Sauras-tu passer le tradéridéra ?
Chacun connaît le jeu du tradéridéra. Il s’agit de s’asseoir en groupe
autour d’une table et de se passer un verre tout en chantant « sauras-tu
passer le tradéridéra, ceci sans se tromper ». Le participant qui se trompe
doit boire un coup. A la fin du jeu tout le monde est pompette.
C’est à ce divertissement que se livre actuellement tout ce qui réfléchit
en France. Je parle évidemment de ceux qui ont le droit de faire part de
leurs réflexions au public, c’est-à-dire de la classe parlante, composée de
politiciens, de syndicalistes, d’universitaires de gauche et de
journalistes. Toute autre personne est réputée n’avoir pas d’idées et si
elle en a, priée de les garder pour elle.
Face à la déroute des finances publiques de la France, la classe parlante
a entrepris de chercher des solutions. Celles qu’elle a jusqu’à présent
imaginées consistent à faire passer la charge d’un groupe à un autre. La TVA
dite sociale reviendrait à transférer au consommateur le coût d’une partie
des dépenses de santé. L’augmentation de la CSG pèserait essentiellement sur
les retraités et les revenus de placement pour soulager les entreprises
(lesquelles ont par ailleurs à supporter d’ores et déjà une bonne quinzaine
de milliards d’impôts supplémentaires).
Mais ce que ce grands esprits réunis n’ont pas compris, c’est que
lorsqu’une dépense est devenue trop lourde pour les finances d’un pays, il
est vain de chercher à se la refiler les uns aux autres : ce qu’il faut,
c’est la réduire.
C’est d’autant plus vrai que les victimes désignées du mistigri ont
toutes plusieurs statuts. Le salarié est aussi un consommateur, et si sa
rémunération est allégée de certaines charges au profit de l’entreprise, il
en paiera le prix chaque fois qu’il achètera quelque chose dans un commerce,
ce qui réduira les volumes vendus, diminuera les recettes fiscales et
augmentera le déficit. Le retraité, pour sa part, est aussi, s’il est un peu
aisé, un épargnant et un investisseur, au profit notamment de l’Etat, auquel
il prête de l’argent par le biais de l’assurance-vie, ou du logement social,
par le biais de la caisse d’épargne. Privé d’une partie de ces subsides à
bon compte, l’Etat devra s’adresser encore plus aux prêteurs étrangers et à
des taux plus élevés, ce qui là encore augmentera le déficit. Et ainsi de
suite …
Pour réduire la dépense, il n’y a que deux moyens : la meilleure gestion
et la mise en concurrence des intervenants, ces deux moyens étant d’ailleurs
complémentaires l’un de l’autre. Comme il n’est nullement question, dans les
débats de la classe parlante, de réduire les dépenses ni de mettre en
concurrence les organismes qui les suscitent, nos grands penseurs n’ont plus
qu’à jouer au tradéridéra, ce qu’ils font avec un plaisir que décuple le
sentiment de leur importance. Et bien entendu, c’est le peuple qui est
pompette et sombre dans la mélancolie d’après-boire, alors qu’il n’a même
pas été invité à boire un coup.
J’ai eu récemment l’occasion de participer à un débat télévisé sur le
thème « A-t-on besoin de fonctionnaires ? ». Face à des représentants de ces
derniers, je me suis contenté de poser quelques simples questions sur les
différents métiers qu’ils exercent. Mes propres réponses étaient que la
quasi-totalité de ces métiers sont aussi pratiqués avec des statuts privés.
C’est ainsi qu’il n’est pas nécessaire d’être fonctionnaire pour être
enseignant, médecin, infirmière, employé d’une collectivité territoriale …
Il en résulte que 90 % des fonctionnaires devraient passer sous statut privé
et que cela diminuerait fortement les dépenses publiques.
De même, pour la protection sociale, qui n’est rien d’autre - à
l’exception des allocations familiales - qu’un système d’assurance et qui
d’ailleurs en porte le nom (assurance maladie, assurance vieillesse,
assurance chômage), il convient de passer d’une organisation étatique et
monopolistique ruineuse à un système concurrentiel, comme le prévoient les
lois votées depuis plus de dix ans et laissées inappliquées afin de
maintenir « la tyrannie du statu quo ».
Il n’est pas sans intérêt à cet égard d’observer qu’en Allemagne, où
cette concurrence existe, les caisses d’assurance maladie ont un excédent de
21,8 milliards d’euros, tandis qu’en France le déficit de la Sécurité
sociale continue allègrement sa sarabande et que sa dette atteint 150
milliards !
Pourquoi se fatiguer à faire cette démonstration puisque le pouvoir - en
toutes ses composantes, c’est-à-dire opposition comprise - ne veut pour rien
au monde de ces mesures ? Tout simplement pour démontrer de manière
irréfutable que la seule solution, si la France veut s’en sortir, consiste à
changer de pouvoir. Il ne reste plus à ceux qui en sont convaincus qu’à
passer à l’acte !
Claude Reichman
Porte-parole de la Révolution bleue.
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