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2/11/10 Rachel Marsden
        Retraites : Sarkozy a trempé un orteil dans
                                   le Rubicon !

Les grèves françaises ont été un rituel hebdomadaire depuis le début de l'été. Ces manifestations, qui paralysent le pays, sont destinées à s'éteindre maintenant que le parlement français a adopté la réforme reculant l'âge légal de la retraite de 60 à 62 ans.

Le point de vue de la France ? Les sondages indiquent que la fin de la grève laisse le Français à la fois en colère et content. Opinionway constate que 56% des Français s'opposent à la poursuite des grèves après que la loi a été adoptée. Et tandis que l'IFOP indique que 59% des sondés considèrent qu'il est inacceptable que les grévistes bloquent les dépôts de carburant ou les routes, il note également que 63% appuient la grève. Cette approbation pour les grévistes atteint 71% dans une enquête récente de CSA.

Normalement, la réponse serait de soupirer «Ah, la France ! » et de tourner son esprit vers des dilemmes moins frustrants que celui-ci. Mais nous ne sommes pas en temps normal, et le psychisme gaulois a laissé le reste de l'Occident non seulement intrigué de savoir pourquoi tant de bruit est fait pour deux misérables années de travail, mais si la France est réformable, et, in fine, gouvernable.

Alors, comment le Français peut-il souhaiter, en même temps, la poursuite des grèves et leur fin ? La logique, qui soutient les réformes du président Nicolas Sarkozy, se passe de commentaire : la France ne peut pas continuer à consacrer 29,2% de son PIB aux dépenses de sécurité sociale avec un taux actuel de croissance de seulement 0,3%. La croissance a besoin d'accélérer et les droits acquis d’être réduits. Chaque but soutient l'autre.

Mais la compréhension par le peuple français de cette relation entre la productivité et la prospérité est en lutte constante avec son affinité historique pour la rébellion. Le soutien massif des Français aux grévistes est un héritage culturel ; ils jugent du succès de leur pays au regard de cette tradition, et non pas en dépit de celle-ci.

Les grèves sont alimentées par le bon souvenir de l'Assemblée nationale votant la décapitation du roi Louis XVI après que les «sans-culottes» eurent menacé de se charger eux-mêmes du roi et de ses alliés. En France, les émeutes ont travaillé, et ce quelle que soit la maladie en question, en faveur d’une réédition de la Révolution française, qui semble toujours être une solution plausible à certains.

La différence avec aujourd'hui, c'est que Nicolas Sarkozy n'est pas un monarque, ni  l'«enfant illégitime de Jacques Chirac», comme il en a plaisanté une fois, lorsqu’il a été confronté à cette idée. La majorité des Français qui s'opposent à laisser les grévistes bloquer la France comprennent que c'est une chose de protester contre une politique, mais une toute autre qu’une minorité de citoyens, soutenue par un parti socialiste dans l’opposition, tienne en otage tout le pays. Tradition et symbolisme jouent un rôle important, mais l'État de droit est devenu une notion primordiale en France.

Ce fait, combiné avec les réalités économiques de la France, aurait dû être suffisant pour garantir un soutien aux réformes de M. Sarkozy. La raison pour laquelle il n'en est rien, c'est que si beaucoup de Français se rendent compte que la grève n'est pas particulièrement efficace, il leur échappe encore que les revendications sans fin des grévistes, ainsi qu'un excès de lois et d’impôts, nuisent à leurs intérêts.

Le président n’a personne, sinon lui-même, à blâmer pour ce problème de communication. Alors que les protestataires s'opposent à la lettre et à l'esprit de ses réformes, M. Sarkozy n'a pas encore précisé que ses réformes sont justement conçues pour s'opposer à la lettre et à l'esprit des protestataires. Jusqu'à présent, la tactique de M. Sarkozy a oscillé entre la menace brandie à l’encontre des adversaires de ses réformes et la sucette de «solidarité» destinée à masquer ses intentions. Le résultat est une schizophrénie collective déclenchée par une réformette sans la moindre portée économique.

Avec un taux d'approbation en baisse à 29%, il ne reste que dix-huit mois à M. Sarkozy pour préparer sa réélection. Sa seule chance pour un second mandat est de commencer à expliquer tous les jours, jusqu'à ce qu'il en ait la nausée, comment l’absence de croissance économique et les grèves nuisent aux intérêts du peuple français et à la création d’emplois.

Si M. Sarkozy avait montré aux Français qu’ils sont les enfants perdus de Frédéric Bastiat et qu'ils ont échangé une monarchie pour une camisole de force confectionnée par les syndicats, il aurait réalisé une réforme plus profonde que le report de deux ans de l’âge légal de la retraite. Et s'il était vraiment en faveur du laisser-faire, comme il en est accusé, il ne se serait pas contenté de repousser l'âge légal de la retraite. Il aurait invité le gouvernement à se retirer de la gestion des retraites : "Gardez votre argent, prenez votre retraite quand vous voulez, mais ne cherchez pas à nous contacter si vous êtes incapables de gérer votre nouvelle liberté. »

La leçon pour le reste d'entre nous, c'est que lorsque les émeutiers sont dans la rue, aucune dissonance politique n’est autorisée.

Rachel Marsden



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