyens de les fabriquer eux-mêmes à leur tour. Nous pensions que, grâce à notre « avance technologique », nous n’avions rien à craindre de tous ces pays « émergents », mais ils ont émergé et, pieds nus et la corde au cou, nous sommes contraints de leur livrer ces avancées. Il faut d’ailleurs dire que ces pays n’ont plus guère besoin de nous. Le Brésil construit, tout seul, des avions de combat, l’Inde a construit, toute seule, une centrale nucléaire (et sa bombe), la Chine a construit, toute seule, son satellite. Dans dix ans, la vieille Europe n’aura plus aucune suprématie. Paul Valéry a écrit : « Les grandes civilisations ont appris qu’elles étaient mortelles ». La visite de Hu Jintao aurait dû ouvrir les yeux de nos dirigeants. La crise qui vient de faire vaciller toutes nos économies (mais qui a épargné la Chine) n’est pas une crise financière, mais bien une crise économique provoquée par les déséquilibres de la mondialisation. Tout marchait bien (pour nous) tant qu’il y avait l’Occident qui produisait et qui consommait et que le reste de la planète végétait. Dès l’instant où le reste de la planète s’est mis à produire, sans consommer, et que nous avons continué à consommer (leurs produits) sans plus pouvoir produire, c’était évidemment la fin de notre hégémonie et des haricots. Nous nous endettions sans fin, ils s’enrichissaient de plus en plus. Tant que les ouvriers chinois se contenteront d’un bol de riz (ce qui n’est plus tout à fait vrai), nous leur achèterons leurs produits et nous ne pourrons pas leur vendre les nôtres. La mondialisation n’est supportable pour nous que si les règles du jeu sont les mêmes pour tous. Nous ne pourrons faire face au « péril jaune » que quand les Chinois auront un SMIC, des assurances familiales, chômage et maladie, les 35 heures et la retraite à 62 ans. Ce n’est pas demain la veille. Et c’est ici que Nicolas Sarkozy a été le plus ridicule dans sa naïveté. L’un des grands avantages du commerce chinois est la valeur artificielle de la monnaie chinoise, le yuan, sous-évalué de 40%. Sarkozy veut que le G20 qu’il va présider s’attaque au problème des changes. Il ne veut plus que le dollar soit la monnaie de référence. Très bien. Mais il compte sur Hu Jintao pour l’aider à faire céder les Etats-Unis et à instaurer une nouvelle parité des devises internationales. Comment peut-il s’imaginer une seule seconde que les Chinois vont, pour lui faire plaisir, accepter de réévaluer leur devise de 40% ? Comment n’a-t-il pas compris que dans cette guerre économique mondiale (entre les « anciens » Grands et les « nouveaux » grands), nous ne pouvions pas être du côté des Chinois et contre les Etats-Unis ? Pour Hu Jintao, Sarkozy, l’ami du Dalaï Lama, n’est même plus un « tigre en papier ». Tout au plus un petit chaton en papier. Et après s’être amusé à le caresser dans le sens des poils pendant deux jours, il a bien l’intention de le jeter à la rivière. Le supplice chinois. Thierry Desjardins
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