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5/6/10 Thierry Desjardins
 

 Xynthia : la méthode Sarkozy une fois de plus en échec !

Le 9 avril dernier, nous étions tous d’accord pour dire que la gestion par l’Etat du drame de la tempête Xynthia - qui avait fait 53 morts en Charente-Maritime et en Vendée - était absurde et qu’elle révélait d’une manière caricaturale ce qu’on pouvait appeler « la méthode Sarkozy ». Et nous écrivions : « Aucune réflexion aucune concertation, juste des moulinets, des effets de manche, des menaces, des promesses et parfois un oukase impérial qui tombe comme un couperet »

En effet, à peine la catastrophe avait-elle été connue qu’on avait vu Sarkozy se précipiter sur place et, devant une nuée de photographes, annoncer, sûr de lui et sans pitié, que toutes les habitations qui se trouvaient dans les « zones noires » seraient démolies à coups de bulldozers par l’Etat, que cela plaise ou non à leurs propriétaires. Cela faisait 1.510 maisons. Naturellement, l’Etat s’engageait à indemniser les propriétaires en leur rachetant leurs biens au prix auquel ils auraient pu être estimés avant la tempête.

Tout était absurde. D’abord, sur le fond. Le rôle de l’Etat, adepte du « principe de précaution » et qui prône désormais le « risque zéro », n’est pas de capituler devant les aléas de la nature mais bien de prendre toutes les dispositions pour maîtriser cette nature quand elle devient hostile. Il n’est pas de détruire toutes les habitations en zones inondables (il faudrait raser des agglomérations entières le long de nos côtes, de nos fleuves ou de nos rivières) mais bien de construire, de réparer, d’entretenir des digues, des barrages, des lacs réservoirs, pour limiter au mieux les risques de catastrophes. La tempête Xynthia n’aurait pas eu les conséquences dramatiques qu’elle a eues si les digues avaient été entretenues, comme l’avaient maintes fois réclamé les élus locaux.

Ensuite, il était évident que les « zones noires » avaient été délimitées à la va-vite et n’importe comment. Certains quartiers en première ligne n’en faisaient pas partie alors que d’autres, plus éloignés de l’océan, y étaient. De nombreuses maisons étaient vouées à la démolition étatique alors qu’elles n’avaient pas été touchées par les flots. Pire encore, on pouvait soupçonner et donc accuser les autorités d’avoir ménagé certains privilégiés. L’île de Ré qui avait été balayée par Xynthia ne faisait, comme par hasard, pas partie des « zones noires ». En clair, on allait raser les modestes villas de la piétaille mais on ne toucherait pas aux résidences secondaires des gens connus.

Enfin, tout le monde comprenait que les « braves gens » n’étaient pas prêts à accepter de voir leur « rêve de toute une vie » démoli par la seule volonté du chef de l’Etat et en fonction des calculs de probabilité de quelques technocrates. La France étant encore un Etat de droit, il était certain qu’on allait se lancer dans d’interminables procédures qui ne se termineraient sans doute pas par la victoire de l’Etat. Le « fait du prince » ne l’emporte pas toujours.

Son numéro terminé, Sarkozy était, bien sûr, vite reparti vers d’autres préoccupations et, face à une population déchaînée, les préfets, chargés d’exécuter les ordres présidentiels, ne pouvaient plus se déplacer qu’entourés de gardes du corps.

Finalement, 67 propriétaires (29 en Charente-Maritime et 38 en Vendée) sur les 1.510 ont accepté les propositions d’achat faites par l’administration. Les autres ont refusé ou n’ont pas encore reçu de propositions précises.

Dès la mi-avril, sentant que l’affaire était pour le moins mal engagée et risquait de mal tourner, Sarkozy envoyait Borloo pour tenter de calmer les populations. Borloo bafouillait un peu en expliquant que les « zones noires » n’étaient pas des « zones noires » mais… des « zones de solidarité ». On imagine la réaction des victimes de l’oukase présidentiel. Non seulement on voulait détruire, sous leurs yeux, ce qu’ils avaient de plus précieux mais, en plus, on les prenait pour des imbéciles.

Comment sortir d’un piège absurde dans lequel s’est fourvoyé le président de la République pour faire de l’esbroufe, de l’autorité et avoir l’air de maîtriser les choses ? Ce n’était pas la première fois – ni sans doute la dernière - que les conseillers élyséens se trouvaient devant un tel problème. Et, soudain, l’un d’entre eux s’est souvenu qu’il y avait, tout au fond de la classe, un secrétaire d’Etat chargé du logement et de l’urbanisme, totalement inconnu et du nom de Benoist Apparu.

C’était le type parfait pour aller, l’air de rien, dire aux braves gens de Vendée et de Charente-Maritime qu’ils n’avaient pas à s’inquiéter, que le président avait dit n’importe quoi et qu’il n’était, bien sûr, pas question de détruire leurs maisons. Et même qu’il n’en avait jamais été question. En clair, le président avait dit çà pour plaisanter, histoire de détendre l’atmosphère, au lendemain de la catastrophe.

La soudaine apparition d’Apparu mériterait de rester dans les annales. En effet, pour ses débuts au grand jour, le jeune secrétaire d’Etat a déclaré d’une même voix que l’Etat n’avait « en rien changé de stratégie » et qu’il n’était pas question que l’Etat ordonne de destruction. « Aucune maison ne sera rasée sous contrainte », a-t-il juré sur l’honneur, ajoutant toutefois qu’il y avait, sans doute, eu des « fautes de communication ».

Le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, qui s’y connaît, a de son côté, déclaré : « On peut toujours mieux faire en matière de communication ». C’est sûrement vrai. Mais, dans cette affaire, il ne s’agissait pas d’un problème de communication. Mais d’une méthode de gouvernement. C’est autrement plus grave.

Thierry Desjardins

 



 
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