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    8/4/11 | Guy Sorman | 
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	         Les 
	révolutions arabes inquiètent la Chine ! Le raisonnement est du pur marxisme puisque, à suivre Yan H, seule 
	l'économie pourrait déterminer la révolte, pas les idées et sans doute pas 
	la revendication de liberté. L'enrichissement est certes visible, et même 
	exhibé à Pékin. Les 10% de croissance annuelle, depuis trente ans, ont 
	généré une classe de super riches qui tend maintenant à se reproduire et 
	concentre le pouvoir politique avec l'influence économique : le Parti 
	communiste chinois tourne à l'oligarchie. Dans les provinces du centre et de 
	l'ouest, le paysan végète encore dans son Moyen-Age. Il est vrai aussi, 
	grâce aux migrations des campagnes vers les grands chantiers et l'industrie, 
	les salaires fussent-ils maigres, que tous les Chinois entrent dans une 
	économie prometteuse. Ou ont l'espoir que leurs enfants y entreront. Car la croissance crée aussi l'espérance, un cycle qui rend les sociétés 
	plus instables et plus revendicatives, précisément parce que la situation 
	s'améliore, mais pas assez vite au gré de chacun. Ce que Confucius, il y a 
	vingt-cinq siècles, avait exprimé à sa façon : "Seules les sociétés de 
	pénurie sont stables, écrivait-il, parce que les conditions y sont 
	égales". Bien que Mohamed Bouazizi ne soit pas chinois, la répression 
	est devenue plus lourde que jamais : Internet est censuré, toutes les 
	connexions étrangement ralenties. Les peines de prison s'abattent sur les 
	intellectuels dissidents, onze ans en moyenne ; des avocats disparaissent, 
	volatilisés. Des meneurs paysans ou ouvriers, à la première jacquerie ou 
	esquisse de grève, sont expédiés par la police dans des centres de 
	rééducation par le travail, pour trois ans. Liu Xia, épouse du Prix Nobel 
	Liu Xiaobo, n'a pas été revue depuis janvier ; la femme du militant 
	démocrate Hu Jia, également incarcéré, est confinée à son domicile. Cette révolution générale se produira tout de même, estime Liu Jiming, parce que le Parti communiste ne perdure que grâce à l'argent : si d'aventure, et cela arrivera tôt ou tard, la croissance ralentissait, le Parti ne pourrait plus contrôler la police, l'armée, et tous les apparatchiks et féodaux, dont l'allégeance au régime n'est que financière. On en est conscient au Comité central : les dirigeants communistes sont bien renseignés sur la société chinoise, contrairement aux dirigeants arabes sur la leur. Les dirigeants savent que le peuple ne les aime guère, mais qu'il les craint. Comment alors reconstruire une légitimité politique dans l'hypothèse où 
	l'économie ralentirait ? Au marxisme, nul n'adhère : il n'est enseigné dans 
	les écoles et les universités que comme un catéchisme obligatoire et 
	desséché. Il reste Confucius, père de toute morale, apôtre du respect de 
	l'autorité et de l'ordre social. A Confucius donc, une statue vient d'être 
	érigée, cette année, Place Tian Anmen, à deux pas du tombeau de Mao Zedong. 
	Et pour l'exportation, tous les centres culturels chinois ont été rebaptisés 
	Instituts Confucius. De fait, Confucius, ou plus exactement la vulgate 
	superficielle qui a remplacé ses écrits complexes, fait l'unanimité des 
	Chinois : mais on doutera que le peuple confonde dans une même allégeance le 
	confucianisme et les princes communistes. Liu Jiming ajoute qu'il convient 
	aussi que le peuple ne lise pas trop attentivement Confucius, car sa 
	critique de la corruption des dirigeants et de l'injustice sociale pourrait 
	ébranler les apparatchiks actuels. Le rôle des intellectuels est de préparer les institutions de rechange, 
	la société civile, la Confédération des provinces, les institutions 
	démocratiques qui prendraient le relais pour qu'à la dictature succède la 
	démocratie et pas le chaos ni une autre tyrannie. Aux Occidentaux et aux 
	Européens en particulier, ces démocrates chinois demandent donc une 
	participation à caractère méthodologique : comment construire la démocratie, 
	sachant que les Chinois savent parfaitement de quoi il s'agit, mais que le 
	chemin qui y mènerait n'est pas encore tracé. C'est en termes diplomatiques, 
	ce que laissait entendre Nicolas Sarkozy, le 30 mars, en inaugurant la 
	nouvelle ambassade de France à Pékin : la France et la Chine ne sont pas 
	d'accord sur tout et l'important est d'en discuter. 
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