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9/7/09 Jean-Michel Aphatie
         EDF : la quadrature du cercle

Le débat que propose EDF à la société française est passionnant. Voilà une société prospère et endettée, qui gagne de l’argent chaque année mais qui a dû emprunter beaucoup d’argent pour financer son développement. L’Etat demeure le principal actionnaire d’EDF. Chaque année, cet actionnaire demande à l’entreprise son écot.

Nous sommes loin, dans cette relation, d’un partage des profits en trois tiers, investissement, dividendes, versements aux salariés. L’actionnaire d’EDF est impitoyable et demande à être rémunéré pour sa participation financière dans l’entreprise. Par ailleurs, il laisse les dirigeants se débrouiller pour financer leurs investissements. Voilà longtemps que l’Etat impécunieux et endetté ne se soucie plus de remplir le rôle d’apporteur de capitaux.

Pour financer son développement, notamment à l’étranger, EDF a donc eu recours à l’emprunt. C’était son unique voie. On peut discuter de la pertinence des acquisitions, de leurs coûts. En même temps, l’immobilisme aurait sans doute tué l’entreprise publique, qui sans cela serait restée passive face au développement des autres. Résultat, aujourd’hui EDF a pratiquement 25 milliards d’euros de dettes dans son bilan, auxquels il faut rajouter les trois milliards qu’il vient de lever sur le marché français.

Pour l’avenir, de nouveaux investissements paraissent nécessaires. Il ne s’agit plus là d’acquérir des sociétés à l’étranger mais de penser au renouvellement du parc des centrales nucléaires, ainsi qu’à la modernisation des centrales existantes. Ce dernier point est éclairant. A l’origine, les centrales construites à la fin des années soixante et dans les années soixante dix, devaient durer trente ans. Il y a dix ans, l’électricien a décidé de les exploiter durant quarante ans. Dix ans de répit. Actuellement, il veut pouvoir les exploiter soixante ans. Mais à force d’être tirée, la corde s’use. L’allongement de la durée de vie passe par de nouveaux investissements sur les sites existants. EDF a donc besoin d’argent.

Ne pouvant plus emprunter sous peine de sombrer, il lui reste l’unique ressource d’augmenter le prix de l’électricité. Si le prix n’en n’était pas réglementé, le consommateur aurait déjà vu sa facture flamber. Mais après tout, on peut se dire que puisque la collectivité a consenti, voilà des décennies, un effort pour la construction des centrales, ce n’est qu’un juste retour des choses que ses citoyens en paient aujourd’hui les fournitures moins cher. Seulement, cette logique aussi s’épuise. Et la somme des contraintes pousse Pierre Gadonneix, pdg d’EDF, à demander aujourd’hui un relèvement de 20 % de l’électricité dans les trois ans à venir.

Cette demande, évidemment, est adressée à l’Etat. C’est lui qui surveille et encadre le prix de l’électricité. Pour d’évidentes raisons politiques, encore plus fortes et évidentes pendant la crise, l’Etat n’a aucune envie d’accorder au pdg d’EDF ce qu’il demande. En même temps, l’Etat actionnaire sait bien que la demande du pdg d’EDF est légitime. Il faut bien les financer, ces investissements, qui ne sont rien d’autre que ces fameuses « dépenses d’avenir » dont on nous rebat les oreilles ces jours-ci. Mais les financer au prix de la colère des consommateurs, est-ce raisonnable ? Voilà bien un cas typique de schizophrénie dont on pourra surveiller l’issue avec gourmandise.

Deux données complémentaires pour affiner la réflexion. La première tient à la culture économique de ceux qui doivent prendre la décision. EDF réclame l’augmentation des tarifs en plaidant le risque de l’endettement excessif, auprès de gens qui vivent depuis des années dans l’endettement excessif. Comment ces cultures là peuvent-elles dialoguer et trouver une solution ? Par ailleurs, les décideurs sont aussi des élus locaux, qui souvent conservent leur mandat dans l’exercice de leurs fonctions ministérielles. Voyez par exemple le ministre de l’industrie qui est demeuré maire de Nice. Comment voulez-vous que cet homme-là construise sa réflexion en tant que ministre chargé de définir l’intérêt général ?

Morale de tout cela sous forme de questions. Est-ce une chance ou pas d’avoir l’Etat comme actionnaire ? Une entreprise ouverte au monde comme EDF, performante d’ailleurs à l’étranger, gagne-t-elle en souplesse et réactivité avec l’Etat comme actionnaire ? Qui avantager dans la réflexion ? Le consommateur qui vote en 2012, ou bien l’entreprise qui doit rénover son outil industriel dans les parages de 2020 ? Enfin, comment prendre une décision sereine quand les besoins se multiplient et l’argent se raréfie ?

Comme dirait Marianne, hebdomadaire anti-pensée unique cultivant une pensée droitière, il n’est que temps de prendre conscience des périls que nous font courir la "dette vertigineuse" et les « déficits abyssaux ».

Jean-Michel Aphatie

 

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