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17/9/12 Charles Gave
         Les Oints du Seigneur chassent en meute !

Mes lecteurs se souviennent sans doute de Thomas Sowell, ce grand économiste noir, ancien officier des marines US (l’équivalent de notre Légion), patriote autant que libéral, qui a mis au point cette merveilleuse notion d’ « Oint du Seigneur ».

Les Oints du Seigneur (ou OdS à partir de maintenant) sont des gens qui n’ont jamais exercé aucune responsabilité dans la vie réelle, sévissent dans les médias ou les universités, et dont la spécialité est de repérer des problèmes qui en général n’existent pas pour proposer des solutions qui ne marcheront pas puisqu’elles impliquent toujours une intervention accrue des pouvoirs publics, ce qui ne les empêche pas, une fois que la situation s’est bien détériorée - à cause des solutions qu’ils avaient proposées et qui ont été mises en œuvre - de proposer de nouvelles solutions aux problèmes qu’ils ont créés, qui ne marcheront pas plus que les précédentes, ce qui les amènera à en proposer de nouvelles et ainsi de suite, ad infinitum

En France, nous avons une classe d’OdS particulièrement active, (certains prétendent même que le concept d’OdS a son origine chez nous), bien sûr solidement ancrée à gauche et qui a comme caractéristique principale de « chasser en meute », en partant du principe que s’ils hurlent tous en même temps, cela donnera aux pouvoirs publics l’impression qu’il y a un fort mouvement d’opinion allant dans le sens de leurs hurlements. Donc, de temps en temps, je ne peux m’empêcher de penser qu’un « mot d’ordre » a été donné aux principaux porte-parole de ces chers OdS, tant d’un seul coup plusieurs d’entre eux se mettent à taper sur le même tambour avec beaucoup d’allégresse et de synchronisation. (Qui a donné le mot d’ordre ? me demandera le lecteur. Aucune idée, dois-je répondre, tant je ne peux croire que de tels grands esprits prendraient des ordres de qui que ce soit…)

Et c’est un peu ce qui est en train de se passer sur l’euro, où nous venons de voir passer « successivement » (j’oublie sûrement une dizaine de papiers de Duhamel sur le sujet, qu’il veuille bien m’excuser) toute une série d’articles signés par Guy Sorman, José Manuel Barroso (l’ancien chef des jeunesses maoïstes portugaises, aujourd’hui à la tête de la Commission) et par notre BHL national dans la dernière livraison du Magazine « La règle du jeu ». Il est intéressant de constater que le plan de chacun de ces articles est toujours similaire. Prenons l’article de BHL comme exemple et faisons un peu d’explication de texte.

Tout commence par la constatation que l’Europe est dans une crise économique profonde, ce qui bien sûr n’est pas vrai. Certains pays qui sont dans l’euro ont de gros problèmes, (Espagne, Italie, Portugal, France), d’autres aucun (Autriche Allemagne, Finlande, voire Pays Bas). Qui plus est, il y a dix pays qui font partie de l’Union européenne sans faire partie de l’euro et qui se portent plutôt mieux. Donc l’article commence en général par un faux diagnostic, ce que BHL ne manque pas de faire.

Poursuivons.

A aucun moment dans l’article n’est expliqué pourquoi certains pays dans l’euro sont en crise. Il y a douze ans tous nos OdS signaient des deux mains pétitions sur pétitions pour inviter tout un chacun à voter « oui » à l’euro qui allait nous amener à une prodigieuse prospérité, accompagnée par une convergence des différentes économies, une hausse de l’emploi partout, une harmonisation des législations sociales au niveau le plus élevé, bref le paradis sur terre. Douze ou treize ans plus tard, nous avons ce que j’avais parfaitement décrit comme inévitable dans « Des lions menés par des ânes » : trop de maisons en Espagne, trop de fonctionnaires en France et trop d’usines en Allemagne, le chômage qui explose, nos systèmes bancaires en faillite …

Nos OdS sont bien forcés de constater le désastre, mais j’attire l’attention du lecteur sur le fait qu’ils ne fournissent aucune explication, jamais, à ce désastre qui était pourtant parfaitement prévisible.

Mais après tout, ils n’en ont pas besoin puisqu’ils ont la solution à un problème dont ils ne comprennent pas l’origine et qu’ils n’ont pas vu arriver.

Et la solution, c’est la vieille solution de tout bon marxiste qui se respecte : le communisme est parfaitement viable, simplement ceux qui l’ont essayé ne se sont jamais vraiment donné les moyens de réussir… Donc ce dont avons besoin, c’est de plus de fonctionnaires à Bruxelles, plus de fédéralisme, plus de solidarité européenne, plus de transferts, donc plus de technocratie et bien sûr moins de souveraineté nationale.
Mais leur totale incompréhension ne les empêche pas de prévoir que si par malheur cette expérience venait à échouer, alors l’Europe s’écroulerait et ce serait la fin de l’Europe politique.

Outre que leur capacité à prévoir quoi que ce soit apparaisse très limitée, il me faut rappeler ici que c’est l’une des plus vieilles astuces de tout clergé : dire au peuple que s’il cesse de croire, il ira en enfer…Pas bien honorable comme procédé, à mon humble avis, mais fort utile quand on veut ramener les moutons dans les rangs

C’est en lisant un article qu’un aimable lecteur m’avait envoyé que j’ai compris beaucoup de choses à propos de nos OdS.

Ils ne comprennent rien à la notion de nation, voire ils la détestent et veulent la détruire pour la remplacer par « l’Europe ». Or, pour Renan, une nation c’était une volonté de vivre ensemble. La France, l’Allemagne, l’Italie, la Grande Bretagne, la Pologne etc.… sont des nations car il y a volonté de vivre ensemble. Et pour Jean Paul II, la liberté, la responsabilité et la solidarité s’exercent dans le cadre de la nation au travers d’institutions démocratiques.

L’ennui c’est que l’Europe n’est pas une nation, c’est une civilisation, ce qui est complètement différent.

Ils ne comprennent rien à la notion de monnaie et en particulier ils ne comprennent rien à la convergence totale entre monnaie et nation. A chaque nation sa monnaie et à chaque monnaie sa nation, puisque la dette du pays a comme contrepartie les impôts que la population paiera pour l’honorer. BHL nous fait part dans son article du fait qu’un certain nombre d’unions monétaires ont réussi dans le passé tandis que d’autres échouaient, et il ne remarque même pas que celles qui ont réussi ont uni une nation au travers de la volonté d’un peuple, alors que toutes celles qui ont échoué étaient des constructions artificielles sorties tout armées de la tête de quelque politicien, comme l’euro l’est aujourd’hui.

On nous sert aussi l’argument que seuls les grands ensembles ont droit à la parole dans le concert des nations et qu’il nous faut une Europe puissante et unie (derrière un chef bien aimé ? Comme Louis XIV, Napoléon ou Hitler ?), et nos OdS ne se rendent même pas compte que ce qui a fait et continue de faire l’incroyable attrait de l’Europe, c’est sa diversité et non pas une union contrainte et forcée dont pas un peuple ne veut. Sur les dix niveaux de vie les plus élevés du monde, neuf se rencontrent dans des nations de moins de 10 millions d’habitants…Etre heureux ou permettre à BHL de se prendre pour Malraux, telle est la question, comme aurait pu le dire Hamlet.

Achevant cet article, je n’ai pu m’empêcher de penser à ma jeunesse où il y avait peu d’OdS et beaucoup de grands esprits. Quand je cherchais à comprendre, je pouvais lire Camus, Jouvenel, Raymond Aron, JF Revel, Mauriac et bien d’autres, qui étaient tous en vie et qui ne cherchaient pas à me dire quoi penser mais comment penser, en me dirigeant vers la lecture de Benjamin Constant, Bastiat ou Tocqueville… Ma gratitude envers ces hommes est infinie.

Mais qu’est il arrivé à mon pays pour qu’en quarante ans nous n’ayons plus un seul grand intellectuel et que partout ils aient été supplantés par de médiocres OdS ? Voilà la vraie question ! Je n’ai pas de réponse, mais c’est bien cela le vrai drame français. Il précède et de loin les désastres économiques et financiers qui font la première page des journaux.

Il paraît que quand il n’y aura plus d’abeilles, nos jours seront comptés.

Charles Gave


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