La société du lynchage !
Samedi dernier, un jeune homme de dix-neuf ans s’est fait lyncher à la gare
RER de Noisy-le-Sec par une dizaine de voyous, pour des raisons débiles et
criminelles sur lesquelles les chercheurs se passionnent depuis deux jours.
Le mode opératoire est désormais bien connu: à dix ou douze, on s’en prend à
un individu isolé, on le jette par terre et on le roue de coups de pieds
jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Le garçon est dans le coma, entre la
vie et la mort. La veille, c’est une adolescente de quatorze ans qui était
passée à tabac dans le parc de Sceau. Ce genre d’agression souvent sans
véritable mobile, ni pécuniaire, ni sexuel, semble se banaliser.
Le lynchage s’impose aujourd’hui comme une sorte de phénomène à la mode. Il
ne se réduit d’ailleurs pas à des actes de violence physique. Reflet d’un
certain état d’esprit, d’un air du temps, il s’exprime dans la vie
politico-médiatique à travers la sinistre habitude de prendre en chasse
telle ou telle personnalité coupable de « dérapage verbal » ou de propos
non-conformistes, à contre-courant de la pensée unique. D’un seul coup, les
médias, la presse, les politiques vertueux se déchaînent, lui tombent dessus
et s’acharnent sur son compte pendant plusieurs jours. Est-il besoin de
donner des exemples, des noms ?
Il existe même un lynchage ludique, expression d’une férocité « soft
», molle, qui s’observe dans les émissions de téléréalité où l’on invite le
spectateur à voter en jubilant pour éliminer au fil du jeu les candidats qui
lui déplaisent.
Ces faits sont sans aucun rapport pensez-vous ? Je verse, moi aussi, dans
l’amalgame, dites-vous ? Mais non, car je vois dans ces phénomènes une même
expression de plusieurs travers détestables de notre société :
- une banalisation de la méchanceté, voire de la barbarie : on cogne à
l’aveuglette, sans le moindre scrupule, dans la plus totale indifférence
envers le sort de la victime ou de ses proches, sinon dans la joie de la
voir souffrir ;
- une généralisation de la lâcheté, car les agresseurs chassent toujours en
meute, et s’en prennent à un individu seul, une personne isolée ; excusez
moi, mais la chasse à courre est une activité qui personnellement m’a
toujours révulsé…
- une montée de la haine, de l’intolérance, de la mesquinerie, de la bêtise
en un mot, du refus d’accepter autrui, sa présence dans telle ou telle gare
ou cité, ou bien la différence d’opinion qu’il exprime, à travers la
diabolisation de la parole politiquement incorrecte.
Bref, une lourde, une terrible régression…
Maxime Tandonnet
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