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5/1/11 | Claude Reichman |
Nous sommes tous des passagers du Strasbourg-Port-Bou ! Si l’équipée du train Strasbourg-Port-Bou a tant marqué les esprits, c’est que chacun y a vu une représentation du drame français. Car à s’en tenir à l’évènement lui-même, pour très désagréable qu’il ait pu être pour les 600 passagers de ce train qui ont mis plus de 24 heures à arriver à destination, il n’a rien de comparable avec les tragiques faits divers qui émaillent l’actualité et dans lesquels la barbarie et la mort sont de plus en plus présentes. Ce train qui accumule les pépins, qui tombe en panne à plusieurs reprises, qui se retrouve sans conducteur, et dans lequel les passagers ne trouvent aucun élément minimal de confort, c’est bien l’image de ce qu’est devenue la France : un pays qui ne fonctionne plus normalement. Bien entendu, ceux qui, comme nous, dénoncent depuis de longues années la mal-gouvernance française, marquée par le poids sans cesse alourdi de l’Etat, des collectivités territoriales et des régimes sociaux, ne sont nullement surpris. En revanche, les 600 passagers du Strasbourg-Port-Bou sont tombés des nues, comme vont le faire leurs 64 millions de compatriotes quand ils découvriront l’étendue du mal dont souffre notre pays. A vrai dire, ils s’en doutent déjà un peu, et c’est ce qui explique leur pessimisme, supérieur même à celui des habitants d’Etats en guerre. Ceux-ci peuvent au moins espérer qu’un jour la paix viendra. Les Français, eux, n’espèrent plus rien. La raison de ce qu’il faut bien appeler un désespoir est en réalité fort simple : la France est atteinte d’impuissance publique. Les Français savent fort bien que les efforts individuels ne servent à rien s’il n’y a pas un minimum de discipline collective. Celle-ci ne peut venir que de l’Etat, dont c’est le seul rôle indiscutable. Or l’Etat, en France, est aux mains de politiciens incapables et souvent corrompus. Non pas forcément par l’argent, mais par le pouvoir. « Quand les gens ont le pouvoir, ils ne veulent pas le perdre, dit Aung San Suu Kyi, l’icône des démocrates birmans. Cette peur de perdre les corrompt. Cela amène à des comportements injustes parce qu’ils se cramponnent au pouvoir. » Les politiciens français n’ont pas d’autre idée en tête que de prendre le pouvoir ou de le conserver. Ils ont fait un métier de ce qui devrait être une mission, voire un sacerdoce. Et tous – oui, tous – sont aujourd’hui disqualifiés aux yeux des citoyens. De quelque côté que les Français se tournent, ils ne voient poindre aucune lueur de renouveau. Nous n’avons plus de héros en réserve de la République, et ceux qui, savants, philosophes, grands médecins, capitaines d’industrie, pourraient incarner une alternative crédible, sont tous peu ou prou compromis avec le pouvoir, qui pour la présidence d’une commission, qui pour une décoration, qui pour un appui à un membre de sa famille. L’Etat s’est emparé de tout, régente tout, corrompt tout. Alors c’est en dehors de l’Etat qu’il faut chercher le salut. Chez ceux qui ne vivent que de leur travail et qui font vivre tout le monde : les entreprenants. Ils sont 3 millions, auxquels on peut ajouter les 30 % de salariés qui rêvent de créer leur entreprise. En comptant leurs proches et leurs collaborateurs, cela représente au bas mot 10 millions de personnes. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, ce groupe social n’a jamais été réuni, alors qu’il a la même vision de la société, fondée sur le travail et le mérite, et une revendication commune : que l’Etat, par ses impôts, ses charges et ses règlements, ne l’empêche pas de travailler et de créer de la richesse pour toute la société. Il y a là un vivier d’énergie, d’esprit d’entreprise et de patriotisme qui peut donner à la France le nouveau corps politique qui assurera son redressement. Il leur suffit d’abandonner leur individualisme (qui est certes la contrepartie de leurs qualités, mais qui, en la circonstance, est nuisible), et d’accepter l’idée qu’ils doivent se regrouper. Le pas qu’ils feront dans ce sens sera décisif, car à cette seule nouvelle, les murs de Jéricho s’effondreront, tant ils sont pourris par la lèpre étatique. Telle est la raison de notre appel aux entreprenants, et tel est l’enjeu de cette initiative. Ne perdons pas de temps : à son prochain voyage, le Strasbourg-Port-Bou ira s’écraser au fond d’un ravin ! Claude Reichman
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