Une bien curieuse campagne électorale aux USA !
Je suis aux Etats-Unis depuis un mois et je voudrais rendre compte aux
lecteurs de mes impressions. La première chose qui me frappe est un total
sentiment de déconnection entre les sondages et les réalités économique et
géopolitique.
La réalité économique
L’économie américaine ne va pas bien, et la preuve en est que la Reserve
fédérale se croit obligée de prendre des mesures sans précédents pour
essayer d’améliorer la situation. L’excuse présentée par l’administration
sortante est bien sûr que la situation laissée par Bush était
catastrophique.
Certes, certes, mais c’était il y a quatre ans et toutes les mesures prises
pour enrayer la crise financière (avec succès) furent prises par
l’administration du précédent président, laissant M. Obama prendre les
mesures qui devaient relancer la croissance et ramener le taux de chômage à
moins de 5,5 % au moment de l’élection présidentielle en 2012 (d’après les
prédictions du président élu).
Quatre mille milliards de dollars ont été dépensés depuis, avec les
brillants résultats que chacun connaît : la reprise a été la plus faible
depuis 1945, le taux de participation (emplois divisés par population
active) est au plus bas depuis 1981, tandis que le chômage reste supérieur à
8 % et que les rentrées fiscales sont au même niveau qu’en 2007, ce qui
amène déficits budgétaires et dette à des niveaux incroyables. M. Obama a
fait exploser la dette fédérale plus que tous les présidents
américains réunis depuis le début de la République…
On ne peut donc que constater (une fois de plus) l’échec total de ces
relances keynésiennes qui ont échoué toujours et partout…
La réalité géopolitique
Dans son discours au Caire, le président Obama avait annoncé que les
problèmes du Moyen-Orient venaient en grande partie de l’action des
autorités américaines qui auraient « manqué de respect » vis-à-vis des
musulmans et favorisé les dictatures locales au détriment de la démocratie.
Trois ans après ce remarquable diagnostic, le Moyen-Orient est à feu et à
sang, un ambassadeur américain a été assassiné avec trois autres diplomates,
et le sport local consiste à brûler la bannière étoilée un peu partout.
M. Obama pensait que pour se réconcilier avec les Arabes, il fallait se
fâcher avec Israël, ce qu’il a fait avec beaucoup de talent… Voilà qui
accroît d’autant la probabilité d’une frappe d’Israël sur l’Iran avant que
ce pays n’atteigne le seuil nucléaire, tant le fait de se sentir coupé de
son principal allié peut amener ce petit pays à prendre des décisions
dangereuses.
Face à ce qu’il faut bien appeler une série de désastres, tant sur le plan
économique que géopolitique, on aurait pu s’attendre à ce que les sondages
enregistrent un effondrement de la popularité du président sortant. En fait,
il n’en est rien du tout. Les sondages restent imperturbables et rien ne
semble bouger. Un peu ahuri de cette extraordinaire stabilité, j’ai décidé
d’aller essayer de comprendre comment ces sondages étaient fabriqués. Je
commence par la photographie du corps électoral telle qu’elle est bien
connue des spécialistes.
Le corps électoral se divise entre 35,4 % de « Républicains » (inscrits
comme tels), 34 % de « Démocrates » (inscrits comme tels) et de 30,5 % «
d’indépendants » inscrits ni dans un parti ni dans l’autre et pouvant voter
l’un ou l’autre au gré de leurs préférences.
D’après les sondages, 97 % des électeurs inscrits comme Républicains
voteront Romney et 98 % des électeurs inscrits comme Démocrates voteront
Obama.
Voilà une égalité quasiment parfaite, ce qui veut dire qu’une fois de plus
les résultats dépendront des indécis. J’ai donc été voir comment les
sondages étaient faits dans le détail, et quelle ne fut pas ma surprise au
vu des résultats.
Les échantillons retenus par les grandes sociétés de sondage aux USA
comprennent, sur un échantillon de 1300 personnes, en général 51 % de
Démocrates, 44 % de Républicains et le reste d’indépendants.
La surreprésentation des Démocrates, et la sous représentation des
indépendants dans les sondages expliquent à elles seules les bons
résultats du président sortant. Si l’on corrige en appliquant les
pourcentages officiels entre les trois catégories de votants, M. Romney mène
de plus de 7 points à peu prés partout aux USA.
Je n’ai pas la moindre compétence dans l’art des sondages, et apparemment
toutes les sociétés de sondage pratiquent le même genre de corrections
statistiques, ils doivent donc savoir quelque chose que je ne sais pas, mais
j’ai trouvé cela assez… étrange
Les Américains en moyenne ont l’air de juger leur président sortant
incapable. Les sondages disent le contraire. Nous verrons bien le résultat
des élections…
Mais avant de clore cet article, je voudrais faire part d’une dernière
impression : jamais je n’ai vu les grands médias de la côte Ouest ou de la
côte Est aussi acharnés à détruire un homme comme je l’ai vu pour Mitt
Romney, présenté comme un monstre froid, égoïste et détestant les « pauvres
».
L’homme est en fait plus qu’honorable.
• Il a créé l’une des sociétés de capital risque qui a le mieux marché dans
l’histoire des affaires depuis trente ans (Staples et l’une de leurs
créations).
• Ayant vendu ses parts, il devient gouverneur du Massachussetts qu’il
fait passer d’un déficit budgétaire à un surplus, tout en aidant à la
création de plus d’emplois que la quasi totalité des Etats adjacents.
Pendant toute cette période, il se sert un salaire de…1$ par an. Bien peu
pour un homme que seul l’argent intéresse.
• Appelé au secours pour reprendre en mains les Jeux olympiques d’hiver
qui s’enfonçaient dans la désorganisation, il redresse la situation en six
semaines et verse les1,6 millions de dollars qu’il a touchés à des «
charités ».
• Dans les deux dernières années, il a payé 5 millions de dollars en
impôts (13 % de ses revenus, ce qui est parfaitement en accord avec la
moyenne des gens très riches aux USA), mais il a donné 7 millions de dollars
à diverses charités, ce que personne ne le forçait à faire.
Bon père (cinq fils), bon mari, remarquable homme d’affaires, gérant
intègre des deniers publics quand il était au pouvoir, que voila un candidat
idéal !
L’ennui c’est que tout son discours et toute sa vie sont une illustration
de ce qui fait la force des USA, et que ce discours est haï à un point
incroyable par tous les « oints du Seigneur » des universités, des médias et
des milieux syndiqués, et donc par tous les membres de ce qu’il faut bien
appeler une cléricature, qui vit noblement aux dépens des ceux qui
travaillent en prenant des risques.
Combien de lecteurs français savent-ils que les fonctionnaires aux
Etats-Unis sont payés 70 % de plus à compétence égale, avec de bien
meilleurs avantages sociaux, que les pauvres gars qui travaillent dans le
secteur privé ?
Nous avons donc une élection entre le Tiers Etat, représenté par M. Romney,
et le clergé étatique, représenté par M. Obama. Est-ce pour cela que les
membres de la cléricature essaient d’influencer les résultats des élections
en faisant croire que M. Romney n’a aucune chance ?
Peut-être. Après tout, une semaine avant l’élection de Reagan, les sondages
donnaient Carter vainqueur.
Plus que six semaines à attendre…
Charles Gave
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