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15/9/12 | Claude Reichman |
Sauras-tu passer le tradéridéra ? Chacun connaît le jeu du tradéridéra. Il s’agit de s’asseoir en groupe autour d’une table et de se passer un verre tout en chantant « sauras-tu passer le tradéridéra, ceci sans se tromper ». Le participant qui se trompe doit boire un coup. A la fin du jeu tout le monde est pompette. C’est à ce divertissement que se livre actuellement tout ce qui réfléchit en France. Je parle évidemment de ceux qui ont le droit de faire part de leurs réflexions au public, c’est-à-dire de la classe parlante, composée de politiciens, de syndicalistes, d’universitaires de gauche et de journalistes. Toute autre personne est réputée n’avoir pas d’idées et si elle en a, priée de les garder pour elle. Face à la déroute des finances publiques de la France, la classe parlante a entrepris de chercher des solutions. Celles qu’elle a jusqu’à présent imaginées consistent à faire passer la charge d’un groupe à un autre. La TVA dite sociale reviendrait à transférer au consommateur le coût d’une partie des dépenses de santé. L’augmentation de la CSG pèserait essentiellement sur les retraités et les revenus de placement pour soulager les entreprises (lesquelles ont par ailleurs à supporter d’ores et déjà une bonne quinzaine de milliards d’impôts supplémentaires). Mais ce que ce grands esprits réunis n’ont pas compris, c’est que lorsqu’une dépense est devenue trop lourde pour les finances d’un pays, il est vain de chercher à se la refiler les uns aux autres : ce qu’il faut, c’est la réduire. C’est d’autant plus vrai que les victimes désignées du mistigri ont toutes plusieurs statuts. Le salarié est aussi un consommateur, et si sa rémunération est allégée de certaines charges au profit de l’entreprise, il en paiera le prix chaque fois qu’il achètera quelque chose dans un commerce, ce qui réduira les volumes vendus, diminuera les recettes fiscales et augmentera le déficit. Le retraité, pour sa part, est aussi, s’il est un peu aisé, un épargnant et un investisseur, au profit notamment de l’Etat, auquel il prête de l’argent par le biais de l’assurance-vie, ou du logement social, par le biais de la caisse d’épargne. Privé d’une partie de ces subsides à bon compte, l’Etat devra s’adresser encore plus aux prêteurs étrangers et à des taux plus élevés, ce qui là encore augmentera le déficit. Et ainsi de suite … Pour réduire la dépense, il n’y a que deux moyens : la meilleure gestion et la mise en concurrence des intervenants, ces deux moyens étant d’ailleurs complémentaires l’un de l’autre. Comme il n’est nullement question, dans les débats de la classe parlante, de réduire les dépenses ni de mettre en concurrence les organismes qui les suscitent, nos grands penseurs n’ont plus qu’à jouer au tradéridéra, ce qu’ils font avec un plaisir que décuple le sentiment de leur importance. Et bien entendu, c’est le peuple qui est pompette et sombre dans la mélancolie d’après-boire, alors qu’il n’a même pas été invité à boire un coup. J’ai eu récemment l’occasion de participer à un débat télévisé sur le thème « A-t-on besoin de fonctionnaires ? ». Face à des représentants de ces derniers, je me suis contenté de poser quelques simples questions sur les différents métiers qu’ils exercent. Mes propres réponses étaient que la quasi-totalité de ces métiers sont aussi pratiqués avec des statuts privés. C’est ainsi qu’il n’est pas nécessaire d’être fonctionnaire pour être enseignant, médecin, infirmière, employé d’une collectivité territoriale … Il en résulte que 90 % des fonctionnaires devraient passer sous statut privé et que cela diminuerait fortement les dépenses publiques. De même, pour la protection sociale, qui n’est rien d’autre - à l’exception des allocations familiales - qu’un système d’assurance et qui d’ailleurs en porte le nom (assurance maladie, assurance vieillesse, assurance chômage), il convient de passer d’une organisation étatique et monopolistique ruineuse à un système concurrentiel, comme le prévoient les lois votées depuis plus de dix ans et laissées inappliquées afin de maintenir « la tyrannie du statu quo ». Il n’est pas sans intérêt à cet égard d’observer qu’en Allemagne, où cette concurrence existe, les caisses d’assurance maladie ont un excédent de 21,8 milliards d’euros, tandis qu’en France le déficit de la Sécurité sociale continue allègrement sa sarabande et que sa dette atteint 150 milliards ! Pourquoi se fatiguer à faire cette démonstration puisque le pouvoir - en toutes ses composantes, c’est-à-dire opposition comprise - ne veut pour rien au monde de ces mesures ? Tout simplement pour démontrer de manière irréfutable que la seule solution, si la France veut s’en sortir, consiste à changer de pouvoir. Il ne reste plus à ceux qui en sont convaincus qu’à passer à l’acte ! Claude Reichman
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