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    21/7/12 | Laurent Artur du Plessis | 
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	   La Tunisie : un laboratoire de la 
	réislamisation ! Les artistes et auteurs tunisiens reçoivent des menaces de mort par téléphone et SMS, leurs portraits circulent sur Facebook accompagnés de leur nom, de leur adresse et de la mention « dead or alive ». Leurs persécuteurs ? Des islamistes radicaux qui les accusent de « blasphème ». Les artistes persécutés par les islamistes Les violences déclenchées par l’exposition de peinture du Printemps des 
	arts firent écho à celles provoquées par le film Persépolis. La diffusion 
	par la chaîne de télévision Nessma de ce film franco-iranien où figure une 
	représentation d’Allah – c’est interdit par l’islam – avait exaspéré les 
	islamistes radicaux. Il s’en était suivi de violents affrontements entre eux 
	et les partisans de la laïcité. Les extrémistes avaient tenté d’envahir le 
	siège de Nessma. Le PDG de la chaîne, Nabil Karoui, avait essayé d’éteindre 
	l’incendie en présentant publiquement ses excuses au peuple tunisien pour la 
	diffusion de la séquence litigieuse. Malgré cette reculade, les islamistes 
	maintinrent leur action en justice contre lui pour « atteinte au sacré 
	». Il a été condamné en première instance à une amende de 1200 euros. Motif 
	: « La diffusion d’un film troublant l’ordre public et portant atteinte 
	aux bonnes mœurs ». Comme pour l’exposition de peintures, la justice a 
	donné tort à l’homme de l’art et non pas aux extrémistes religieux. Les 
	tribunaux d’État s’inféodent progressivement à la charia. L’inquisition islamiste resserre son étau sur la Tunisie : insultes, 
	menaces et agressions contre les cinémas, les théâtres, les débits de 
	boisson, les boîtes de nuit, les passantes aux tenues jugées provocantes… La 
	meute des islamistes radicaux, dont la plupart étaient incarcérés avant la 
	révolution, est lâchée sur la société tunisienne. Deux Tunisies se 
	retrouvent ainsi face-à-face : celle des libertés et celle de la charia (loi 
	islamique). La mouvance radicale tunisienne appelle la population au soulèvement contre « les atteintes à la religion ». Depuis janvier 2011, les salafistes tunisiens ont déjà mis la main sur 400 des 5000 mosquées du pays. Ils tissent aussi méthodiquement leur toile dans l’enseignement. Ils veulent faire de la Tunisie une théocratie sunnite, tournée vers les Lieux saints de la Mecque et la prestigieuse Turquie d’Erdogan. Quel camp Ennahda choisit-elle ? Mise en échec par la crise économique en 
	tant que parti de gouvernement, Ennahda se garde bien de renforcer l’État de 
	droit contre les extrémistes : elle préfère dispenser des compensations 
	symboliques, celles-là même qui plaisent aux courants fondamentalistes. Elle 
	joue la carte de la réislamisation, conformément à sa vocation initiale. En outre, la rechute de l’économie mondiale handicape inévitablement l’économie tunisienne. C’est là un problème central : la surenchère islamiste ne pourra que prospérer sur le terreau de la misère. Entrant dans sa phase aiguë, la crise économique mondiale va ruiner les chances d’un redressement rapide de l’économie tunisienne. Et gonfler les rangs des islamistes radicaux. Certes, les courants démocratiques et libéraux attachés au pluralisme politique et culturel et aux libertés publiques représentent une fraction majoritaire de la société tunisienne, parmi les femmes, les jeunes, les fonctionnaires… Les classes moyennes sont le vecteur le plus important de ces valeurs. Mais que pourront-elles face à une déferlante islamiste populaire impulsée par la crise économique ? Leur propre paupérisation exposera certaines de leurs composantes à la tentation islamiste. En outre, les radicaux intensifieront l’usage de la terreur, dont on voit déjà les premières manifestations. La terreur est un élément clé des processus de captation du pouvoir par les islamistes radicaux. L’Iran en est un exemple : c’est par la terreur que l’ayatollah Rouhollah Khomeiny a écarté du pouvoir ses alliés (marxistes, libéraux…) de la révolution de 1979, et que son successeur, l’ayatollah Ali Khamenei, a étouffé la Révolution verte de 2009. Pourtant, la société iranienne comporte, elle aussi, une vaste classe moyenne et les aspirations à une démocratie pluraliste y sont fortes. Mais le pouvoir de la terreur est immense… L’arrivée de la crise économique en Tunisie avait été le détonateur de la 
	révolution dans ce pays l’année dernière. Mais les développements de la 
	crise économique dévient le cours de la révolution au profit de la mouvance 
	salafiste. L’opinion islamiste tunisienne est estimée à un peu plus d’un 
	tiers des votants, qui eux-mêmes constituent la moitié de la population. Ce 
	pourcentage est appelé à augmenter avec la rapide montée du chômage et le 
	renchérissement du prix des denrées alimentaires. Le fondamentalisme 
	islamiste – représenté par Ennahda et les partis de la mouvance radicale 
	financés par l’Arabie Saoudite et le Qatar – pourrait être le grand gagnant 
	des élections générales de mars 2013. La naissance du Printemps arabe en Tunisie conforta cette vision optimiste de l’avenir. Une vision élargie à l’ensemble des pays musulmans, qui semblaient voués à la contagion démocratique. Mais cet optimisme a été démenti par les résultats des élections législatives tunisiennes d’octobre 2011 ayant porté au pouvoir le parti islamiste Ennahda. Ils ont stupéfié la mouvance laïque tunisienne elle-même, qui avait sous-estimé l’ampleur du radicalisme religieux dans son pays. Les progrès de l’islamisme radical dans un pays aussi moderne que la 
	Tunisie laissent deviner ce qu’ils pourront être dans des pays musulmans 
	beaucoup moins avancés en termes socio-économiques, au cours de la phase 
	aiguë de la crise économique mondiale qui s’annonce. 
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