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16/1/11 Claude Reichman
          A quand la fin de la dictature française ?

La révolution tunisienne n’est que la première d’une longue série qui va ébranler le monde. L’exemple est contagieux, surtout quand chacun peut le regarder sur Internet. En 1848, la deuxième révolution française s’étendit en quelques semaines à l’Europe centrale, alors même qu’il n’y avait que des journaux imprimés qui circulaient lentement.

Pour la première fois dans un pays arabe, la rue a abattu un régime. Le choc est immense dans toutes les dictatures. Leurs dirigeants se sont mis à trembler, leurs peuples à espérer. Bien sûr, rien ne dit que la démocratie va l’emporter partout. C’est peut-être même le contraire qui finira par se produire, le désordre et l’anarchie conduisant à la reprise du pouvoir par des démagogues ou par des militaires. On entre forcément, dès lors, dans des temps troublés. Mais ce que l’on ne pourra plus museler, c’est l’information, qui se transmettant de façon instantanée, déjoue toutes les stratégies fondées sur le monopole des médias traditionnels.

De ce point de vue, les régimes s’appuyant sur le mensonge public sont les plus menacés, et au premier rang d’entre eux celui de la France. Dans notre pays, il n’y a plus qu’une faible minorité de citoyens qui croit à ce que déclare le gouvernement. Et encore ceux qui se laissent ainsi abuser ne le font-ils que par refus de voir ce qui fâche. Ce scepticisme, voire ce franc mépris, vaut d’ailleurs aussi pour l’opposition. Les trois quarts des Français, nous disent tous les sondages, ne font confiance à aucun parti politique pour redresser le pays.

Une telle coupure entre le pays officiel et le pays réel condamne le régime politique. Il est à tout moment menacé de périr par l’émeute. C’est la raison pour laquelle le pouvoir se hâte d’étouffer toute affaire risquant de dégénérer. Dès que l’une d’entre elles commence à provoquer un mouvement d’opinion, le gouvernement déverse des seaux de sable sur le foyer d’incendie. Jusqu’à l’embrasement suivant.

Combien de temps un tel pouvoir peut-il tenir ? Tout dépend de l’unité que l’on adopte. En politique, on compte en semaines et en mois. Le citoyen ordinaire vit certes au jour le jour, mais il compte en années. C’est la raison pour laquelle il a l’impression d’un complet immobilisme de la vie publique. Jusqu’au moment où se produit une rupture. Les deux temps se retrouvent alors et le cours de l’histoire change.

La rupture est toujours le fruit d’un incident fortuit. En Tunisie, c’est un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes qui s’est immolé par le feu parce que la police lui avait confisqué son éventaire. D’un seul coup, toutes les frustrations et les colères longtemps subies par le peuple se sont cristallisées et des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue au mépris des balles d’un pouvoir affolé.

En France, n’importe quel incident peut dégénérer. On sent le peuple prêt à en découdre, même s’il donne l’impression de sommeiller. L’explosion viendra surtout du sentiment de l’impuissance publique. Quelques grandes réformes sont à faire dans notre pays, et elles butent en permanence sur l’incapacité de la classe politique et médiatique à les formuler, les expliquer, les défendre dans l’opinion et les mettre en œuvre. En revanche, on en débat intelligemment au café du coin, en famille et sur Internet. « Et toujours le même président », comme le chantait déjà Michel Delpech dans les années soixante.

Il ne suffira pas de changer de président, même si c’est le débat qui va occuper la presse jusqu’à l’année prochaine. Il faudra que le pays finisse par élire un authentique réformateur. Et l’on peut craindre que celui-ci ne puisse enfin venir qu’après l’effondrement du système actuel.

Tant il est vrai que, sans forcer les mots, la France est une dictature. Je me souviens d’un échange amical, il y a déjà une dizaine d’années, avec un éditorialiste réputé de la presse française. Comme je lui exposais mes griefs contre le système médiatico-politique, il me lança avec un grand sourire : « Claude Reichman peut-il dire sérieusement que nous vivons en dictature ? » Je lui répondis simplement : « Oui ». Il n’en est toujours pas revenu, et moi, je n’ai pas changé d’opinion !

Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.



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