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20/11/08  

Darcos casse la baraque chez Aphatie

Xavier Darcos, ministre de l’Eucation nationale, était l’invité de Jean-Michel Aphatie le 20 novembre 2008 sur RTL. Nous publions le texte de cet entretien.

Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Xavier Darcos.

Xavier Darcos : Bonjour.

La quasi-totalité des syndicats enseignants dans le primaire et le secondaire, le SNESUP, premier syndicat dans les universités, tous ces syndicats appellent aujourd'hui à la grève dans l'Education Nationale et à des manifestations dans les rues. Avant de parler des raisons qui motivent ce mouvement, Xavier Darcos, convenez-vous de son importance ?

Nous allons voir ce soir les chiffres. Vous savez, les chiffres sont toujours plus importants le matin que le soir. Nous constatons toujours des divergences, mais c'est une grève importante.

On a le sentiment que, peut-être, vous connaissez ce qui est arrivé à certains de vos prédécesseurs - on pense à Claude Allègre, ce matin -, c'est-à-dire une communauté enseignante qui se radicalise de plus en plus contre l'action que vous menez, Xavier Darcos.

En tous les cas, Jean-Michel Aphatie, le XXIème siècle n'est pas très vieux. Huit ans...

Exact.

Eh bien, au XXIème siècle, nous aurons déjà eu trente-trois grèves à l'Education nationale. Vous connaissez beaucoup de professions qui font plus de quatre grèves par an ? Les gens qui nous écoutent, les commerçants, les artisans, les employés, ceux qui sont en train d'aller rejoindre leur travail et qui nous entendent, est-ce qu'ils ont fait quatre fois grève par an depuis sept - huit ans ?

C'est trop, selon vous ? C'est illégitime ?

Ca montre, en tout cas, qu'il y a dans ce ministère une culture de la grève et qui nous empêche de parler des choses réelles. Les questions qui nous intéressent, ce sont celles qui concernent les élèves. Et moi j'ai envie de dire à ceux qui font la grève qu'il faut qu'ils fassent attention, parce que le monde, la France, l'école, avancent plus vite que les cortèges et que organiser d'une manière systématique et si répétitive, comme réponse aux problèmes de l'école, des protestations, des refus, avec les mêmes slogans, les Français auront le sentiment, aujourd'hui, d'avoir vu ça déjà trente fois. La classe du service public, le manque de moyens, la colère des personnels, le ministre qui n'entend pas, le mépris... Combien de fois a-t-on entendu ça depuis une trentaine d'années ? Et donc je crois que, même si j'entends cette grève, je crois que cette manière d'aborder les problèmes est une manière démodée.

Qu'est-ce que vous exprimez, ce matin, Xavier Darcos sur RTL, un sentiment de lassitude ?

Non, pas du tout ! Moi je suis tout à fait déterminé. Je pense qu'il faut continuer la réforme. Je pense même dans une certaine mesure que la résistance des cadres syndicaux est la preuve que ce que nous faisons est efficace. Et puis, je rappelle qu'aujourd'hui, vous aurez un professeur sur...

La résistance des cadres syndicaux est la preuve que ce que nous faisons est efficace ? C'est provoquer ça !

Oui, parce que par définition, depuis que nous organisons le travail à l'Education nationale, il y a une résistance des appareils qui n'est pas celle des professeurs. Vous aurez ce soir, quand nous ferons le bilan de la journée, vous aurez sur la totalité des professeurs dont j'ai la charge du second degré, vous aurez moins d'un gréviste sur deux.

Les syndicats représentent mal les professeurs en France, Xavier Darcos ?

Les professeurs, en tous les cas, méritent mieux que d'avoir des syndicats dont la fonction principale est d'organiser la résistance au changement, comme si le monde ne changeait pas autour de nous. Est-ce que tous ces gens qui organisent si régulièrement ces protestations, est-ce qu'ils entendent le monde qui change, est-ce qu'ils voient ce qui se passe autour de nous, est-ce qu'ils entendent les bruits du changement qui se produisent partout, est-ce qu'ils pensent que la solution à ces questions, c'est simplement protester, défiler et affirmer que c'est parce que le ministre est là que les choses ne vont pas bien ?

Ce matin, Xavier Darcos, c'est l'officialisation d'une fracture entre les syndicats et vous, au moins !

Mais pas plus que d'habitude. Je rappelle que même lorsqu' il y avait une sorte de consensus supposé entre les ministres et ses personnels, je pense par exemple à l'époque de Jack Lang qui croulait sous les moyens, eh bien une grève très importante, il y a eu une grève le 22 janvier 2002 qui a pratiquement mis dans la rue la moitié de nos enseignants.

L'une des raisons de cette grève, ce sont les suppressions de poste dans l'Education nationale. 8.500 postes supprimés en 2007. 11.200 en 2008. Et on prévoit 13.500 suppressions de poste en 2009. Comprenez-vous que les enseignants en aient assez de voir tous ces postes supprimés ?

Mais la question n'est pas de savoir combien ils sont mais comment ils vont. La question est de savoir quels sont les services que nous rendons. Les courbes qui m'intéressent, ce sont les courbes des résultats, ce n'est pas les courbes du nombre des enseignants. Avoir de nouveaux services : oui. Mieux payer les enseignants : oui. C'est ce qu'on va faire cette année. On va dépenser 410 millions d'euros pour eux. Ce ne sont pas des mesurettes. Je veux que les Français entendent. 410 millions d'euros pour améliorer la condition des enseignants. La question, autrement dit, n'est pas du nombre de postes mais de la manière dont nous travaillons. Lorsque nous donnons des services nouveaux, accompagnements éducatifs, soutien pour tous les élèves du primaire, stages de remise à niveau, une offre d'anglais pour tous les élèves de lycées, là, nous faisons ce qui compte. Ca n'est pas être plus nombreux qui compte, c'est être plus efficace. Et puisque vous me posez la question directement : est-ce qu'il y aura encore des ?

Est-ce qu'elles vont se poursuivre ? Je vous la pose.

Mais oui, elles se poursuivront. Elles se poursuivront parce que ce qui compte, ce sont les services que nous rendons, c'est la manière dont nous organisons et pas simplement le nombre de professeurs.

Beaucoup de municipalités de gauche, socialistes essentiellement, n'organiseront pas le service minimum d'accueil pour les élèves scolarisés dans les écoles primaires. Vous le regrettez, Xavier Darcos ? Mais ces maires-là disent : nous ne le faisons pas parce que les conditions de sécurité ne sont pas bonnes si les enseignants ne sont pas là.

Mais vous savez bien que tout ça c'est de la blague !

Peut-être pas. Ils ont peut-être raison ? S'il y a un problème dans une école ?

Puisque dans toutes les communes de droite, on y arrive. Ecoutez, toutes les communes de droite y arrivent et toutes, ou certaines communes de gauche disent qu'elles n'y arrivent pas. Ce n'est pas une question d'organisation du service minimum d'accueil. C'est une pure question politique. Ne faisons pas semblant de ne pas le savoir. Et donc, il y a des mairies de gauche où des parents vont avoir la double peine, c'est-à-dire les enfants qui ne vont pas à l'école et les parents qui ne peuvent pas travailler. Il y a des communes de gauche où donc on a inventé un nouveau concept : autrefois, il y avait des congés payés, eh bien maintenant, il y a les congés forcés.

Vous ne croyez pas à l'argument de la sécurité ? Tant de maires disent : la sécurité des enfants n'est pas assurée. C'est tout de même leur responsabilité qui est engagée ?

C'est leur responsabilité qui est engagée, sans doute. Mais lorsqu'on accueille les enfants, le matin tôt à l'école, lorsqu'on les accompagne dans des activités éducatives, lorsqu'on organise en fin de journée, tel ou tel service où ils sont encadrés, on a exactement le même encadrement que celui que nous proposons pendant le service minimum d'accueil. Et je ne vois pas pourquoi il y aurait d'un côté des congés forcés Delanoë à Paris, des congés forcés Collomb à Lyon et pourquoi des villes même comme Toulouse, qui jusque là avaient dit qu'elle ne le ferait pas, finalement se rendent compte, lorsque le tribunal administratif les rappelle à l'ordre, qu'elles peuvent le faire. Ce sont des prétextes.

Quand la loi n'est pas appliquée, il n'y a pas de sanctions parce que la loi n'en prévoit pas. Une loi sans sanction c'est encore une loi ?

Bien sûr que si, il y a des sanctions. Les tribunaux administratifs viennent de prendre des mesures extrêmement sévères. Je rappelle que dans certaines villes du Sud, les tribunaux administratifs ont créé des astreintes de 10.000 euros par heure pour les villes qui ne le feront pas. La loi c'est la loi, en France, surtout lorsqu'elle rend service aux gens.

Les sénateurs ont confirmé, mardi, la possibilité de travailler jusqu'à 70 ans pour les salariés qui le souhaitent sur la base du volontariat dans les entreprises privées. Pourquoi un instituteur, un professeur de collège ou de lycée ne peut-il pas travailler jusqu'à 70 ans comme dans le secteur privé s'il en manifeste le désir ?

Le principe d'avoir envie de travailler plus longtemps est un bon principe...

... que vous allez l'appliquer dans les écoles ?

Non, je crois que les enseignants ont une fin de carrière un peu fatigante. C'est long une carrière d'enseignant. Et surtout les élèves changent tellement vite, vont si vite que je crois que beaucoup de nos enseignants en fin de carrière sont plutôt contents de passer à autre chose.

On dit que dans le privé, ceux qui se sentent en forme, s'ils veulent aller jusqu'à 70 ans, ils le peuvent. Ca ne vaut pas pour le public ! C'est étonnant, Xavier Darcos !

Il y a beaucoup de choses qui se passent dans le privé et qui ne se passent pas dans le public, et j'invite d'ailleurs les grévistes à y penser.

Xavier Darcos, qui n'est pas de très, très bonne humeur vis-à-vis des grévistes quand même, ce matin, était l'invité de RTL.

Auteur de l’interview : Jean-Michel Aphatie

 

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