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8/11/07  

Jean-Michel Aphatie : " L'angoisse gagne !"

Une fois encore, nous donnons la parole à Jean-Michel Aphatie, qui, dans son interview matinale sur RTL, ne la donne jamais à ceux qui pensent comme nous …et comme lui. Etrange phénomène vraiment que ces journalistes qui vivent du système et qui lui adressent dans leurs blogs des critiques fondamentales et fort bien ajustées. Dans le texte qui suit, daté du 7/11/07, Jean-Michel Aphatie, bien loin des réponses convenues et follement irréalistes dont il est obligé de se contenter de la part de ses « clients » matinaux, analyse avec justesse les raisons de la crise française. On pourrait lui reprocher de les avoir comprises avec une bonne trentaine d’années de retard sur nous, mais foin des erreurs passées. Si Jean-Michel Aphatie a enfin vu que le système est à l’agonie, c’est parce qu’il constate, comme tout observateur peut le faire, que le pouvoir politique n’a plus la moindre prise sur les évènements. Et que faute d’avoir agi de façon appropriée pendant les six premiers mois de son règne, il n’a désormais plus la moindre chance de se rétablir. Nous sommes donc entrés dans la phase finale de la période prérévolutionnaire. Que des journalistes du système expriment aussi clairement leur désarroi est le signe que le régime n’a plus longtemps à vivre.
 

Climat. Les pêcheurs sont mécontents, les chauffeurs routiers aussi. Les ambulanciers pourraient s'y mettre, tandis que la marmite commence à bouillir du côté des universités. Tout cela sur fond de préparation active d'une grève à la SNCF qui pourrait, à partir de la semaine, créer de nombreux blocages. Il y a quelque chose d'étonnant dans cette montée si rapide, si soudaine, des mécontentements. Il y a même quelque chose de déroutant car pour l'instant, six mois après l'installation de la nouvelle équipe au pouvoir, rien dans l'action menée ne relève de cette fameuse rupture tant promise, tant vantée, tant évoquée même dans les derniers jours. Les réformes à faire, immenses pour faire face à la compétition internationale, la France les a encore devant elle. Et déjà, tout paraît se bloquer, se gripper. Il y a là une contradiction qu'il n'est pas facile d'expliquer. Tentons quand même une hypothèse. Une Nation, les femmes et les hommes qui la compose, comprend les épreuves qu'elle a devant elle si une action pédagogique la saisit et l'informe des enjeux. Le temps de la campagne électorale a été, comme souvent, assez médiocre sur ce plan là. Le temps d'après aussi. On attend encore un discours présidentiel fort, car seul le président a cette force, sur la perte constante, inquiétante et dangereuse, de compétitivité des entreprises. On attend aussi un discours complet, présidentiel toujours, mettant en perspective les problèmes financiers de l'État, l'impossibilité dans laquelle il se trouve de poursuivre sa folle course aux déficits. Rien de tout cela ne vient, l'appel à l'effort, et surtout l'explication de l'effort nécessaire, sont sans cesse différés. Du coup, faute d'explication, c'est l'angoisse qui gagne, l'angoisse sectorielle, explicable et justifiée, mais d'autant plus forte qu'il manque un cadre à chacun pour comprendre et accepter. Six mois sont passés et l'impression qui domine c'est que rien, encore, n'a vraiment commencé.
 

Bilan. Comme d'habitude, certains trouveront le tableau trop noir. Ils le diront, l'écriront dans l'espace de commentaires, et c'est bien ainsi. Mon état d'esprit, cependant, n'est pas au pessimisme. Il ne s'agit pas, ici, de se lamenter, ou de s'attrister, mais plutôt de décrire, voire de comprendre. Ce que nous vivons, en France, aujourd'hui, ne procède pas d'évènements récents mais se rattache au contraire à une histoire longue, déjà évoquée. Ce pays est déséquilibré, dans sa construction et dans sa culture, la première découlant de la seconde, au milieu des années soixante dix. Un choc pétrolier, déjà, révèle l'obsolescence du système social, c'est-à-dire de la régulation de la vie commune, mis en place dans l'après guerre. Malheureusement, pour des raisons diverses, qui tiennent à la fois aux mentalités et aux circonstances, l'adaptation des structures de la vie sociale aux évolutions du monde se réalisera à dose homéopathique, de manière ponctuelle et toujours, ou presque toujours, dans une conscience très relative des enjeux, donc finalement, dans le refus des remises en cause dont ils sont porteurs. Aujourd'hui, pour s'épargner des épisodes de la longue séquence, l'histoire se fait plus pressante. Ce vieux pays arrive au bout du chemin. Il ne sait plus comment financer son double système de solidarité, devant la maladie et devant le vieillissement. Les ponctions qu'opèrent l'Etat et l'espace public sur la richesse nationale, environ 45% du PIB, asphyxient la créativité et rendent caduc tout espoir de redistribution collective de la productivité économique. Parce qu'il a été financé à crédit, tout l'appareil de solidarité, qui comprend les institutions comme la sécurité sociale ou les services publics qui maillent le territoire, nous coûte aujourd'hui le double de ce qu'il devrait : une fois pour le fonctionnement, une fois pour le remboursement. Des boulets, chaque jour plus lourds, ralentissent et entravent la démarche de la communauté. D'autres, nos voisins, qui sont aussi nos concurrents, courent plus vite que nous, ce qui accentue encore notre faiblesse. Sans cesse différé depuis trente ans, le travail à faire désormais impressionne, effarouche, brouille les consciences et perturbe les intelligences. Voilà la raison profonde de la forme de médiocrité que l'on peut constater, actuellement, en France, sur la scène politique. Ses acteurs ne sont pas forcément directement responsables de cette médiocrité. Ils en ont hérité, mais ils la perpétuent aussi, là est leur responsabilité. Comment changer cet état d'esprit ? Comment quitter la vieille culture ? Comment décrire la nouvelle et la faire partager ? Cette tâche, qui appartient à ceux qui nous dirigent, est-elle appréhendée, envisagée, en gestation ? Il serait si agréable de répondre oui, ce serait un tel soulagement, qu'il vaut mieux, à cet instant, laisser ouverte la question posée.

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