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19/12/10 | Claude Reichman |
Il faut à la France un homme d’Etat ! « Ils font semblant de nous payer, on fait semblant de travailler. » La formule était emblématique de feue l’Union soviétique. Vu de France, elle donne ceci : « Ils font semblant de réformer, on fait semblant de les croire. » Bien entendu, la formule française ne vaut que pour les médias. Car il y a longtemps que le peuple ne croit plus à ce que racontent les politiciens. Pour l’instant, il n’éprouve à leur égard qu’une indifférence méprisante. Mais la colère peut éclater à tout moment. Et elle sera d’autant plus violente qu’elle aura été longtemps contenue. Pour un Français, voici comment se présente l’avenir politique : Sarkozy se prépare à multiplier les déplacements en province afin d’essayer de renouer avec ses électeurs perdus, Fillon le bien peigné (il y eut dans notre pays un « bien aimé ») va continuer de faire semblant d’être Premier ministre, Strauss-Kahn de se faire passer pour un sauveur, Aubry de se demander ce qu’elle fait là, tandis que Bayrou, Le Pen et quelques autres joueront leur petit air de flûte de leur côté. Bref pas de quoi envisager l’avenir avec optimisme quand on est le citoyen d’un pays perclus de dettes, dont l’économie hoquète comme un moteur encrassé, et où la pauvreté s’étend comme une épidémie. Disons les choses comme chacun peut les voir : la France n’a aucune chance de s’en tirer dans une telle configuration. Il suffirait pourtant de peu pour qu’elle reprenne espoir : qu’un homme d’Etat se fasse entendre et que sa parole de vérité soit assortie de l’évidence qu’une fois au pouvoir il fera ce qu’il faut sans faiblesse. On appelle cela la confiance. Et c’est sur son fondement que fonctionnent les sociétés humaines, du plus humble au plus haut niveau. Risquons un pronostic : l’homme d’Etat apparaîtra quand les citoyens en exprimeront le désir. Pour le moment, ils sont amorphes et emplis du sentiment délétère que quoi qu’ils fassent, il n’en résultera aucune amélioration de leur situation. Un tel état d’esprit s’appelle une dépression. Ce mal est d’autant plus redoutable qu’il a des causes internes. Or ce n’est nullement le cas ici. La dépression française ne résulte que d’un sentiment d’accablement face à l’impuissance publique. Et celle-ci se manifeste autant par le spectacle lamentable des fausses réformes que par celui du cirque médiatique qui l’accompagne. On dit qu’à Rome, au premier siècle, deux augures ne pouvaient se rencontrer sans éclater de rire. Il en va de même chez les journalistes français, ce qui explique leur bonne humeur communicative. Car enfin il faut une sacrée dose de joyeuse inconscience pour oser transmettre au peuple les insanités des politiciens sans les assortir d’un commentaire assassin. Il est vrai que le faire exposerait à des représailles, mais que ne pas le faire signifie non seulement la fin de la liberté de la presse mais aussi celle de la démocratie. Bref les acteurs et commentateurs de la chose publique sont, en France, en dessous de tout. Ce mensonge généralisé et les conséquences qu’il implique ont trouvé un théoricien inattendu et fort crédible. Nous vous en parlerons bientôt. L’époque que nous vivons est cependant passionnante. Car on peut être certain que notre pays va se transformer en profondeur, comme l’ensemble de la planète le fait déjà. La seule inconnue, mais elle est de taille, consiste à savoir si les bouleversements indispensables de notre organisation collective se feront dans le drame et au prix de grandes souffrances ou si finalement la raison, le courage et le sens des responsabilités prévaudront. Le pari pascalien commande de choisir la seconde hypothèse. Mais même parrainée par Pascal, elle n’est qu’un pari. Qui implique des gagnants et des perdants. Et l’expérience historique, qui est en de tels moments le meilleur des viatiques, montre qu’aux heures difficiles la détermination de quelques-uns suffit à rallier le plus grand nombre. On en revient donc à l’homme d’Etat ! Claude Reichman
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