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24/9/09 Jean-Michel Aphatie

Affolement au sommet de l'Etat

Le mot fait couler de l’encre. Ainsi donc, les juges d’instruction ont trouvé les « coupables » de l’affaire Clearstream. Ils sont actuellement entendus par le tribunal correctionnel mais la messe est dite puisqu’ils sont « coupables ». Manqueraient plus que les juges, après les avoir entendus, les innocentent. Des « coupables » innocents, c’est possible ça ?

En allant plus vite que le procès, donc que la marche judiciaire qui est lente, surtout en France, le président de la République a remué les esprits, hier. Lapsus, dit-on. Oui, bien sûr, au sens où le président est convaincu depuis longtemps, et jusqu’au tréfonds de sa conscience, de la culpabilité de Dominique de Villepin dans cette ténébreuse affaire. Mais le dire ainsi n’est pas qu’un lapsus quand on est président de la République. C’est aussi une faute, une boulette, une bêtise, une … enfin vous voyez ce que je veux dire.

Les seuls à ne pas avoir entendu le mot, apparemment, ce sont les deux journalistes qui se trouvaient face à lui. Problème d’acoustique ? Il est vrai que New York est une ville très bruyante.

A part ça, qu’a-t-on appris lors de l’interview présidentielle ? Ah oui, cette bagatelle : l’Etat français est aux abois. Plus de sous, d’artiche, de fraîche, alors on va taxer les indemnités journalières des personnes victimes d’accident du travail.

Le président de la République a justifié cette taxation nouvelle, à peu près une par mois depuis le début du quinquennat, par le souci d’égalité, si prisé dans les quatre coins de notre hexagone. Tu parles Charles. Les indemnités journalières ne compensant qu’une partie du salaire, il y a comme de l’ironie à évoquer l’égalité à propos de quelqu’un qui ne peut plus travailler. Présenter cette situation comme une « niche fiscale » relève pratiquement de la provocation. La vérité, comme trop souvent en politique, du moins en France, est à rechercher à l’ouest de la parole politique.

Les comptables de Bercy s’alarment de la profondeur des trous dans les finances publiques, et aussi de la vitesse à laquelle ils se creusent. Désormais, tout est bon pour ramasser trois francs et six sous. Forfait hospitalier, retraites chapeaux, pylônes électriques, et autres trouvailles et découvertes, la créativité en matière de taxes n’ayant jamais fait défaut.

C’est dans ce contexte que ressort ce vieux serpent de mer de taxation des indemnités journalières. Voilà quinze ans que la question est posée au gouvernement par des parlementaires facétieux, amateurs d’amendements baroques. Voilà quinze ans que les gouvernants qui ne veulent pas finir sous les tomates, sur les marchés de leurs mandats locaux, repoussent la suggestion avec un haussement d’épaules qui signifie qu’ils ne sont pas tout à fait dingues.

Pourquoi ce changement de pied cette année ? Ce n’est qu’une hypothèse, mais la perte abyssale de 130 milliards d’euros au bilan comptable de la société France ne doit pas être étrangère à ce revirement qui peut apparaître, au choix, comme une bêtise ou comme une provocation. Personnellement, je penche pour le premier terme.

Il n’est pas sûr, d’ailleurs, que la mesure trouve son application. On imagine mal des députés godillots et des sénateurs endormis voter facilement la disposition. Ca va râler sec dans les couloirs et peut-être courageusement s’absenter de l’hémicycle au moment du vote.

L’épisode, en tout cas, dit bien l’effarante inquiétude dans laquelle vivent les gouvernants d’un Etat en faillite. Les plus médiocres ficelles semblent bonnes désormais pour tromper l’angoisse, c’est-à-dire pour tenter de rendre à peine présentable un budget qui en devient comique à force d’enregistrer des pertes.

Nous voilà renseignés aussi sur l’artificialité du discours public qui ne dépeint absolument pas la gravité de la situation des finances publiques, qui ne saisit ni l’opinion, ni surtout les électeurs, des efforts que nous aurons à faire, collectivement, pour sortir du trou noir dans lequel nous nous enfonçons depuis trente ans. De démagogies successives en manque de courage constant, nous utilisons des rustines et des expédients pour entretenir l’illusion que nous sommes encore un pays riche.

La vérité, c’est que nous sommes pauvres et fauchés. Cela s’entendait hier soir. Mais en creux.

Jean-Michel Aphatie

 

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