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20/11/10 Bernard Martoïa
    A quand la disparition de l’euro ?

"J'ai appris, de longue date, qu'il ne faut pas se battre avec un cochon. Vous vous salissez et, de surcroît, le cochon aime ça."
Cyrus Ching

Les requins qui nageaient au printemps en mer d’Égée ont migré, à l’automne, en mer d’Irlande. L’étau se resserre sur la zone euro. A quand la disparition de la monnaie unique ? Même ses plus grands défenseurs s’inquiètent, à présent, de sa pérennité. Il n’y a que l’impayable marquise de Bercy pour prétendre que la zone euro n'est pas en danger.

Le vendredi 23 juillet, à 18h, soit après la fermeture des marchés européens (une sage précaution car on ne sait jamais leur réaction), le comité bancaire européen publiait, triomphalement, le résultat du « stress test » des 91 banques européennes jugées « too big to fail » dans le jargon de Wall Street. Sur les 91 concernées, seulement 8 avaient raté le test en question. C’était nettement meilleur que le test des banques américaines, où sur les 19 concernées, 10 avaient piteusement échoué. On leur avait même fixé le montant des provisions qu’elles devaient faire, sans tarder, pour rester solvable. Rien de tel en Europe ! Parmi les huit recalées en Europe, figuraient Hypo Bank en Allemagne, ATebank en Grèce, Banca Civica, Diada, Unnim, Espiga et Cajasur en Espagne. (1) Curieusement, aucune banque irlandaise n’avait raté ce test de solvabilité.

Ne soyons pas médisant à l’égard du tigre celtique car la même chose pourrait arriver, un jour, en France avec la faillite d’un de nos mastodontes financiers. La publication des résultats trimestriels des banques françaises est une mascarade. Mais si nous devons être sévères, c’est à l’égard des autorités de tutelle qui ne font jamais leur boulot. Nous avions fait remarquer que le test était bidon et qu’il ne servait qu’à donner le change à Timothy Geithner, le Secrétaire du Trésor américain, qui nous avait tancés après avoir mené le sien Outre-Atlantique, un an plutôt, le 7 mai 2009 pour être précis. Il s’était écoulé sept mois entre le krach financier du 15 septembre 2008, provoqué par la faillite de Lehman Brothers, et la publication de l’audit des banques américaines. Les indolents Européens attendirent près de deux ans pour mener à bien ce test afin que pareille catastrophe fût évitée. « Nous ne sommes pas dans le pétrin comme les Yankees à cause de leur cupidité», se disaient nos élites pour se rassurer à moitié…

Inlassablement dans mes chroniques, j’ai rappelé qu’avant de restaurer l’indispensable aléa moral pour responsabiliser les acteurs économiques, il fallait d’abord dépecer les mastodontes bancaires afin qu’ils ne constituent plus un risque systémique pour la planète. Les engagements d’une banque ne devraient jamais dépasser le seuil de 10% du PIB d’un pays. Dans la curée des requins qui a lieu en mer d’Irlande, ce sont encore les Yankees qui ont expressément demandé aux apathiques Européens d’agir rapidement afin de circonscrire le risque de contagion.

S’il y avait une seule raison à la création du G20 (un raout à la gloire de nos élites qui prétendent prendre le taureau par les cornes), c’était bien de s’entendre sur la nécessité de démanteler les mastodontes financiers qui font courir un risque systémique à la planète. Peine perdue ! Chacun y était allé de son petit couplet pour dénoncer le libéralisme, alors que la faillite de Lehman Brothers a été provoquée par une politique de non-discrimination des minorités dans l’accession à la propriété individuelle, par la tritisation des emprunts refinancés par deux entités paraétatiques (Fannie Mae et Freddie Mac) et par la bulle provoquée par l’abaissement pendant trop longtemps du taux directeur de la Fed. Il ne faut pas confondre les causes et les conséquences, disait Carl Menger, le fondateur de l’école autrichienne. C’est ce que font nos pompiers pyromanes pour se dédouaner de leur crime.

Le « sauvetage » de l’Irlande est l’occasion rêvée pour les continentaux, qui sont très attachés à la notion d’Etat-Providence et aux fariboles de Keynes, pour saigner à blanc ce petit pays coupable de s’être lancé, en 1985, dans une politique ultra libérale. Ils vont l’obliger à rehausser l’impôt sur les sociétés de 12,5% qui est à l’origine de son décollage économique. Pensez que ce petit pays draine, à lui seul, la moitié des capitaux internationaux qui sont investis dans la zone euro.

On pardonnera aux Grecs d’avoir falsifié leurs comptes, aux Espagnols leur folie immobilière, aux Italiens leurs manigances, aux Français leur arrogance de donner des leçons alors qu’ils sont incultes sur le plan économique, mais jamais aux Irlandais d’avoir trahi l’orthodoxie socialiste.

Bernard Martoïa

(1) Archive du 27 juillet 2010 : « La cage en fer, devisée par les Européens, n’arrêtera pas les requins. »


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