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1/9/10 | Claude Reichman |
Regardons passer le cadavre de
notre ennemi ! La chasse aux Roms a occupé tout le mois d’août et continue en ce début de septembre. Mais personne, dans la classe parlante, n’ose poser la seule question qui vaille : pourquoi ces personnes vivent-elles en France ? La raison de la gêne de nos élites est fort simple : comme elles soutiennent toutes peu ou prou le système, elles craignent de lui porter un coup fatal en mettant en exergue les raisons de la présence en France de ces gens du voyage roumains et bulgares. Sur la radio RMC, le 20 août dernier, un Rom reconduit pour la troisième fois en Roumanie est interviewé. « Reviendrez-vous en France ? », lui demande le journaliste. La réponse est affirmative. « Pourquoi ? » questionne ce dernier. Réponse : « En Roumanie, y a pas travail. » Bien entendu l’interviewer s’est gardé de demander à l’intéressé s’il travaillait en France, et s’il l’a fait, sa rédaction n’a pas jugé utile d’en faire état. Pourtant tout le monde sait bien que les Roms roumains et bulgares présents dans notre pays n’y travaillent pas. Pour l’excellente raison qu’en France non plus « y a pas travail ». De quoi vivent donc ces immigrés, si ce n’est de l’assistance que distribue généreusement à toute personne, même en situation irrégulière, notre pays pourtant endetté jusqu’au cou et tout proche de la faillite ? Et voilà posé en pleine lumière la question du système social français. Qui peut nier, à la lumière du problème des Roms - qu’on peut élargir à l’ensemble des populations immigrées « depuis 50 ans », comme l’a dit le président de la République à Grenoble, le 30 juillet dernier, en tout cas au moins depuis 1976, date d’entrée en vigueur du droit au regroupement familial, qui a transformé l’immigration de travail en immigration de peuplement et bouleversé la structure de la population de la France – qu’une réforme urgente de nos régimes sociaux s’impose ? Naturellement, cette réforme n’aura pas lieu sous la présidence Sarkozy, ni sous une éventuelle présidence socialiste. Les deux forces qui gouvernent notre pays depuis l’institution de la 5e République ont lié leur sort à ce système social, qu’ils osent qualifier de « pacte républicain », comme si ceux qui veulent le réformer étaient des factieux. Qu’aucune réforme ne soit possible dans ces conditions politiques, Edouard Balladur le démontre comiquement - lui qui d’ordinaire n’est pas drôle - dans une tribune parue dans Le Figaro du 27 août dernier. Après avoir invité le chef de l’Etat à constituer « un gouvernement resserré et comportant de fortes personnalités dont on ne doit redouter ni l’influence ni le prestige, bien au contraire », la forte personnalité signataire pose une bonne question : « Faut-il libérer les énergies pour retrouver le dynamisme, ou considérer comme définitif le fait que la France consacre 35 % de la richesse produite chaque année au financement de l’Etat-providence ? » Se doutant bien que personne ne répondra à sa question, l’ancien Premier ministre entreprend de le faire lui-même : « La réforme de l’Etat-providence est une urgente nécessité. Le poids des transferts sociaux est l’un des plus lourds au monde. Aujourd’hui, la plupart des nouvelles mesures présentées comme un progrès social sont financées par des dettes publiques supplémentaires ; du coup, la compétitivité des entreprises est atteinte, la croissance régresse, l’emploi faiblit. » Alors n’écoutant que sa rage réformatrice, Edouard Balladur n’hésite pas à lancer à la face du monde et des Français cette proposition bouleversante : « Adoptons un principe : aucune mesure sociale nouvelle, y compris en matière de dépendance des personnes âgées, ne devrait entraîner de prélèvement public supplémentaire, comme ce fut le cas pour le RSA, mais plutôt être financée par des économies sur d’autres catégories de dépenses sociales. » Ce qui signifie que le niveau actuel des prélèvements sociaux ne diminuera pas, continuera d’être « l’un des plus lourds au monde » et interdira toute croissance économique en France. Dans un article également paru dans Le Figaro, la veille de celui d’Edouard Balladur, l’ancien ministre Luc Ferry stigmatisait « l’impuissance publique » et posait lui aussi une question : « Comment reprendre la main sur un cours du monde qui nous échappe de toutes parts afin d’adapter autant qu’il est possible nos vieux Etats providence à la réalité de la mondialisation sans faire trop de casse sociale ? » Mais bien que, selon l’auteur, « telle est la seule question qui vaille », pas plus qu’Edouard Balladur, il n’a de solutions à préconiser. Impuissance publique ! Un dicton, russe à ce qu’il paraît, dit ceci : « Assieds-toi au bord du fleuve, et tu verras passer le cadavre de ton ennemi. » D’accord. Mais n’hésitons pas à multiplier nos efforts pour que le cadavre de notre système social descende plus vite le cours du fleuve. La renaissance de la France n’en sera que plus rapide ! Claude Reichman
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