Séisme : le Japon a bien résisté, mais le 
                            
	nucléaire inquiète ! 
	 
	En 1923, le tremblement de terre de Tokyo fit cent mille morts et la 
	capitale disparut dans les flammes. En 1995, on déplora six mille victimes à 
	Kobe. Et un millier sans doute à Sendai, le 11 mars dernier, pour la plupart 
	noyés par le tsunami qui a balayé la côte à la suite du séisme.
	Le drame humain est donc considérable, mais l’évolution du nombre des 
	victimes au cours du siècle démontre les progrès accomplis dans la société 
	japonaise pour contenir les pires désastres de la Nature. Depuis le séisme 
	de Kobe en particulier, les codes et techniques de construction au Japon ont 
	considérablement évolué : la plupart des bâtiments de Sendai ont résisté à 
	la secousse la plus grave jamais enregistrée dans l’histoire du Japon.  
	 
	Aux normes techniques s’ajoute la préparation psychologique : dés leur plus 
	jeune âge, les enfants japonais apprennent à se comporter convenablement en 
	cas de catastrophe, à la fois au plan humain et de manière opérationnelle. 
	La civilisation japonaise contribue aussi à contenir les dégâts : Sendai 
	n’est pas Port au Prince, aucune scène de pillage, aucun désordre n’ont 
	suivi le séisme. La population s’est immédiatement mise à l’œuvre pour 
	secourir les victimes et déblayer sans attendre ni la police ni l’armée. 
	 
	Dans le reste du Japon, l’activité économique n’a été interrompue que 
	quelques heures : le centre industriel du pays, entre Nagoya et Osaka, se 
	trouve il est vrai à deux cent kilomètres plus au sud et toutes les usines 
	sont équipées pour résister à des chocs majeurs. Les exportations 
	d’automobiles et de composants industriels auront été suspendues moins d’une 
	journée. L’économie japonaise qui croît lentement mais qui croît tout de 
	même, avec des productions de plus en plus sophistiquées, ne devrait donc 
	pas être affectée par le séisme : on peut même envisager que la 
	reconstruction de Sendai suscitera un supplément de croissance pendant deux 
	ans comme cela avait été le cas après la destruction et reconstruction de 
	Kobe. 
	 
	Cette renaissance de Sendai sera financée par des investisseurs privés qui 
	vendront des valeurs étrangères (type bons du Trésor des Etats-Unis) de 
	manière à rapatrier des yens : le cours du yen devrait donc monter dans les 
	semaines qui viennent. Les exportateurs japonais devraient en souffrir, mais 
	fort peu car les composants japonais, pour la plupart, sont irremplaçables, 
	quel que soit leur prix (impossible de fabriquer où que ce soit dans le 
	monde un téléphone portable sans composant japonais).  
	L’autre source de financement pour reconstruire Sendai sera évidemment 
	publique, au risque d’aggraver la dette de l’Etat qui atteint déjà le niveau 
	record de deux ans de production nationale. Mais cette dette étant pour 
	l’instant financée par les épargnants japonais, il ne sera pas nécessaire 
	pour l’Etat d’emprunter sur le marché mondial. Les taux d’intérêt sur le 
	marché mondial ne devraient donc pas être trop affectés. Dans le pire des 
	cas, le gouvernement japonais devra augmenter les impôts intérieurs, en 
	particulier la taxe sur la consommation qui est pour l’instant très basse 
	(de l’ordre de 5%). 
	 
	La principale incertitude causée par le séisme porte sur le programme 
	nucléaire. Le Japon, qui ne dispose d’aucune ressource énergétique 
	naturelle, a depuis longtemps, comme la France, adopté le nucléaire : un 
	tiers de l’électricité domestique est produite par des centrales de modèle 
	ancien (Westinghouse-Toshiba), qui jusqu’à présent avaient toujours résisté 
	aux chocs sismiques. Une nouvelle centrale nucléaire est mise en route tous 
	les deux ans au Japon, ce qui confère à la Compagnie nationale d’électricité 
	un avantage comparatif sur le marché mondial en un temps où les Etats-Unis 
	et l’Inde en particulier, s’intéressent de nouveau à l’énergie nucléaire.
	 
	Mais deux centrales de la préfecture de Fukushima, proche de Sendai, ont 
	cette fois-ci souffert du séisme : des gaz toxiques ont été lâchés dans 
	l’atmosphère et des ouvriers des centrales ont été irradiés. Les risques 
	sanitaire semblent limités, ce n’est pas Tchernobyl. Il n’empêche que le 
	programme nucléaire japonais va se trouver singulièrement ralenti : les 
	adversaires du nucléaire au Japon, et plus encore en dehors, vont invoquer 
	le spectre de Fukushima ( Greenpeace demande, en France , l'arrêt de toutes 
	les centrales...). Les grands bénéficiaires économiques de ce séisme 
	pourraient bien être les producteurs de gaz naturel et de pétrole . Comme on 
	dit au Japon : « Shikata ga nai », c’est ainsi.  
	Guy Sorman 
	 
	 
	
	 
	 
	  
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