Le livre qui dynamite le système !
Les hommes politiques n’attendaient pas le coup de ce côté-là. Il est
d’autant plus terrible pour eux. Laurent Habib est un des grands maîtres de
la communication en France. Président-directeur général de l’agence Euro
RSCG C&0 et directeur général de Havas, il n’est pas homme à vouloir
dynamiter le système. Et pourtant c’est ce qu’il vient de faire dans un
ouvrage au titre austère, « La communication transformative », paru aux
Presses Universitaires de France, et qui ne semble destiné qu’à ses
confrères. Le sous-titre donne toutefois l’éveil : « Pour en finir avec les
idées vaines ». Bon, se dit-on, c’est un « pubard » qui se livre à une
autocritique bien nécessaire en ces temps de crise. Erreur. Il s’agit de
bien plus que cela. Ce livre est une véritable bombe. Qui déchiquète de son
souffle « les banques qui ont triché, les entreprises qui ont menti » et
surtout « la parole des politiques qui n’a plus de sens à force de prudence
et d’impuissance ».
Au terme de 181 pages sans concessions, la cause est entendue : tous les
accusés sont condamnés. Mais soucieux de ne pas désespérer le peuple,
Laurent Habib délivre ses solutions, qui passent par la réhabilitation de la
vérité dans un univers qui avait cru pouvoir s’en affranchir, au mépris des
règles de la morale et des leçons de l’histoire. Disons-le sans détour :
c’est un des livres les plus importants qui aient paru depuis bien des
années. Raison de plus pour le lire d’urgence et pour le faire lire autour
de vous. Electrochoc garanti !
Claude Reichman
Nous publions ci-après quelques extraits de cet ouvrage.
La crise qui a secoué le monde depuis octobre 2008 laissera des séquelles
durables sur nos économies et sur nos sociétés. En l'espace de quelques
mois, les principales puissances de la planète ont assisté à la
volatilisation de milliards de dollars, d'euros ou de yens sur les places
boursières, à l'effondrement de leur croissance, à la multiplication de
plans sociaux et à la faillite de milliers d'entreprises. Le chômage, que
l'on commençait à oublier dans certains pays, a refait son apparition avec
fracas. Des millions d'étudiants luttent pour décrocher leur premier job,
des dizaines de millions de retraités sont inquiets pour leur avenir - pour
ne parler que des victimes des pays développés... Devant ce gaspillage
d'argent, de travail, d'énergie, d'idées, devant ce gâchis humain inouï,
force est de constater que la crise dont nous commençons à peine à sortir
consacre une destruction de valeur sans précédent.
Au bout de cette longue chaîne de destruction de valeur, peut-être la pire
de toutes : la destruction de la valeur de la parole. Celle des banques qui
ont triché, celle des entreprises qui ont menti, celle des politiques qui
n'a plus de sens à force de prudence et d'impuissance.
En réalité, la crise financière de 2008 constitue l'acmé d'une crise
profonde, en germe depuis plus de dix ans, et qui prend racine dans une
remise en cause radicale des autorités. Une à une, les convictions les plus
établies, la confiance octroyée aux institutions qui semblaient les plus
solides et les plus légitimes, se sont érodées. La parole politique s'est
dissociée du pouvoir d'agir.
La crise de légitimité des autorités traditionnelles est le résultat d'un
système qui ne tient plus, depuis longtemps déjà, que par une communication
hypertrophiée, nombriliste, futile et insignifiante. Une communication qui
n'est plus là pour mettre en forme et en scène le réel - le rendre
intelligible et le valoriser -, mais qui est venue s'y substituer. Une
communication qui camoufle la distance toujours plus importante entre
l'action des politiques, la valeur des marques et de l'entreprise, la parole
médiatique... et la réalité.
A ce titre, la formule fameuse de Nicolas Sarkozy - « D'abord
communiquer, puis agir » - demeurera sans doute une synthèse éclairante de
l'époque.
Parce que le politique est au cœur des représentations sociales sur toutes
les formes de pouvoir, il est le premier responsable de l'installation de
cette société du doute et de la mise à distance systématique des autorités.
II faut dire que depuis près de vingt-cinq ans, le mensonge est devenu, plus
encore qu'un instrument, une composante du pouvoir.
Mais ce phénomène de dévalorisation de la parole est encore plus grave qu'il
n'y paraît. Insensiblement, nous avons glissé d'un divorce entre parole et
vérité et vers une dissociation entre parole et action. Non seulement les
mots n'engagent plus, mais ils échouent à transformer le réel. La
politique - lieu par excellence où le verbe est censé être action - perd
l'origine et le moteur de sa force et de sa légitimité. Face à cette
nouvelle fracture, les opinions ne sont pas seulement cyniques, elles cèdent
au désabusement, de sorte que les électeurs n'attendent plus des dirigeants
politiques qu'une représentation symbolique du pouvoir.
Enflammé ou lyrique, à la manière d'un Dominique de Villepin, le verbe
politique fait sourire. Bétonné de certitudes et de promesses intenables, à
la manière d'un Nicolas Sarkozy, il finit, paradoxalement, par passer
inaperçu. « Tout ce qui est excessif est insignifiant », aurait dit en son
temps Talleyrand. Pire, les mots deviennent un palliatif à l'incapacité
d'agir. Le recours à la communication n'est plus alors envisagé que comme un
instrument destiné à déguiser tant bien que mal l'impuissance. Mis en scène,
le discours politique se substitue à l'action politique. Le politique se
déconnecte de la réalité. Il n'existe plus que par le rythme - frénétique -
de son agenda médiatique. De la loi au projet de loi, puis au discours
annonçant des mesures, le champ de l'action politique s'est progressivement
déplacé pour se désincarner et se dissoudre dans une frénésie
communicationnelle. L'action n'a plus d'importance, le politique n'est plus
que dans la parole, avec pour point culminant le discours présidentiel.
Lorsque la forme prime sur le fond, la communication sur l'action,
l'équilibre entre pouvoir et parole est profondément remis en cause. Et le
politique dans son ensemble est désacralisé.
Les baromètres de confiance et d'image ne cessent de confirmer une
détérioration inéluctable de la crédibilité du politique. Entre 1977 et
2003, le nombre de Français estimant qu'en règle générale, les élus et les
dirigeants politiques français sont plutôt corrompus, est passé de 38 % à
62%, tandis que près de 50% des interviewés pensent que la politique est une
activité peu honorable.
C'est sans doute pour la sphère politique que la tâche s’annonce la plus
rude. Les dégâts du mensonge et de la parole vaine sont tels qu'il
faudra du temps pour qu'une démarche de communication transformative puisse
changer les regards et redonner à l'action politique toute sa portée et sa
force. Mais imaginons qu'au lieu d'agiter le changement comme une fin en
soi, et d'ajuster ses prises de position et le timing de ses réformes en
fonction des signaux donnés par les sondages d'opinion, un parti politique
ou un candidat révèle et assume les conflits qui traversent la société
plutôt que de les taire. Imaginons qu'il annonce clairement vers quelle
société il veut nous conduire. Imaginons qu'il définisse précisément les
étapes et les actes de transformation qui seront nécessaires pour y
parvenir. Imaginons qu'une fois au pouvoir, ce parti politique ou ce
candidat accomplisse en effet ces actes, progressivement, et les rende
lisibles par tous en en rappelant systématiquement la signification et
l'enjeu. Il ne fait pas de doute qu'un tel parti ou qu'un tel candidat
parviendrait au bout du compte à jeter les bases d'une refondation du lien
entre les politiques et les citoyens, et à créer les conditions d'émergence
d'un contrat de confiance sur lequel la société pourrait à nouveau se penser
et s'épanouir.
Laurent Habib
Extrait de « La communication transformative » (puf).
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