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	       Les effets pervers du 
	monopole de l'assurance 
                                    
	maladie ! 
	 
	L’idée d’instaurer en Suisse une caisse nationale publique unique 
	d’assurance maladie n’a pas disparu de la scène politique. Après son rejet 
	par le peuple avec une majorité confortable en mars 2007 (71,2% des voix), 
	une initiative socialiste datant de décembre 2009 et en attente au Conseil 
	national l’a remise au goût du jour. La droite semble aussi succomber aux 
	sirènes du monopole public dont le mirage sera sans doute d’autant plus 
	attrayant que de nouvelles hausses de primes risquent d’être annoncées aux 
	assurés pour 2011. Même si on juge la situation actuelle insatisfaisante au 
	point de vouloir supprimer la concurrence entre les assureurs, l’imposition 
	d’un monopole public n’est pas la solution. Comme en témoigne l’exemple 
	hollandais, ses effets pervers sont redoutables. 
	 
	Cet exemple est particulièrement intéressant parce que les systèmes suisse 
	et hollandais partagent des points communs. Pendant des décennies, par 
	exemple, aussi bien les Suisses (jusqu’en 1996) qu’un tiers des Hollandais 
	(avant 2006) gagnant au-delà d’un seuil de revenu n’avaient pas l’obligation 
	légale de s’assurer. Ils avaient la liberté d’acheter une police d’assurance 
	en fonction de leur risque santé auprès d’assureurs privés en concurrence. 
	La population non assurée n’était cependant pas, entre autres, un problème 
	majeur (moins de 1% seulement, par exemple, aux Pays-Bas). 
	 
	Des différences importantes existaient cependant entre les deux systèmes, et 
	ce sont elles qui sont particulièrement instructives. En effet, les 
	politiciens poussent le système de santé suisse vers l’ancien système 
	hollandais. Or, si ce dernier a été réformé en 2006, c’est justement parce 
	que ses performances étaient lamentables ! 
	 
	Avant la réforme, les deux tiers de la population étaient couverts par un 
	régime unique et obligatoire de couverture maladie. Mais, dès 1996, les 
	pouvoirs publics hollandais avaient décidé de leur permettre de changer de 
	caisse une fois l’an. L’idée était d’introduire aux Pays-Bas ne serait-ce 
	qu’un peu de concurrence, celle-là même qu’on désire supprimer en Suisse 
	entre les différentes caisses publiques. Mais, comme elles appartenaient au 
	même régime, peu d’assurés trouvaient finalement intérêt à en changer. 
	Les politiciens suisses veulent nous faire croire que, dans le cadre d’un 
	monopole public, les coûts de santé sont davantage sous contrôle. Or, le cas 
	hollandais illustre une fois de plus que la maîtrise publique des dépenses 
	de santé est une illusion. Celles-ci ont en effet augmenté de 7,3 en 1985 à 
	10% du PIB hollandais en 2004. 
	 
	Mais ce n’est pas tout. La mise en place d’un régime public monopolistique 
	tend à entraîner systématiquement un allongement incontrôlé des files 
	d’attente, comme on le constate aussi bien aux Pays-Bas qu’au Royaume-Uni ou 
	au Canada. 
	 
	Comment un tel monopole public peut-il entraîner de tels effets pervers ? 
	 
	Tout simplement parce qu’une grande partie des revenus des prestataires de 
	soins (médecins, hôpitaux, laboratoires, etc.) dépend du régime public et in 
	fine du pouvoir politique. Leurs conditions d’exercice sont par conséquent 
	beaucoup plus facilement étatisées et leurs budgets soumis au contrôle 
	strict de l’État. Celui-ci ne tarde pas à imposer, par différents moyens, 
	une maîtrise comptable et bureaucratique des dépenses de santé. Il suffit 
	alors de réduire les budgets publics consacrés aux prestataires de soins 
	pour en retarder la délivrance auprès de la majorité de la population. 
	 
	La conséquence directe de cette politique est toujours la même, que ce soit 
	au Royaume-Uni, au Canada ou, cas plus proche de la Suisse, aux Pays-Bas : 
	les files d’attente s’allongent. En 2001, environ 244 000 malades hollandais 
	étaient dans l’attente de recevoir des soins hospitaliers. Le coût lié aux 
	listes d’attente en termes de perte de bien-être, de revenu et de 
	productivité, de handicap à long terme, etc., a été estimé à 3,2 milliards 
	d’euros par an, soit près de 6,1% des dépenses totales de santé cette 
	année-là. 
	 
	L’existence de ces listes d’attente a d’ailleurs été le catalyseur de la 
	mise en oeuvre de la réforme de 2006. Le gouvernement hollandais a alors eu 
	le courage de desserrer l’étau étatique plutôt que de mener le système à son 
	étatisation complète, au bénéfice des patients, des prestataires de soins, 
	voire d’une meilleure maîtrise des dépenses de santé. 
	Certes, il a imposé une assurance obligatoire de base à l’ensemble de la 
	population, du « déjà-vu » pour les Suisses, qui ont été soumis à la même 
	obligation une dizaine d’années plus tôt. Cette obligation comporte 
	indiscutablement les « germes » d’autres effets pervers – résultant de 
	l’existence d’une « clientèle » captive pour les assureurs qui risquent 
	d’affecter le système de santé hollandais dans le futur. 
	 
	Cependant, le monopole du régime public a en revanche été aboli. La grande 
	majorité des Hollandais ont donc désormais un plus grand choix entre 
	différentes polices et entre différents assureurs, ce qui les incite à une « 
	consommation » relativement plus responsable des soins. 
	 
	Les prestataires de soins disposent de plusieurs sources de revenus. Ils 
	négocient leurs prestations de santé avec les différents assureurs privés et 
	peuvent s’organiser plus librement. Des assureurs privés peuvent ainsi 
	mettre à la disposition de leurs assurés des filières verticalement 
	intégrées ou encore négocier les prix des médicaments avec les fabricants. 
	En juin 2008, quatre d’entre eux ont mis les fabricants de médicaments 
	génériques en concurrence, obtenant des réductions de prix allant de 40 à 
	90%, alors que le gouvernement avait échoué à plusieurs reprises auparavant. 
	 
	Les tarifs de plusieurs soins hospitaliers courants tels que les opérations 
	de la hanche, du genou, de la cataracte, etc. ont été laissés à la libre 
	négociation. Progressivement, la part des soins librement tarifés a été 
	étendue et atteignait 34% des dépenses hospitalières en 2009. 
	 
	Résultat ? Les temps d’attente ne sont plus considérés comme un problème 
	depuis la réforme. Cela ne s’est pas traduit par une explosion des dépenses 
	puisque les dépenses totales de santé ont même augmenté moins vite entre 
	2006 et 2008, après la réforme et l’abolition du monopole public (+5,3% en 
	moyenne par an), qu’entre 1998 et 2005 (+7,6%). 
	 
	N’est-il pas consternant de voir le système suisse se diriger doucement et 
	sûrement vers le système hollandais tel qu’il existait avant 1996 ? Si la 
	situation actuelle est jugée insatisfaisante, elle ne pourra qu’empirer sous 
	le diktat d’une caisse unique d’assurance maladie. 
	 
	Alors que jadis des patients des quatre coins du monde venaient se faire 
	soigner en Suisse, la population suisse pourrait bien demain devoir se faire 
	soigner à l’étranger, si les efforts politiques continuent à enfoncer son 
	système de santé sur la voie de l’étatisation ! 
	 
	Valentin Petkantchin  
	 
	 
	
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