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17/2/09 Jean-Louis Caccomo

L’Etat- providence est à l’agonie

D’aucuns considèrent que le capitalisme agonise. Pourtant, le capitalisme n’agonise pas, il se transforme, car c’est dans sa nature d’innover et d’évoluer. Le capitalisme existe depuis que les hommes existent, et il est dans la nature des hommes d’entreprendre avec plus ou moins de bonheur, d’apprendre et d’évoluer [1]. C’est le moteur de la croissance et la croissance est source de développement.

Par contre, quel est le point commun avec les mouvements à l’université, dans les milieux hospitaliers, dans les tribunaux ou dans les D.O.M. ? C’est l’Etat centralisateur qui prétend tout réguler de Paris alors qu’il n’a plus les moyens de ses ambitions. Et les moyens sont rapidement limités quand les ambitions sont démesurées. La sagesse commande d’ajuster les ambitions aux moyens disponibles et non l’inverse. Ajuster les ambitions dans le domaine qui nous intéresse ici, c’est savoir limiter le périmètre de l’Etat en appliquant un principe né de la philosophie des Lumières : le principe de subsidiarité.

C’est donc bien l’Etat-providence qui est à l’agonie. Dans chaque secteur emporté par la tourmente des révoltes et des mécontentements, les mêmes causes engendrent les mêmes effets. Et l’on ne voit pas très bien comment sortir de cette spirale infernale dont la seule issue est la faillite.

Car si les motifs de mécontentement et les revendications sont légitimes, les moyens d’action sont inefficaces, contribuant à accentuer encore la source des problèmes. Dans chaque cas, les manifestants critiquent l’Etat et ne sont pas d’accord avec la politique du gouvernement dont la fonction légitime est de conduire la politique de l’Etat. Mais, dans leur colère, ils se retournent vers qui ? Vers l’Etat !

Il semble que les gens ne parviennent pas à comprendre que l’Etat n’a pas de ressources propres. Il constitue une vaste machine à opérer des transferts. Autant le marché nous incite - et nous oblige - à vivre au service des autres puisque un actif tire son revenu de sa capacité à rendre des services à autrui, autant l’Etat-providence nous incite à vivre aux dépens des autres puisque les minorités les plus actives se serviront de la rue pour obtenir de nouvelles ressources publiques pour lesquelles il faudra trouver de nouveaux financements. Pour paraphraser Bastiat, il y a ce que l’on voit (la main faussement généreuse qui distribue) et il y a ce que l’on ne voit pas (la main plus sournoise qui prélève).

Comme l’Etat n’a pas de ressources propres, et que les ressources qu’il tire des prélèvements obligatoires ne suffisent plus à financer le fonctionnement des services publics fondamentaux, ces revendications aboutissent à un accroissement de la pression fiscale indirecte qui retombe en dernière instance sur les ménages eux-mêmes.

Au fur et à mesure que l’Etat prétend aider les gens, il contribue à resserrer l’étau qui les étouffe toujours plus. Personne n’a vu que, dorénavant, pour financer le RSA, les intérêts des livrets d’épargne des familles font l’objet d’un prélèvement à la source supplémentaire, qui s’additionne aux prélèvements sociaux existants. Aucune tirelire n’est à l’abri et cette insécurité de l’épargne n’est pas de nature à mobiliser les capitaux.

Or l’Etat vient en aide aux banques, se porte au secours des constructeurs automobiles, gère et rénove les universités, soutient les D.O.M. ! Plus les missions de l’Etat-providence s’étendent, plus ses moyens se rétrécissent en conséquence, et plus les gens seront insatisfaits et frustrés alors que leur pouvoir d’achat se trouvera amputé par des prélèvements de plus en plus déguisés, destinés à financer cette machine infernale.

C’est à l’agonie d’un modèle centralisateur que l’on assiste. L’Union soviétique ne s’est pas effondrée pour d’autres raisons. Dans tous les grands pays modernes, il appartient à des universités responsables de juger quels étudiants et quels enseignants-chercheurs elles vont recruter, de quelle manière elles vont les motiver pour optimiser les chances de réussite de l’établissement. En France, pareil projet suscite la révolution. Ce qui est terrible au fond, c’est que pareil projet est impensable car l’assistance a généré une société de défiance.

Les mouvements des DOM vont bien au-delà du mécontentement social. Alors que la Martinique et la Guadeloupe bénéficient d’une position privilégiée dans le domaine de l’économie touristique, susceptible de nourrir une prospérité durable et respectueuse de son environnement (un nombre croissant de pays émergents voient leur économie décoller grâce au développement du tourisme), l’Etat français est parvenu à rendre ces territoires totalement dépendants de la métropole, en maintenant des relations de dépendance qui ressemblent à un néocolonialisme de plus en plus mal vécu par les habitants [2].

La multiplication incessante des conflits et leur montée en puissance montrent que notre pays ne parvient pas à entrer dans le monde moderne. Nous nous accrochons à des modèles organisationnels issus de l’économie de guerre. L’Etat providence a tué les sources de la prospérité et il prétend détenir ensuite les clés de la relance économique. On n’accepte rarement d’être soigné par celui qui vous a aussi mis mal en point.

Jean-Louis Caccomo

[1] Caccomo J.L. [2005] L’épopée de l’innovation. Innovation technologique et évolution économique, L’Harmattan, Paris.

[2] Caccomo J.L. [2007] « Analyse économique du secteur touristique : application au cas des DOM » in Comprendre les économies d’outre-mer, sous la direction de Levratto N., L’Harmattan, Paris.


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