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24/6/10 Bernard Martoïa

Le gouvernement fédéral américain est responsable de la marée noire !

"Personne n'est hypocrite dans la poursuite de ses plaisirs" Samuel Johnson

A l’instar du Titanic, la tour de forage Deepwater Horizon était le fleuron de l’industrie pétrolière. Elle avait été construite à l’arsenal d’Ulsan, en Corée du Sud, par la société Hyundai. Commandée en 1998 pour la rondelette somme de 560 millions de dollars par la société R&B Falcon, elle effectua son voyage de noces, à compter du 21 mars 2001, entre Ulsan et Freeport au Texas. Mais la mariée était trop belle pour cet opérateur qui fut absorbé, le 17 août 2001, par Transocean.

Tous les records du monde battus

D’un tonnage de 32 588 tonnes et d’une dimension gigantesque (127 mètres de longueur et 78 mètres de largeur) Deepwater Horizon rendit d’émérites services à son nouveau propriétaire qui la louait, à prix d’or, aux compagnies pétrolières. Signé avec British Petroleum (BP), le dernier contrat de location de 544 millions de dollars avait pour échéance 2013. Pour fixer les idées, cela représentait la bagatelle de 496 800 dollars par journée de location. Autant dire qu’il fallait aller vite en besogne (forer vite) pour amortir son coût pharaonique et BP ne s’en est pas privé (1) avec toutes les conséquences que l’on sait…

Deepwater Horizon avait battu tous les records du monde de sa discipline. Elle avait découvert en 2006 le gisement prometteur de Kaskida, à 240 kilomètres au large des côtes de la Louisiane. En 2009, elle avait établi un record en forant jusqu’à 10685 mètres de profondeur ! Avoir Deepwater Horizon était fortement prometteur pour n’importe quelle compagnie pétrolière. C’est ainsi que BP s’assura ses services exclusifs. La compagnie anglaise avait passé un contrat d’un an avec Transocean en janvier 2008 mais elle s’empressa de le renouveler en portant l’échéance à quatre ans. Si BP s’offrait ce luxe, c’est que Deepwater Horizon lui rapportait bien davantage.

En février 2010, Deepwater Horizon commença à forer dans la zone du Mississipi Canyon, à 66 kilomètres des côtes de la Louisiane, et à une profondeur d’eau de 1500 mètres. La concession, baptisée Macondo, avait été attribuée l’année précédente par M.M.S à B.P à hauteur de 65%, à Anadarko (25%) et à MOEX Offshore (10%).

Le 20 avril 2010, Deepwater Horizon était en train de forer les derniers mètres du puits d’exploration lorsque se produisit une explosion géante de méthane, d’eau et de boue. Après 36 heures de feu non maîtrisé par quatre bateaux pompiers, Deepwater Horizon coula au fond de l’océan.

Les fautes anciennes du Congrès américain

Comme dans la tragédie du Titanic où il n’y eut pas une faute grossière, c’est une accumulation d’erreurs qui est à l’origine du naufrage de Deepwater Horizon. Il faut donc remonter assez loin dans le temps pour établir toutes les responsabilités dans le déclenchement de cette catastrophe planétaire.

Le 17 juin 2010, les députés américains ne se sont pas gênés pour étriper Tony Hayward. Par tact diplomatique, la torture n’a duré que sept heures pour ce ressortissant de la couronne britannique qui a accepté de comparaître. Faute de temps, les yankees ne l’ont pas cuisiné à petit feu comme le veut la tradition, pour lui sortir les vers du nez, mais l’ont bombardé : « Mais comment se fait-il que vous prétendez ne pas connaître les opérations quotidiennes de votre société ? », ou l’ont carrément insulté : « Votre défense est une insulte à notre intelligence », a même éructé un des tortionnaires. Tel fut en résumé le chef d’accusation porté par les membres de la commission de l’énergie et du commerce à la Chambre des Représentants.

Cette commission est présidée, depuis le début de l’année, par l’honorable Henry Waxman, un influent député de Californie, dont la circonscription englobe les ghettos d’Hollywood et de Beverley Hills où vit, comme chacun sait, la communauté retranchée de la gauche caviar américaine, qui est toujours prête à donner des leçons au reste du monde à travers son cinéma. La gauche caviar par excellence ne pouvait qu’élire le plus grand hypocrite devant l’Eternel. Waxman est son digne représentant depuis 1975. Il a présidé la commission « Oversight and Government Reform » entre 2007 et 2009. C’est à ce titre qu’il a instruit à charge, à l’automne 2008, le procès de Richard Fuld, l’ex-président de Lehman Brothers. Au cours de celui-ci, il a réussi la prouesse que les noms de Fannie Mae et de Freddie Mac ne soient jamais évoqués dans le déclenchement de la crise des crédits subprime. Ce n’est pourtant ni la faute des républicains minoritaires siégeant à la commission, à qui il a coupé brutalement la parole lorsqu’ils ont tenté d’évoquer le rôle néfaste de ces deux entités parapubliques, ni celle de Richard Fuld qui ne comprenait pas qu’on l’accuse d’être le seul responsable de la crise financière.

En 1995, Bill Clinton signa le Deepwater Royalty Relief Act (DWRRA). Si cette loi encourageait la prospection de gaz et de pétrole dans le golfe du Mexique, elle fixait curieusement une profondeur minimum de 200 mètres pour les forages en mer. En deçà de cette profondeur, les compagnies pétrolières ne pouvaient bénéficier d’une exemption de taxe sur leurs royalties. C’était une étrange niche fiscale concoctée par les représentants de la nation américaine. Le Mineral Management Service (MMS) publia le décret d’application de la loi. Il définit une concession en eau profonde comme devant avoir un minimum de 200 mètres de profondeur. A son expiration en l'an 2000, la loi fut reconduite à tous les plateaux continentaux jouxtant les côtes des États-Unis.

Les plateaux continentaux avaient fait eux-mêmes l’objet d’une loi, signée en 1978 par Jimmy Carter, et baptisée Outer Continental Shelf. A cette époque, toutes les nations s’étaient lancées dans la course à la reconnaissance juridique des plateaux continentaux par la Cour de Justice internationale de La Haye. Les nations du Chili et de l’Argentine étaient au bord de la guerre en raison d’un différend concernant la délimitation de leurs eaux territoriales. C’est par une médiation adroite de la papauté que le différent du canal du Beagle, datant de 1881, fut enfin résolu en 1984.

En novembre 2000, l’administration Clinton remania le DWRRA en fixant des quotas byzantins dignes des usines à gaz de nos chers énarques. Pour une profondeur de 200 à 400 mètres, les compagnies obtenaient une défiscalisation totale des premiers 98,5 milliards de pieds cubiques de gaz extraits ou celle des premiers 17,5 millions de baril de pétrole extraits. Entre 400 et 800 mètres, le volume exempté de taxe doublait et au-delà de 800 m de profondeur, il quadruplait ! (2)

Cette politique aveugle pourrait se résumer par la formule suivante : « Otez de notre vue ces plateformes pétrolières disgracieuses ! » C’est la même chose à l’égard des fermes éoliennes que l’on repousse en mer sous la pression des riverains agacés par leur bruit et leur présence, sauf que les conséquences, en cas d’accident, ne sont pas du tout comparables.

Qu’ont fait les compagnies pétrolières ? Incitées par les primes irresponsables établies par le gouvernement américain, elles ont foré le plus loin possible des côtes. Mais aucun gouvernement ne s’est interrogé sur le risque encouru à une grande profondeur. La faisabilité d’une opération de secours pour colmater un puits de pétrole dans une piscine n’est pas la même qu’au fond des mers. C’est la terrible vérité que tout le monde découvre aujourd’hui, avec le puits de Deepwater Horizon qui est à 1500 mètres de profondeur sous la mer. Aucun robot n’est capable de colmater la fuite en raison de l’énorme pression du gisement. Y parviendra-t-on un jour ? Une interrogation angoissante qui est esquivée par les principaux responsables politiques de cette tragédie...

Dans un marché libéré de la tutelle étatique, les acteurs auraient agi fort différemment. Les compagnies pétrolières auraient foré le plus près possible des côtes américaines si elles avaient dû payer une taxe sur le premier mètre cube de gaz ou sur le premier baril de pétrole extrait de la mer. Comme dans la crise financière des crédits subprime, qui a été provoquée par une lointaine politique de non-discrimination des minorités pour l’accession à la propriété immobilière (merci monsieur Carter), c’est encore l’immixtion de l’État dans le fonctionnement du marché (merci monsieur Clinton) qui est à l’origine de cette nouvelle catastrophe.

Pour paraphraser Carl Menger, le fondateur de l’école autrichienne, il ne faut pas confondre la conséquence (une compagnie pétrolière voyou comme BP) et la cause de la marée noire (une législation criminelle comme DWRRA). Cette vérité éclate à la figure des collectivistes qui ne jurent que par l’État et sa représentation criminelle.

Touche-pas à ma télévision !

La vérité peut-elle être entendue du public abruti par la propagande officielle ? C’est tout le problème. Dans son dernier communiqué, Gérard Pince invite les résistants à boycotter les journaux, mais il faudrait aller beaucoup plus loin en boycottant la télévision. Seriez-vous prêt à vous séparer de votre cher écran plat? Je prêche pour ma paroisse car je n'ai jamais acheté un poste de télévision. Je déteste autant la manipulation politique que celle des annonceurs (publicité).

Dans une passionnante enquête du New Yorker (3) au sujet du pluralisme des médias en Russie, il était raconté que Vladimir Poutine tolérait les débats des intellectuels sur la toile mais leur défendait de toucher à sa télévision. Un pouvoir fort est magnanime envers une opposition ridiculement petite. C’est la même configuration politique en France où la vraie opposition au pouvoir socialiste se limite à son audience sur la toile.

La télévision est le média par excellence des veaux à qui l’on fait tout gober. Dans un passé que les anciens n’ont peut être pas encore oublié, tous les coups d’État en Afrique ou en Amérique du Sud commençaient par la prise de la télévision ou de la radio (4). C’est la preuve que le veau n’est pas une exclusivité française et qu'il n'y a aucune pensée raciste dans mon propos. Un choc salutaire comme la défaite de l’équipe de France de football contribuera mille fois plus au réveil espéré des veaux que toute les savantes démonstrations …

Bernard Martoïa

(1) Archive du 18 juin 2010 : Le pacte avec le diable.

(2) Bashing BP (for doing exactly what government led them to do), by Matthew Novak at Ludwig von Mises Institute, Wednesday 23 June 2010.

(3) Letter from Moscow from David Remnick : Echo in the Dark, The New Yorker, September 22, 2008.

(4) Tintin et l’Oreille cassée, par Hergé.



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