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28/3/11  
           Quand la classe parlante se déchire sur
                             le Front national !

Le 25 mars 2011, au cours du Grand Journal, l’émission en clair de Canal +, Jean-Michel Aphatie a subi un véritable assaut de la part des autres journalistes participant à l’émission, Ali Baddou(Canal+), Christophe Barbier (L’Express), Renaud Dély(France Inter) et Nathalie Schuck (Le Parisien), sur la question de savoir si le Front national est « un parti comme les autres ». Nous publions la transcription de ces échanges, qu’a réalisée le site Enquête&Débat. Certains observateurs rendent Nicolas Sarkozy responsable de la montée du Front national en raison des débats que la majorité présidentielle a initiés sur l’identité nationale, la laïcité et l’islam. Ils devraient surtout se pencher sur la responsabilité de la classe parlante qui, plutôt que de dénier au Front national la qualité de « parti comme les autres », ferait mieux de s’interroger sur le fait qu’aucun des problèmes majeurs de la France n’a jamais été vraiment traité par les gouvernements successifs ni honnêtement exposé par les médias. Ils y verraient – mais sont-ils assez lucides pour cela ? – la véritable explication des progrès du parti aujourd’hui dirigé par Marine Le Pen.

                                                             ***

Michel Denisot : Gérard Carreyrou dans France Soir aujourd’hui dit que le Front national est devenu un parti comme les autres. Est-ce que vous êtes d’accord ?

Christophe Barbier : Non, le Front national n’est pas un parti comme les autres.

Jean-Michel Aphatie
: En quoi il ne l’est pas ?

Christophe Barbier
: De par son programme… Par exemple moi je considère qu’il y a dans le programme du Front national des propositions qui sont contraires à nos valeurs républicaines.

Jean-Michel Aphatie
: Lesquelles ?

Christophe Barbier : Le rétablissement de la peine de mort pour les trafiquants de drogue, c’est contraire à nos valeurs.

Jean-Michel Aphatie : C’est dans le débat !

Christophe Barbier : Non !

Jean-Michel Aphatie : Qu’est-ce qui était contraire aux valeurs ?

Renaud Dély : La préférence nationale…

Jean-Michel Aphatie
: C’est la seule…

Renaud Dély : C’est pas n’importe quoi, la préférence nationale. C’est la colonne vertébrale du programme du Front national.

Christophe Barbier : Ça veut dire que si le Front national avait le pouvoir, il devrait mettre en train des référendums, des lois, aller contre nos traités internationaux, sortir de l’Europe, enfin ça n’est pas un parti comme les autres.

Jean-Michel Aphatie : Mais tout ça c’est dans le débat.

Ali Baddou : Non, ce n’est pas dans le débat.

Jean-Michel Aphatie : Comment ça, c’est pas dans le débat ?

Ali Baddou : Ce n’est pas la République.

Jean-Michel Aphatie : Pour ou contre l’euro, c’est pas dans le débat ?

Christophe Barbier
: Oui, ça c’est dans le débat !

Jean-Michel Aphatie : Eh ben alors ?

Christophe Barbier : Mais le rétablissement de la peine de mort c’est sorti du débat depuis 1981.

Jean-Michel Aphatie : Mais oui, mais ça peut y revenir.

Christophe Barbier : Non !

Jean-Michel Aphatie : Il n’y a pas d’interdit !

Christophe Barbier : Si, il y a un interdit !

Jean-Michel Aphatie : Non, il n’y a pas d’interdit…

Nathalie Schuck : Est-ce qu’on peut considérer que le Front national a un programme qui est crédible, qui est financé ? La réponse est non. Contrairement à l’UMP et au PS, elle n’a pas de programme qui est encore structuré. Elle le dit elle-même d’ailleurs : elle prétend travailler avec des experts économiques d’ailleurs qu’on ne connaît pas. Aujourd’hui, on ne connaît pas le financement du programme du Front national, il coûte extrêmement cher quand on regarde les premières mesures. Est-ce qu’on peut considérer que c’est un programme crédible ?

Jean-Michel Aphatie : Mais tout ça c’est autre chose. Ce qui faisait que le Front national n’était pas un parti comme les autres, c’était l’antisémitisme de son fondateur, et c’était la relation à l’OAS, à l’histoire… Marine Le Pen est en train de blanchir tout ça. Ensuite elle peut faire des propositions qui choquent : par exemple la peine de mort, ça peut choquer, ou d’autres propositions.

Christophe Barbier : Il reste des propositions qui sont inacceptables…

Jean-Michel Aphatie : Mais c’est un parti qui est en train de rentrer…

Christophe Barbier : Ah, il est en train !

Jean-Michel Aphatie : Et regardez, la preuve par Claude Guéant !

Renaud Dély : Je ne suis pas d’accord sur un point qui est essentiel. Évidemment, l’antisémitisme qui était celui, et qui est toujours celui de son père est important, etc., ce qu’on appelé les fameux dérapages qui sont consubstantiels à l’identité de l’extrême-droite. Mais sur le fond, le programme du Front, ce fameux principe discriminatoire qu’est la préférence nationale, qui consiste à réserver aux seuls nationaux emploi, logements sociaux, aides sociales, logement, etc., c’est un principe qui est antirépublicain parce qu’il vise à opposer les communautés les unes aux autres. Ça ne veut pas dire du tout, il y a quelque chose de très pervers aujourd’hui…

Jean-Michel Aphatie : Je vous signalerai que quand on fait les accords de Nouméa en 1988, on fait une préférence d’emploi pour les cadres.

Renaud Dély : La preuve en est que c’est illégal et anticonstitutionnel, c’est que lorsque les époux Mégret ont voulu mettre en application le même type de mesure à Vitrolles, ils ont été cassés par les tribunaux.

Christophe Barbier : Marine Le Pen rapproche son parti du cercle de la République, d’où d’ailleurs le magnétisme qu’il peut y avoir entre la droite classique et cette droite-là, mais elle n’a pas encore fait tout ce chemin qui consiste, éventuellement dans l’histoire pour certains partis, à se normaliser complètement.

Nathalie Schuck : Si on se pose cette question, c’est justement aussi parce que l’UMP est en train de blanchir un peu le discours du Front national, notamment Claude Guéant.


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