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8/11/07 |
Jean-Michel Aphatie : "
L'angoisse gagne !" Climat. Les pêcheurs sont mécontents, les chauffeurs
routiers aussi. Les ambulanciers pourraient s'y mettre, tandis que la
marmite commence à bouillir du côté des universités. Tout cela sur fond de
préparation active d'une grève à la SNCF qui pourrait, à partir de la
semaine, créer de nombreux blocages. Il y a quelque chose d'étonnant dans
cette montée si rapide, si soudaine, des mécontentements. Il y a même
quelque chose de déroutant car pour l'instant, six mois après l'installation
de la nouvelle équipe au pouvoir, rien dans l'action menée ne relève de
cette fameuse rupture tant promise, tant vantée, tant évoquée même dans les
derniers jours. Les réformes à faire, immenses pour faire face à la
compétition internationale, la France les a encore devant elle. Et déjà,
tout paraît se bloquer, se gripper. Il y a là une contradiction qu'il n'est
pas facile d'expliquer. Tentons quand même une hypothèse. Une Nation, les
femmes et les hommes qui la compose, comprend les épreuves qu'elle a devant
elle si une action pédagogique la saisit et l'informe des enjeux. Le temps
de la campagne électorale a été, comme souvent, assez médiocre sur ce plan
là. Le temps d'après aussi. On attend encore un discours présidentiel fort,
car seul le président a cette force, sur la perte constante, inquiétante et
dangereuse, de compétitivité des entreprises. On attend aussi un discours
complet, présidentiel toujours, mettant en perspective les problèmes
financiers de l'État, l'impossibilité dans laquelle il se trouve de
poursuivre sa folle course aux déficits. Rien de tout cela ne vient, l'appel
à l'effort, et surtout l'explication de l'effort nécessaire,
sont sans cesse
différés. Du coup, faute d'explication, c'est l'angoisse qui gagne,
l'angoisse sectorielle, explicable et justifiée, mais d'autant plus forte
qu'il manque un cadre à chacun pour comprendre et accepter. Six mois sont
passés et l'impression qui domine c'est que rien, encore, n'a vraiment
commencé. Bilan. Comme d'habitude, certains trouveront le tableau
trop noir. Ils le diront, l'écriront dans l'espace de commentaires, et c'est
bien ainsi. Mon état d'esprit, cependant, n'est pas au pessimisme. Il ne
s'agit pas, ici, de se lamenter, ou de s'attrister, mais plutôt de décrire,
voire de comprendre. Ce que nous vivons, en France, aujourd'hui, ne procède
pas d'évènements récents mais se rattache au contraire à une histoire
longue, déjà évoquée. Ce pays est déséquilibré, dans sa construction et dans
sa culture, la première découlant de la seconde, au milieu des années
soixante dix. Un choc pétrolier, déjà, révèle l'obsolescence du système
social, c'est-à-dire de la régulation de la vie commune, mis en place dans
l'après guerre. Malheureusement, pour des raisons diverses, qui tiennent à
la fois aux mentalités et aux circonstances, l'adaptation des structures de
la vie sociale aux évolutions du monde se réalisera à dose homéopathique, de
manière ponctuelle et toujours, ou presque toujours, dans une conscience
très relative des enjeux, donc finalement, dans le refus des remises en
cause dont ils sont porteurs. Aujourd'hui, pour s'épargner des épisodes de
la longue séquence, l'histoire se fait plus pressante. Ce vieux pays arrive
au bout du chemin. Il ne sait plus comment financer son double système de
solidarité, devant la maladie et devant le vieillissement. Les ponctions
qu'opèrent l'Etat et l'espace public sur la richesse
nationale, environ 45% du PIB, asphyxient la
créativité et rendent caduc tout espoir de
redistribution collective de la productivité économique. Parce qu'il a été
financé à crédit, tout l'appareil de solidarité, qui comprend les
institutions comme la sécurité sociale ou les services publics qui maillent
le territoire, nous coûte aujourd'hui le double de ce qu'il devrait : une
fois pour le fonctionnement, une fois pour le remboursement. Des boulets,
chaque jour plus lourds, ralentissent et entravent la démarche de la
communauté. D'autres, nos voisins, qui sont aussi nos concurrents, courent
plus vite que nous, ce qui accentue encore notre faiblesse. Sans cesse
différé depuis trente ans, le travail à faire désormais impressionne,
effarouche, brouille les consciences et perturbe les intelligences. Voilà la
raison profonde de la forme de médiocrité que l'on peut constater,
actuellement, en France, sur la scène politique. Ses acteurs ne sont pas
forcément directement responsables de cette médiocrité. Ils en ont hérité,
mais ils la perpétuent aussi, là est leur responsabilité. Comment changer
cet état d'esprit ? Comment quitter la vieille culture ? Comment décrire la
nouvelle et la faire partager ? Cette tâche, qui appartient à ceux qui nous
dirigent, est-elle appréhendée, envisagée, en gestation ? Il serait si
agréable de répondre oui, ce serait un tel soulagement, qu'il vaut mieux, à
cet instant, laisser ouverte la question posée. |