L’aveuglement suicidaire
face à l’islamisme !
L’Europe compte environ seize millions de musulmans dont la plupart vivent
en France (quatre à six millions), en Allemagne (quatre millions), en Grande
Bretagne (deux millions)
La majorité silencieuse ne fait guère parler d’elle. Elle n’est pas
pratiquante (seuls 10% des musulmans de France vont à la mosquée). Nous
avons tous des proches, de religion ou de tradition musulmane, qui ne
demandent qu’à vivre en paix et en sécurité, élever leurs enfants,
travailler; ils aiment la France , la reconnaissent comme leur patrie,
veulent avoir le droit de croire ou de ne pas croire, sont les premiers à
admettre que la France a l’essentiel de ses racines dans les traditions
grecque, latine et judéo-chrétienne.
De nombreux musulmans prennent leur distance avec la lettre du Coran,
dans leur vie de tous les jours. Ils sont ouverts à la liberté individuelle,
au principe de tolérance, aux Lumières et à la modernité, comme peuvent
l’illustrer le livre Les Sept piliers de la Sagesse, le chef d’œuvre de
Lawrence d’Arabie, dont je recommande vivement la lecture, l’œuvre de
Mustapha Kemal ou du commandant Massoud, qui luttait contre la barbarie,
l’obscurantisme, et voyait en de Gaulle son personnage historique de
référence …
Sous les deux guerres mondiales et pendant la guerre d’Algérie, des dizaine
de milliers de nos compatriotes musulmans sont morts pour la France.
Abdelwahab Meddeb, philosophe musulman, l’un des plus fins connaisseurs du
Coran et de ses interprétations, incarne, parmi de nombreux intellectuels,
cet islam ouvert, éclairé, désireux de s’adapter à son époque : « Il
convient de situer la prescription du voile dans une société phallocratique,
misogyne, construite sur la séparation des sexes, sur une hiérarchie des
genres, considérant que les femmes excitent plus le désir que les hommes. Il
faut donc constater au commencement que la prescription qui impose le voile
aux femmes émane de la société en laquelle est né l’islam il y a quinze
siècles, une société patriarcale et endogame – qui encourage le mariage de
proximité, entre cousins – où prévaut en outre l’obsession de la généalogie,
où la sexualité est indissociable de la filiation. » (Le Monde, 11
octobre 2009).
Depuis une trentaine d’année, cet islam modéré est en recul, il est même
menacé dans de nombreuses régions du monde. Jusqu’aux années quatre-vingts,
l’islam en Turquie, en Egypte, en Algérie, au Maroc, en Tunisie, au Sénégal,
se passait aisément du voile islamique. Dans ces pays, les religions ont
longtemps vécu en harmonie. On voit bien que les tensions montent, les
populations non musulmanes, en particulier chrétiennes, sont de plus en plus
souvent victimes d’exactions et de massacres épouvantables. Le drame de
l’islam contemporain vient de sa confiscation par des groupes, encore
marginaux en Europe, de sa subversion en idéologie antioccidentale,
archaïque, et intolérante, héritière à cet égard des idéologies totalitaires
du XXème siècle. La religion est utilisée par quelques-uns comme une
idéologie, c’est-à-dire un instrument de conquête du pouvoir, une arme de
revanche.
La radicalisation d’une partie de l’islam européen se manifeste par des
provocations, à l’image du port de la burqa ou de toute autre attitude
prosélyte, qui expriment le rejet des valeurs occidentales, notamment du
principe d’égalité entre les hommes et les femmes. On observe à l’évidence
un durcissement des prédications et une montée du discours islamiste. Le
mouvement prêche un islam rigoriste, attire un nombre croissant de fidèles
et prend le contrôle de certaines salles de prière. Cette petite minorité
est évidemment la plus apparente, celle qui s’exprime publiquement, d’où le
risque de généralisation. Plus que le nombre, c’est le progrès de cette
tendance dans une partie des jeunes générations issues de l’islam, et la
montée aux extrêmes qui constituent une menace pour la stabilité des
sociétés européennes, même si elle reste minoritaire.
Les prêches, dans un petit nombre de mosquées, se focalisent sur un
discours de révolte et d’appel au djihad. L’Occident y apparaît comme
l’ennemi suprême, les juifs sont vilipendés tout comme les chrétiens ou les
« croisés ». Les femmes y sont, honteusement, traitées comme des êtres
inférieurs aux hommes, on y prêche la supériorité du Coran sur la
Constitution française et sur les lois de la République. Les signes de
prosélytisme se multiplient, à l’image du port du voile ou de la burqa, ou à
travers des revendications identitaires ou communautaristes concernant le
rejet de la mixité à l’hôpital, à l’école, dans les piscines…
Chaque recul, chaque concession est une défaite de la République, une petite
débâcle qui pourrait se transformer en grande catastrophe… Si nous cédons,
les premières victimes seront d’ailleurs les musulmans de la majorité
silencieuse, notamment les femmes. C’est pourquoi il est tellement
fondamental de réaffirmer le principe de laïcité, qui s’impose dans tous les
aspects de la vie sociale, par delà les polémiques, comme une condition de
survie pour la communauté nationale. Les partisans de solutions
communautaristes, ou de « l’accommodement raisonnable », comme disent les
Canadiens, qui permettent l’application de la loi islamique dans certains
litiges privés, font preuve d’une sorte d’aveuglement suicidaire.
Les textes sacrés donnent toujours lieu à des interprétations plus ou moins
archaïques ou modernistes, à un suivi plus ou moins proche de la lettre. Ce
qui compte avant tout, c’est la réalité des hommes, avec leurs passions,
leurs folies, leurs ambitions et la manière dont ils font usage de ces
textes, consciemment ou inconsciemment, à des fins de pouvoir. La religion
musulmane est ainsi exploitée par des idéologues dans un but de domination,
de manipulation, comme l’ont été par le passé nombre de croyances et de
belles idées généreuses. Derrière tout fanatisme se cache une volonté de
puissance. Voilà ce qu’il faut combattre, sans se tromper de cible.
L’essentiel aujourd’hui serait que nos amis musulmans modérés prennent la
parole, comme ils commencent d’ailleurs à le faire à travers certains
mouvements associatifs, et qu’ils rejettent clairement la tentation du
fondamentalisme.
Enfin, comme me l’a fait justement remarquer l’une de mes lectrices, le
fanatisme, l’intolérance, l’esprit d’inquisition ne sont pas le propre de la
religion. Il suffit de voir, en ce moment, comment la chasse aux sorcières
politico-médiatique se déchaîne pour toute parole publique s’éloignant un
tant soit peu du politiquement correct, comment les bûchers se rallument,
pour comprendre que nous sommes en pleine phase de banalisation de
l’intolérance, du fanatisme et de la soif de lynchage.
Maxime Tandonnet
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