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17/7/10 Richard Hanlet
         Le jour où il n’y aura plus de médecins …

Depuis que les digicodes à rébus et les visiophones en 3D remplacent les regrettées conciergeries lusitaniennes, les intérêts des médecins installés sont diamétralement opposés à ceux des autres occupants en matière d'accessibilité aux immeubles. Et comme il n'est pas question de distraire les polices nationale ou municipale de leurs activités essentiellement parafiscales de répression automobile, les SDF et autres "jeunes" ont tout loisir de squatter les parties communes des immeubles, avec les dégradations que cela suppose. Extrait du compte-rendu d'une A.G. de copropriété de Chatou : "Nous exigeons du Dr X. qu'elle envisage d'autres moyens d'accueillir ses patients, comme par exemple l'embauche d'une secrétaire, ce qui permettrait la création d'un emploi financé ainsi par elle-même et ses deux colocataires médecins." Suivent quinze signatures, dont celles de... plusieurs patients du Dr X… Comme quoi les gens pardonnent difficilement le bien qu'on leur fait.

De propriétaires à 5.000 euros du mètre carré, on aurait attendu des réflexes moins pavloviens que ceux d'un cégétiste ou d'un journaliste de France Info (cela ne vous rappelle pas le "Chuis pas un imbécile, puisque j’suis douanier" de Fernand Reynaud ?).

On est toujours le riche de quelqu'un

Au fait, puisqu'on est dans la création d'emplois, pourquoi la copropriété n'envisage-t-elle pas de montrer l'exemple en embauchant un gardien ? Parce que comme pour la crise ou la retraite, c'est toujours au "riche" de payer. Le problème, c'est que si tout le monde est le riche de quelqu'un, le médecin, dans l'inconscient français, c'est le riche ontologique, le riche-étalon en platine iridié. Un peu comme le juif dans la tête de Youssouf Fofana, même si on peut prêter aux bourgeois catoviens un peu plus de conscience qu'à ce triste sire. Ah... la petite envie mesquine, elle en aura fait des dégâts depuis la Révolution !
 

Qu'il s'agisse de la crise ou de la retraite, faire payer les riches est apparemment la seule valeur républicaine clairement identifiable, inoxydable et dégainable à merci. Même chez les bourgeois de Chatou. Et cela explique la facilité avec laquelle les hommes de l'État poursuivent le démembrement de la médecine libérale. Après avoir dit longtemps "les médecins sont trop riches", les Français se réveilleront un matin en disant "Tiens, il n'y a plus de médecins !" Comme d'habitude, les hommes de l'État se poseront en sauveurs de la catastrophe qu'ils auront eux-mêmes provoquée. Et leurs remèdes sont déjà visibles. L'année dernière, 3.000 médecins étrangers ont été autorisés à exercer sur notre territoire, contre 3.300 médecins français. La parité n'est pas loin, en attendant l'inversion.

Décourager les patients


On notera la similitude du procédé avec l'immigration massive de travailleurs dans les années 60, "pour réaliser les tâches dégradantes que les Français ne veulent plus faire". Ça ne suffira pas ? Pas de problème : on nous prépare une corporation de super infirmières bac plus cinq, non plus pour une délégation de tâches sous contrôle d'un médecin, mais pour un pur et simple transfert de tâches médicales. Ça ne suffira pas ? Pas de problème : un portail destiné à prodiguer des conseils médicaux et des « consultations à distance » par téléphone aux patients (mais surtout à décourager les patients d'avoir recours aux services d'urgences ou à des médecins) est à l'étude. Comme l'explique sans ambages le président socialiste de l'Agence régionale de santé (qui aurions-nous eu si on avait élu un président de la République de gauche ?), l'obsession du moment, le nouveau Graal, c'est "l'accès aux soins" (au tarif de la Sécurité sociale, cela va sans dire). Aux soins de qui ? Avec quels critères de qualité ? Aucune importance. C'est la grande victoire du nominalisme sur le réalisme.

Pendant ce temps au ministère de la Santé, des petits génies veillent sur l'organisation hospitalière. Heureusement, puisque c'est tout ce qu'il restera ! Il y a quinze ans, par exemple, que la fusion des hôpitaux de Poissy et de Saint-Germain est sur le feu. Résultat : malgré un nouveau directeur en 2007, le record absolu de déficit des hôpitaux français, près de 140 millions d'euros sur lesquels le procureur de la République commence à se pencher. Même Libération, peu suspect de défiance envers les services publics, s'en indigne : «Quand j'arrive, explique le nouveau directeur, je suis un peu surpris. Pas de comptabilité, aucun système d'informatique. Je me rends compte de bizarreries : par exemple, la taxe sur les salaires n'a pas été payée depuis dix ans». (Essayez de faire la même chose, juste pour voir !). Et le journaliste poursuit : "En apprenant ces dysfonctionnements, le ministère hésite. Ne veut pas prendre de front l'ancienne direction où tous étaient syndiqués". Encore les valeurs républicaines, probablement. Les ex-responsables sont même promus, à l'image de l'ancien directeur qui devient "conseiller général de santé". Comme on dit, les conseilleurs ne sont pas les payeurs...

Richard Hanlet


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