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21/1/11  
                Le livre qui dynamite le système !

Les hommes politiques n’attendaient pas le coup de ce côté-là. Il est d’autant plus terrible pour eux. Laurent Habib est un des grands maîtres de la communication en France. Président-directeur général de l’agence Euro RSCG C&0 et directeur général de Havas, il n’est pas homme à vouloir dynamiter le système. Et pourtant c’est ce qu’il vient de faire dans un ouvrage au titre austère, « La communication transformative », paru aux Presses Universitaires de France, et qui ne semble destiné qu’à ses confrères. Le sous-titre donne toutefois l’éveil : « Pour en finir avec les idées vaines ». Bon, se dit-on, c’est un « pubard » qui se livre à une autocritique bien nécessaire en ces temps de crise. Erreur. Il s’agit de bien plus que cela. Ce livre est une véritable bombe. Qui déchiquète de son souffle « les banques qui ont triché, les entreprises qui ont menti » et surtout « la parole des politiques qui n’a plus de sens à force de prudence et d’impuissance ».
Au terme de 181 pages sans concessions, la cause est entendue : tous les accusés sont condamnés. Mais soucieux de ne pas désespérer le peuple, Laurent Habib délivre ses solutions, qui passent par la réhabilitation de la vérité dans un univers qui avait cru pouvoir s’en affranchir, au mépris des règles de la morale et des leçons de l’histoire. Disons-le sans détour : c’est un des livres les plus importants qui aient paru depuis bien des années. Raison de plus pour le lire d’urgence et pour le faire lire autour de vous. Electrochoc garanti !

Claude Reichman

Nous publions ci-après quelques extraits de cet ouvrage.
 

La crise qui a secoué le monde depuis octobre 2008 laissera des séquelles durables sur nos économies et sur nos sociétés. En l'espace de quelques mois, les principales puissances de la planète ont assisté à la volatilisation de milliards de dollars, d'euros ou de yens sur les places boursières, à l'effondrement de leur croissance, à la multiplication de plans sociaux et à la faillite de milliers d'entreprises. Le chômage, que l'on commençait à oublier dans certains pays, a refait son apparition avec fracas. Des millions d'étudiants luttent pour décrocher leur premier job, des dizaines de millions de retraités sont inquiets pour leur avenir - pour ne parler que des victimes des pays développés... Devant ce gaspillage d'argent, de travail, d'énergie, d'idées, devant ce gâchis humain inouï, force est de constater que la crise dont nous commençons à peine à sortir consacre une destruction de valeur sans précédent.

Au bout de cette longue chaîne de destruction de valeur, peut-être la pire de toutes : la destruction de la valeur de la parole. Celle des banques qui ont triché, celle des entreprises qui ont menti, celle des politiques qui n'a plus de sens à force de prudence et d'impuissance.

En réalité, la crise financière de 2008 constitue l'acmé d'une crise profonde, en germe depuis plus de dix ans, et qui prend racine dans une remise en cause radicale des autorités. Une à une, les convictions les plus établies, la confiance octroyée aux institutions qui semblaient les plus solides et les plus légitimes, se sont érodées. La parole politique s'est dissociée du pouvoir d'agir.

La crise de légitimité des autorités traditionnelles est le résultat d'un système qui ne tient plus, depuis longtemps déjà, que par une communication hypertrophiée, nombriliste, futile et insignifiante. Une communication qui n'est plus là pour mettre en forme et en scène le réel - le rendre intelligible et le valoriser -, mais qui est venue s'y substituer. Une communication qui camoufle la distance toujours plus importante entre l'action des politiques, la valeur des marques et de l'entreprise, la parole médiatique... et la réalité.

A ce titre, la formule fameuse de Nicolas Sarkozy - « D'abord communiquer, puis agir » - demeurera sans doute une synthèse éclairante de l'époque.

Parce que le politique est au cœur des représentations sociales sur toutes les formes de pouvoir, il est le premier responsable de l'installation de cette société du doute et de la mise à distance systématique des autorités.

II faut dire que depuis près de vingt-cinq ans, le mensonge est devenu, plus encore qu'un instrument, une composante du pouvoir.

Mais ce phénomène de dévalorisation de la parole est encore plus grave qu'il n'y paraît. Insensiblement, nous avons glissé d'un divorce entre parole et vérité et vers une dissociation entre parole et action. Non seulement les mots n'engagent plus, mais ils échouent à transformer le réel. La politique - lieu par excellence où le verbe est censé être action - perd l'origine et le moteur de sa force et de sa légitimité. Face à cette nouvelle fracture, les opinions ne sont pas seulement cyniques, elles cèdent au désabusement, de sorte que les électeurs n'attendent plus des dirigeants politiques qu'une représentation symbolique du pouvoir.

Enflammé ou lyrique, à la manière d'un Dominique de Villepin, le verbe politique fait sourire. Bétonné de certitudes et de promesses intenables, à la manière d'un Nicolas Sarkozy, il finit, paradoxalement, par passer inaperçu. « Tout ce qui est excessif est insignifiant », aurait dit en son temps Talleyrand. Pire, les mots deviennent un palliatif à l'incapacité d'agir. Le recours à la communication n'est plus alors envisagé que comme un instrument destiné à déguiser tant bien que mal l'impuissance. Mis en scène, le discours politique se substitue à l'action politique. Le politique se déconnecte de la réalité. Il n'existe plus que par le rythme - frénétique - de son agenda médiatique. De la loi au projet de loi, puis au discours annonçant des mesures, le champ de l'action politique s'est progressivement déplacé pour se désincarner et se dissoudre dans une frénésie communicationnelle. L'action n'a plus d'importance, le politique n'est plus que dans la parole, avec pour point culminant le discours présidentiel. Lorsque la forme prime sur le fond, la communication sur l'action, l'équilibre entre pouvoir et parole est profondément remis en cause. Et le politique dans son ensemble est désacralisé.

Les baromètres de confiance et d'image ne cessent de confirmer une détérioration inéluctable de la crédibilité du politique. Entre 1977 et 2003, le nombre de Français estimant qu'en règle générale, les élus et les dirigeants politiques français sont plutôt corrompus, est passé de 38 % à 62%, tandis que près de 50% des interviewés pensent que la politique est une activité peu honorable.

C'est sans doute pour la sphère politique que la tâche s’annonce la plus rude. Les dégâts du mensonge et de la parole vaine sont tels qu'il faudra du temps pour qu'une démarche de communication transformative puisse changer les regards et redonner à l'action politique toute sa portée et sa force. Mais imaginons qu'au lieu d'agiter le changement comme une fin en soi, et d'ajuster ses prises de position et le timing de ses réformes en fonction des signaux donnés par les sondages d'opinion, un parti politique ou un candidat révèle et assume les conflits qui traversent la société plutôt que de les taire. Imaginons qu'il annonce clairement vers quelle société il veut nous conduire. Imaginons qu'il définisse précisément les étapes et les actes de transformation qui seront nécessaires pour y parvenir. Imaginons qu'une fois au pouvoir, ce parti politique ou ce candidat accomplisse en effet ces actes, progressivement, et les rende lisibles par tous en en rappelant systématiquement la signification et l'enjeu. Il ne fait pas de doute qu'un tel parti ou qu'un tel candidat parviendrait au bout du compte à jeter les bases d'une refondation du lien entre les politiques et les citoyens, et à créer les conditions d'émergence d'un contrat de confiance sur lequel la société pourrait à nouveau se penser et s'épanouir.

Laurent Habib

Extrait de « La communication transformative » (puf).



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