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3/9/10 | Irwin Stelzer |
Le gouvernement français croit-il vraiment à
ses propres prévisions économiques ? Avec la fin des vacances d'été et la rentrée politique, c'est le bon moment pour vérifier la réalité des prévisions économiques du gouvernement français. Le ministre des Finances, Christine Lagarde, prédit qu’avec une croissance de 2% l'an prochain, le déficit budgétaire sera réduit de 8 à 6% du PIB. La base de son optimisme n'est pas claire. Le plan de la France est de préserver son triple A, qui est menacé par les agences de notation, en réduisant son déficit à 6% l'an prochain et à 3% d'ici 2013. Ce plan exige des mesures d'austérité qui ne sont nullement garanties, d’autant qu’en 2012 aura lieu une élection présidentielle. Cette cure d’austérité devrait faire perdre 0,4% de croissance dès l'an prochain. Si on ajoute à ce tableau l'effet modérateur sur les exportations françaises du ralentissement de la croissance en Chine et en Amérique, la croissance française ne devrait pas excéder un rythme annuel de 1% selon Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis. Si l’on ajoute à cela qu’au cours des douze dernières années, la France n'a pu atteindre 2% de croissance, et que l'Organisation, basée à Paris, pour la coopération économique et le développement (OCDE) a noté que ce pays "a de mauvais antécédents dans la réalisation de ses objectifs de déficit budgétaire", on peut se demander si le gouvernement français croit réellement à ses prévisions… Pourtant, l'optimisme de Mme Lagarde est plus facile à comprendre que celui du président Nicolas Sarkozy qui se félicite d’avoir trouvé le parfait substitut au capitalisme anglo-saxon. M. Sarkozy trompette sans relâche le modèle français d'intervention étatique comme une alternative crédible au «néolibéralisme anglo-saxon ». The Economist Intelligence Unit (EIU) note que M. Sarkozy continue d’établir et de préserver des champions nationaux, et de promouvoir des fusions "franco-françaises" pour empêcher les étrangers d'acquérir des entreprises françaises. Il a annoncé que quand il prendra la présidence du G20 en novembre, il poursuivra ses efforts visant à réduire le rôle du dollar comme monnaie de réserve du monde, à travers une plus grande intervention sur les marchés monétaires. L'ancien président Valéry Giscard d'Estaing m'a dit que les Américains sont gouvernés par la «loi de la jungle». M. Sarkozy se considère volontiers le président dompteur. M. Giscard d'Estaing avait dit une fois que "la loi de la jungle» serait civilisée par un dompteur d’animaux français. Considérons les données à peu près comparables et disponibles auprès d'Eurostat et du Congressional Budget Office. Au cours des douze dernières année, le taux de chômage en France a été, en moyenne, de 9,15% sur cette période, mais il n’est jamais tombé en dessous de 7,8%. Au cours de cette même période, le taux de chômage aux États-Unis a été en moyenne de 5,35%, et il n’a jamais atteint, ne serait-ce qu’une fois, le niveau moyen français. Les critiques françaises accusent l'Amérique de racisme, mais les taux de chômage des autochtones et des travailleurs immigrés en Amérique sont assez proches les uns des autres, tandis qu'en France le taux de chômage du travailleur immigré est 1,7 fois supérieur à celui du Français de souche. Puis il y a ces déficits budgétaires de plus en plus problématiques. Au cours des dix dernières années pour lesquelles des données sont disponibles, le déficit budgétaire de la France a été, en moyenne, égal à 3,25% du PIB, tandis que celui de l'Amérique est, en moyenne, de 2,05%, en incluant le déficit de 9,9% du président Barack Hussein Obama pour l’année 2009. Enfin, si l’on considère que le PIB par habitant en Amérique est d'environ 40% plus élevé qu'il ne l'est en France, et que «la performance économique de la France s'est détériorée au cours des dernières décennies par rapport à celles de beaucoup de ses partenaires européens», selon l'EIU, on se demande pourquoi M. Sarkozy veut exporter son modèle de taux de chômage élevé, de croissance faible et de déficit aux citoyens innocents d'autres pays. Parce que son système de protection sociale est très défavorable à l’emploi, la France a l'un des plus bas taux de participation sur le marché du travail en Europe, et ses travailleurs travaillent moins que dans n'importe quel pays développé en dehors de la Scandinavie. Moins d'heures de travail et un vieillissement de la population sont une combinaison qui menace la solvabilité de l'État providence français. Les faibles perspectives de l'économie française ont des implications importantes pour la zone euro. Elles renforcent le protectionnisme des autorités françaises. On en a la preuve avec ses efforts continus pour diminuer la compétitivité de ses partenaires commerciaux plutôt que d'augmenter la sienne. La décision britannique d'augmenter la TVA et l'impôt sur le revenu est largement applaudie par la bureaucratie française, et la plus grande compétitivité de l'Allemagne est rejetée en raison d’une parcimonie excessive et d’un système de coopération patronale-syndicale qui neutralise les syndicats. Cette cogestion empêche, bien sûr, le genre de grèves qui, périodiquement, étouffent l'économie française : la France a eu cinq fois plus de journées de grève que l'Allemagne en 2007, dernière année pour laquelle la France a assuré la diffusion de ses statistiques. L'économie allemande croît beaucoup plus vite que l’économie française. Ce n’est pas surprenant car un dirigeant politique français m'a expliqué que l'accent doit être mis sur la redistribution du gâteau existant et non pas sur la croissance de la tarte : une recette qui réalisera difficilement les attentes de Mme Lagarde. Dans ce cas, c’est toute la zone euro qui sera perdante, et M. Sarkozy aura bien du mal à vendre son alternative au «néolibéralisme» et à la cogestion allemande. Irwin Stelzer
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