Les banquiers centraux sont des apprentis sorciers !
Bien des lecteurs se souviennent d’avoir vu dans leur enfance « Fantasia »,
le dessin animé de Walt Disney dans lequel Mickey, pendant une absence de
son maître, s’essayait à la sorcellerie, avec des résultats fâcheux…
Remplacez le maître par les marchés et Mickey par les banquiers centraux aux
USA et en Europe, et vous avez une illustration quasiment parfaite de ce qui
est en train de se produire dans le monde développé. Pour illustrer mon
propos, je vais simplement faire une analyse de ce que le gouverneur de la
banque centrale aux USA a dit dans son discours récent, et qui est tout
simplement atterrant.
Je vais simplement effectuer ce qu’autrefois on appelait une «analyse
logique», en disséquant le discours que vient de prononcer à Jackson Hole ce
phare de la pensée humaine, et les résultats parleront d’eux-mêmes, du moins
je l’espère.
Toute la première partie du discours consiste à affirmer que les précédents
« QE » (quantitative easing), c’est-à-dire les achats d’obligations à
l’émission par la banque centrale US, financés par la planche à billets,
n’ont eu aucune influence négative sur l’économie US, qu’il n’y a eu ni
inflation ni « mal-investissement » comme le craignaient les détracteurs de
cette politique.
A mon avis, voilà qui est déjà discutable, dans la mesure ou ces «QE» ont
à chaque fois coïncidé avec des baisses du dollar et des hausses du pétrole,
rendant la situation de nombre de pays en dehors des USA beaucoup
plus fragile, mais soit, pour la clarté de l’analyse, admettons que ces
manipulations monétaires n’aient pas eu d’effets nocifs sur l’économie
américaine pour l’instant.
Une fois ce point «démontré», que nous dit M. Bernanke, ou plutôt que ne
nous dit-il pas?
• Il ne nous explique à aucun moment comment ces différents « QE »
ont aidé l’économie US dans le passé, et il ne présente aucune
théorie sur les mécanismes économiques ou financiers qui auraient été les
courroies de transmission entre ses actions et l’économie.
• Ce que nous dit Bernanke est beaucoup plus simple: il affirme
(selon le bon vieux principe d’autorité : je suis un spécialiste, faites-moi
confiance…) la chose suivante : l’économie US a des problèmes de croissance
et donc des problèmes de chômage, il faut donc faire quelque chose et en
dehors d’imprimer de l’argent, moi, Bernanke, je ne peux penser à rien
d’autre qui marche.
Pour un logicien, voilà un argument totalement ridicule, fort bien résumé
par la formule d’Einstein : « Etre fou, c’est faire toujours la même
chose en espérant des résultats différents à chaque fois »
Ce que fait M. Bernanke est typique des économistes. Il dit (sans le
prouver) que les différents « QE » ont certainement eu des effets sur
l’économie et que comme ces effets n’ont pas été à l’évidence
désastreux, ils ont sûrement été bénéfiques, et donc qu’il faut
continuer…Voilà un très beau raisonnement circulaire s’il en fut, qui aurait
valu un zéro pointé à n’importe quel étudiant en classe de philosophie du
temps de ma jeunesse où les mauvaises notes existaient encore… .
Que voilà en effet une belle série de non sequitur, pour parler
encore une fois comme un logicien, c’est-à-dire comme un homme sans cœur et
sans morale. M. Bernanke est sans nul doute bon en math, mais à l’évidence
il est nul en logique. Et l’ennui, bien sûr, est que l’économie est une
branche de la logique et non des mathématiques.
Notre homme pense qu’il conduit une locomotive alors qu’il a été mis à la
tête d’une navette spatiale, et il utilise avec beaucoup de conviction le
manuel pour conduire une locomotive…
On est émerveillé par tant de compétence….
Quelques exemples de ces fautes de logique, tirés de son discours :
• Le fait que le différents « QE » n’aient pas eu encore d’effets
désastreux sur l’économie américaine ne veut pas dire que cela ne va
pas arriver, comme l’a très bien expliqué Bastiat il ya prés de deux cents
ans (« Ce qui se voit et ce qui ne se voit pas ») ou Milton Friedman après
lui.
• Ensuite, Bernanke écarte d’un revers de la main l’idée fort respectable
que si l’économie US ne va pas bien, c’est peut être tout simplement à cause
de sa politique monétaire débile : comment voulez-vous en effet que le
capitalisme fonctionne si le coût du capital est à zéro ? Voila qui empêche
bien sûr toute destruction des entreprises qui ne gagnent pas le coût du
capital, favorise la hausse du poids de l’Etat dans l’économie et donc
freine la création dans la mesure où le capital et le travail nécessaires ne
sont pas libérés, et donc tue toute création destructrice, seul vrai
moteur du capitalisme.
• Bernanke écarte aussi l’idée qu’il est tout à fait possible que les « QE »
ne fassent ni bien ni mal, mais par contre donnent l’impression aux
politiques que puisque quelqu’un s’occupe du problème, ils n’ont pas à s’en
occuper. En effet pourquoi prendre des mesures difficiles pour régler le
problème des déficits budgétaires si la banque centrale achète toute la
dette émise ? On peut demander beaucoup de choses aux politiciens, mais pas
d’être suicidaires. Et le fait que le problème ne soit pas réglé au fond
probablement déprime consommateurs et producteurs également et par là
empêche toute croissance.
Bref, il ressort de l’analyse du texte de M. Bernanke que cet homme
présente tous les signes cliniques de la folie (des grandeurs) et qu’il
n’aurait jamais dû quitter l’université, où tout ce qu’il pouvait faire
était de corrompre l’intelligence de quelques étudiants sans grand
caractère, ce qui est sans doute moins grave que de foutre l’économie
mondiale en l’air, comme la Fed l’a si bien fait depuis 10 ans.
Ayant lu son discours, je n’ai pas le moindre doute que M.Bernanke va
commettre un nouveau « QE » et je n’ai pas le moindre doute non plus que la
prochaine élection US va avoir lieu sur un thème très simple : faut-il
laisser le pouvoir à la cléricature qui l’a confisqué ou faut-il le rendre
au peuple ?
Ou en termes simples faut-il préférer M. Obama, le chef suprême de cette
cléricature dite des « oints du Seigneur »,soutenue par tous les
enseignants, les universitaires ou les syndicats de fonctionnaires, tous
payés par des impôts, ou le Tea party, qui représente en gros ceux
qui payent les impôts et qui mettent les mains dans le cambouis?
Déjà M. Romney a annoncé que s’il était élu, il essaierait de se séparer de
M. Bernanke.
Voilà qui me donnerait envie de voter pour Romney si j’étais citoyen
américain, tant il est vrai que l’indépendance accordée aux banquiers
centraux en a fait des espèces de planificateurs prétendant à l’omniscience,
imbus d’eux-mêmes, que personne ne contrôle et qui vont d’erreurs colossales
en erreurs colossales (voir l’euro par exemple) .
Le pouvoir rend fou, le pouvoir sans aucun contrôle rend complètement
fou.
Voilà qui est amplement prouvé par ce qui est en train d’arriver aux
banquiers centraux, aux USA et avant cela bien sûr chez nous, en Europe.
Pour le bien de la démocratie américaine et du reste du monde, il me semble
préférable que ceux qui payent les impôts enlèvent le pouvoir à ceux qui les
dépensent, tout en méprisant ceux qui les payent, bien entendu, tant cette
cléricature déteste « l’argent sale, l’argent qui corrompt tout »,
comme le disait si bien l’inénarrable M. Mitterrand. Heureux citoyens
américains qui ont tous les quatre ans la possibilité de virer les
incompétents qui les gouvernent et les exploitent. Il y a hélas longtemps
que nous n’avons plus cette possibilité en Europe.
Mais cela est un autre débat…
Charles Gave
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