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1/7/09 Jean-Michel Aphatie
    Aboule ton fric, camarade citoyen !

Prenez la une du journal économique La Tribune, ce matin, banale, répétitive, sans intérêt : « La dette de la France enfle de 1 milliard chaque jour ». Oui, et alors ? Qu’est-ce qu’on s’en fout ! Qu’elle augmente la dette, si ça lui plaît, et un milliard, c’est en euros, en francs, en roubles scandinaves, en drachmes iraniens, en stoumis austro-hongrois ? Ils ne le disent même pas dans le titre de La Tribune.

Un milliard par jour, ça fait 365 milliards par an, c’est fastoche à se rappeler, c’est super un gouvernement qui organise tout ça au millimètre. Question du bac éco l’année prochaine : de combien augmente la dette de la France chaque année ? Le lycéen, décontracté, répondra : 365 milliards monsieur, facile vu que c’est un milliard par jour. Remarquez, il y a un hic. L’année prochaine, ce sera plus. Au rythme où fonce Nicolas Sarkozy, ce sera peut-être deux milliards par jour, et si on l’énerve, ce sera trois.

Transition facile, parlons donc de l’emprunt que l’Etat va lancer l’année prochaine. On lit ici ou là, sous des plumes de connaisseurs, que c’est une idée formidable, cet emprunt de l’Etat. Beaucoup prédisent même son succès. Evidemment, ce sera un succès. Imaginez donc, le gouvernement français, fauché, confronté à une hausse du chômage sans précédent depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, avec des finances publiques comme des passoires, un milliard de gonflement de dette quotidien, ce gouvernement-là va dire aux Français : donnez-nous vos économies, faites-nous confiance, on vous remboursera, principal et intérêts, promis juré, vu qu’on ne peut pas faire faillite. Mais tout le monde va se précipiter, bien sûr, bien sûr. Par patriotisme. Pour aider son pays. Et puis, franchement, où est le risque ? Un peu plus, un peu moins, un milliard de dette quotidienne ou un peu plus, franchement, on ne va pas en faire un plat quand même...

Je sais, certains se moquent : je serais un obsédé de la dette. A l’inverse, pour être franc, j’admire la décontraction d’esprit du monde journalistique, voire de celui des économistes patentés. Le gouvernement annonce des déficits colossaux, historiques, là-dessus le président assure, discours de Versailles, page 7, pas de rigueur dans la gestion de l’Etat, c’est-à-dire pas de coupes claires dans les dépenses, et pas d’augmentation des impôts non plus, et tout cela, qui est incohérent du premier au dernier degré, ne suscite rien, ni débat, ni moquerie, ni interrogation, ni doute !

Les beaux esprits - qu’ils sont nombreux les beaux esprits - avalent tout sans broncher. Le gouvernement nous dit qu’il va faire un emprunt pour les « dépenses d’avenir » ? Youpi tralala, vive les « dépenses d’avenir ». Ah qu’il est fort celui qui a trouvé la formule, « dépenses d’avenir », franchement, comment être contre les « dépenses d’avenir », et donc contre l’emprunt qui les finance ? Et tout cela, on vous le répète, se fera sans « rigueur », ni « impôts » ? Bravo le gouvernement. Bravo la majorité. Bravo tout le monde. Qui c’est les plus forts ? C’est nous, les Français, indépassables tellement on est fort, beaucoup plus que les Angliches, les Teutons, les Ritals, les Amerlicains, et le reste de la terre.

Du coup, puisque l’emprunt qui finance les « dépenses d’avenir » fait jaser, les députés de la majorité, qui eux aussi gobent tout tout cru, braves gars et braves filles les députés de la majorité, s’interrogeaient hier sur le caractère de cet emprunt qui finance les « dépenses d’avenir ». Obligatoire ou pas, l’emprunt, pour les « plus riches » ? C’est qui les « plus riches » ? A partir de quand devient-on « plus riche » ? 1500 euros par mois ? 2000 ? Ce qui laisse rêveur, c’est que l’on réfléchisse au côté « obligatoire » de l’emprunt. XXIe siècle, en France, devise "liberté, égalité, fraternité", fais pas chier, aboule ton fric, camarade citoyen, l’Etat a besoin de toi, ton artiche, pour sauver le pays, réfléchis pas, donne !

Il paraît que le premier ministre, hier, en réunion du groupe UMP à l’Assemblée nationale, a coupé court à la tentative. Il a dit, parait-il, que l’emprunt ne serait pas « obligatoire ». Il prend des risques le M. Fillon. Sait-il qu’un premier ministre, ça se remplace ? C’est au moins aussi facile à trouver, un premier ministre, que, disons, un milliard d’euros par jour.

Jean-Michel Aphatie

 

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