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5/9/10 Michel de Poncins
        eBay et la richesse des nations

De récentes nouvelles parviennent sur l'essor extraordinaire de ce marché aux puces mondial réalisé par « eBay » et fonctionnant 7 jours sur 7. Ce développement et sa rapidité conduisent à réfléchir à la richesse des nations.

Voyons d'abord quelques chiffres et données.

L'édifice dans sa formidable complexité s'est bâti en 10 ans, avec évidemment le torrent des milliards se déversant sur ses créateurs. C'est 90 millions de personnes qui s'y retrouvent régulièrement. Beaucoup d'entre elles résident dans des villes moyennes, c'est-à-dire des villes inférieures à 5000 habitants : c'est donc un décloisonnement pour elles.
La valeur des transactions annuelles est de 60 milliards de dollars. La société fait ses bénéfices sur les commissions prélevées à chaque transaction. Son chiffre d'affaires avoisine les 9 milliards de dollars annuels. Les bénéfices sont considérables, sans que nous ayons les chiffres précis sous la main à ce jour. La concurrence est venue avec un certain nombre de sites essayant de copier : en France, Priceminister. Cette arrivée de la concurrence est bon signe et annonce de nouvelles innovations. eBay se lance maintenant dans un service de petites annonces gratuites.

Venons-en maintenant à la richesse des nations.

La chimère de la comptabilité nationale

Depuis des décennies s'est développée l'idée folle de mesurer la richesse des nations : c'est la comptabilité nationale qui inflige aux populations la ruine par son existence même. Elle se résume, avec des travaux absolument gigantesques dans chaque pays, à une pyramide de chiffres dont le sommet est le mythique PIB : les gens sont considérés comme plus riches si le PIB augmente, et encore plus s'il augmente dans son rapport à la population. Sur cette base, avec tous les dédales de la pyramide, les politiques organisent leur pouvoir quasi totalitaire et manipulent une foule de compteurs devant prétendument agir sur la chimère du PIB : ils renouvellent ainsi inlassablement leurs promesses de lendemains qui ne chanteront jamais.

Ce n'est pas dans la brièveté de cet article le lieu d'énumérer toutes les erreurs des calculs de la comptabilité nationale, telles que beaucoup d'économistes les dénoncent et telles que nous en avons souvent traité. Les thuriféraires de la chimère se rendent bien compte d'ailleurs de la vanité de ces travaux. Estimant dans certains pays que les chiffres sortis par leurs bureaux ne leur conviennent pas malgré toutes les manipulations, ils rêvent d'un autre indice : il existe déjà l'indice du développement humain ou IDH et il s'ajouterait le « Bonheur National Brut ». Si ces nouvelles chimères continuent à grandir, il faudra un ministre du bonheur traquant le bonheur partout alors que d'autres chassent le PIB, lequel se dérobe comme dans un mirage.

Pourquoi la mensongère comptabilité nationale ruine-t-elle les populations du monde entier ? Il y a au moins deux réponses.

La première est son coût absolument extravagant : immensité des statistiques exigées non seulement des entreprises mais aussi des particuliers, services pléthoriques dans tous les pays, idem au niveau des organisations internationales. Personne de sensé ne pourra jamais calculer ce coût tellement il dépasse l'imagination. Il appauvrit massivement les gens par les impôts ou l'endettement nécessaires.

Un deuxième facteur s'ajoute : c'est l'intervention des politiques déjà signalée. Agissant comme d'habitude selon leur bon plaisir ils prennent des décisions arbitraires dans le cadre d'une comptabilité pourrie. Ils saccagent ainsi littéralement la richesse générale. La fable internationale des prétendus plans de relance en est une manifestation récente et désastreuse. Un des dommages collatéraux de la chimère de la comptabilité nationale est, grâce à la propagande et à l'éducation nationale, la confiance que les gens finissent par accorder à la chimère. Ils célèbrent même les politiques qui la manipulent. Ce n'est pas le cas unique dans l'histoire, bien au contraire, où les victimes adorent les responsables de leurs malheurs.

La mondialisation heureuse

Le succès étonnant de eBay apporte dans ce contexte beaucoup d'enseignements.
D'abord, il confirme par un biais nouveau la vanité de tout effort pour mesurer la richesse des nations. Aucune comptabilité nationale ne pouvait recenser des richesses cachées que la firme californienne a fait surgir, et très probablement nous n'en sommes qu'au début. Dans une période définie parfois comme la civilisation de la consommation, elle a d'une façon surprenante animé des objets qui dormaient partout : c'est le réveil des objets. L'inventeur d'eBay en a eu l'idée par hasard. Il mit en vente sur son propre site informatique un pointeur laser cassé et eut la surprise de vendre cet objet tout à fait inutile grâce au caractère mondial d'Internet. Il a tout aussitôt enfourché l'idée et en galopant s'est trouvé milliardaire en sept ans.

Le slogan de la firme à présent est « vos placards sont des mines d'or ». En France, selon les calculs : 12 milliards d'euros. La richesse dormait là et personne ne s'en occupait. Si les objets inutiles redeviennent une richesse, un autre phénomène s'observe : l'espace disponible total s'accroit puisque les placards et les greniers sont libérés pour un autre usage. Personne ne peut évidement chiffrer l'influence sur la richesse de ces faits nouveaux. Les économistes, les vrais, savent que la richesse vient du capital et non de la consommation, contrairement à ce que prétend la vulgate de la comptabilité nationale. La tendresse des politiques pour la consommation vient de ce qu'en distribuant de l'argent qu'ils n'ont pas ils acquièrent gloire et clientèle. C'est au contraire la richesse qui permet de consommer. eBay réveille le capital dans la mesure de son intervention.

Le nouvel instrument est aussi le fruit de la mondialisation heureuse. Certes il y a des remous dans certains métiers comme celui de brocanteur et éventuellement d'antiquaire, certains professionnels s'y mettant. De nouveaux métiers se créent. Il est plus que probable que des commerçants d'un nouveau genre apparaissent grâce à l'existence d'eBay. Cela provoque la fureur des gouvernements en place qui ne peuvent pas supporter de voir un nouveau métier s'exercer sans qu'ils puissent prélever leur tribut, ce qu'ils essayent de faire dans la plupart des pays.

Un autre aspect à souligner est la grande sécurité de ce nouveau marché absolument mondial. Sans réglementation publique, les gens se sont organisés pour faire fonctionner la machine dans une grande sécurité juridique et financière. Et même, d'une façon surprenante, les créateurs ont eu l'intelligence de prévoir un système interne d'évaluation des intervenants : les tricheurs sont discriminés et exclus d'office, alors qu’un code officiel avec des milliers de pages n'arrive jamais à bout des fraudeurs.

Le libre marché

Le succès d' eBay est aussi et surtout le succès du libre marché, seul moyen d'assurer, sans pour autant la mesurer, la richesse des nations.
D'une façon complémentaire, il donne à chacun le droit de gérer son bonheur. L'un le trouve en amassant de copieux comptes en banque, l'autre le cherche en les dispersant pour l'amour de Dieu.

Michel de Poncins


 

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