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20/5/09 Jean-Michel Aphatie
   C’est le courage qui manque à nos gouvernants !

A la page 2 de sa livraison hebdomadaire, Le Canard Enchaîné prête à Eric Woerth, ministre du Budget, les propos suivants :

« La France va très, très mal. Les rentrées fiscales, en particulier l’impôt sur les sociétés, sont catastrophiques. Il faut que je boucle le budget avec les déficits qui sont en train d’exploser. Et on dirait que personne ne s’en rend compte. »

On ne sait jamais si ces propos privés, rapportés par des témoins anonymes, sont réels. Leur intérêt, à défaut de pouvoir assurer qu’ils soient exacts dans le détail, c’est qu’ils sonnent justes. Un raisonnement par l’absurde permet de le vérifier. Imagine-t-on le ministre du Budget, protégé par l’intimité de son bureau dire à haute voix que la France va bien ? Évidemment, non. Est-il crédible de lire, à cette moitié du mois de mai, que l’une des principales recettes fiscales de l’Etat, l’impôt sur les sociétés, rentre mal ? Évidemment, oui. Dans ces conditions, est-il surprenant d’entendre le ministre en charge se plaindre de l’extrême difficulté à boucler le prochain budget de la Nation ? Évidemment, non.

Pour autant, ce propos n’est pas public. Il est privé. Il n’engage donc pas son auteur. Lorsqu’il s’exprime publiquement, Eric Woerth privilégie un autre registre. Il veille généralement à demeurer optimiste, il laisse croire que tout est possible à défaut d’être facile, en quelques mots, il s’attache à paraître mesuré et responsable. On peut comprendre ce souci. Désespérer Billancourt et Neuilly, la bourgeoisie et le prolétariat, vous et moi, n’apporterait pas grand chose au pays et pourrait nuire à son activité économique.

En même temps, aucune parole n’a plus de poids et d’autorité sur ces sujets que celle des responsables politiques. Nous voyons tous, nous savons tous, nous ressentons tous qu’au delà même de la crise économique qui nous secoue, la situation fondamentale de la France est mauvaise. Trop de dépenses publiques et, contradiction explosive, trop de services publics mal et insuffisamment financés. Trop de prélèvements obligatoires, impôts, taxes et cotisations, qui affectent la compétitivité et compriment le pouvoir d’achat, et pourtant trop de déficits, trop d’emprunts, cette folie qui nous fait rembourser chaque année davantage d’intérêts aux prêteurs que ne rapporte la collecte de l’impôt sur le revenu.

Oui, c’est vrai, c’est l’évidence, c’est une certitude, la France va très, très mal. Tout le monde s’en rend compte, contrairement aux propos prêtés au ministre. Mais tout le monde aussi fait semblant de l’ignorer parce qu’il manque encore à ce jour une voix autorisée et forte pour déchirer le voile qui recouvre cette réalité que nous nions de toutes les forces de notre esprit.

Entre paroles privées et propos publics, il existe cette différence fondamentale : les premiers ne sont que lamentations quand les seconds agissent comme des éveilleurs de conscience. Et si les premiers ne réclament aucune qualité particulière, il y faut du courage et de la décision pour tenir les seconds. Ce courage, notamment, que l’on doit aux citoyens quand on aspire à les représenter et à servir la Nation.

Jean-Michel Aphatie
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