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19/5/09 Jean-Michel Aphatie
Abracadabra ! Disparue par magie, la                    dette de la Sécu !

C’est un tout petit papier, page 4 de La Tribune ce matin. Il ne suscitera aucun commentaire, son rédacteur lui-même n’y a apposé que ses initiales, manière de dire qu’il y a plus important que le sujet traité.

Le titre du papier : « Les solutions pour la dette de la Sécu ». Et le sous-titre : « La dette sociale de ″crise″ pourrait revenir à l’Etat. » Dans le corps du papier, le raisonnement et les informations sont très simples, accessibles à tous, compréhensibles par tous. Cette année, le déficit de la Sécurité sociale sera d’au moins 20 milliards d’euros, et l’an prochain il sera au mieux identique à celui de cette année. Comment traiter cette catastrophe annoncée ?

Jusqu’ici, les déficits répétitifs et anciens de la Sécu étaient traités par cette admirable invention de la technocratie française qui s’appelle la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale), laquelle est financée par cette autre trouvaille de la technocratie française, la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale), prélevée sur chacune de nos fiches de paye. Transférer les très gros paquets déficitaires 2009-2010 et suivants à la Cades obligerait à augmenter la CRDS. Vous suivez ? Et comme le président, le gouvernement, les chambellans, les députés, les concierges, les présentateurs de télévisions, les tourneurs fraiseurs, les footballeurs, les acteurs français des films de Lars von Trier qui est depuis longtemps un réalisateur détestable et Dogville un insupportable film minable, tous disent et répètent qu’il n’est pas question, pas une seconde, pas un instant, plutôt crever, d’augmenter les impôts, alors pas de transfert possible et imaginable à la Cades que le monde entier, sans doute, peut-être, nous envie.

Donc, que faire ? Lénine, déjà, se posait la question. La réponse est dans l’articulet de La Tribune. La dette 2009 et celle de 2010, considérées comme des dettes de crise, Eric Woerth dixit, pourrait être reprise directement par l’AFT (Agence France Trésor) qui se chargerait de la financer. Avantage de ce mécano que nous redevons à l’ingéniosité de la technocratie française ? Ni vu, ni connu, la dette disparaît dans l’immense puits sans fond et sans fonds français, financé par des artistes de la dette qui aspirent chaque jours des centaines de millions d’euros, de dollars et du reste sur les marchés des capitaux. Comme c’est l’AFT qui s’en occupe, la dette ne dégrade pas les comptes de l’Etat. Donc, Bruxelles n’a rien à dire. Et comme c’est l’AFT qui s’en occupe, inutile d’augmenter les impôts.

Deux leçons, au moins, sur la société française grâce à cet articulet de La Tribune. Rupture ou pas rupture, changement de président ou pas, de premier ministre ou pas, de majorité ou pas, les vieilles recettes qui consistent à mettre la poussière sous le tapis perdurent. La dette, l’endettement, est devenue notre drogue. Elle nous permet de supporter notre incapacité à financer les piliers de notre pacte social. Comme toute drogue, elle est un mensonge. Un jour, la réalité rattrape le drogué, et la douleur alors est immense, la détresse aussi. Par ailleurs, deuxième leçon, nous laissons tous faire cela sans nous soucier de rien. Nous aurons mauvaise grâce, au jour du désastre, à dire que l’on ne nous a rien dit, que l’on nous a caché la vérité.

La vérité de la France, ce matin, allez donc la chercher à la page 4 du journal La Tribune.

Jean-Michel Aphatie

 

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