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28/9/09 Jean-Michel Aphatie

La victoire de la droite en Allemagne risque de condamner la France à la rigueur !

L’Allemagne est un pays voisin de la France. Vous sortez de Paris, vous prenez à gauche, puis à droite, puis tout droit vers la trouée des Ardennes, et vous arrivez en Allemagne. Facile, non ? Si vous partez de Lyon ou de Marseille, consultez un plan.

On oublie trop souvent que jadis, pas naguère mais jadis, l’Allemagne était française. Charlemagne, celui-là même qui a inventé l’école, régnait d’une main de fer dans un gant de velours des deux côtés du Rhin. C’est quand il est mort que tout s’est gâté. Ses fils ont partagé l’Empire, et c’est depuis lors que les Allemands sont Allemands et les Français, Français.

Hier, les citoyens allemands ont reconduit Angela Merkel dans ses fonctions de chancelière. La presse française ne note pas du tout, sans doute parce qu’elle s’en fout et que l’on sen fout avec elle, que depuis la crise pétrolière des années soixante dix, tous les chanceliers sortants, Kohl, Schröder et donc Merkel ont été réélus au moins une fois. A l’inverse, à chaque échéance de renouvellement depuis 1978, tous les pouvoirs exécutifs sortants ont été battus en France. Ce constat, dont je répète qu’il nous indiffère collectivement mais vu le prix que vous payez pour accéder à ma prose je vous l’inflige quand même, ce constat donc signale bien qu’au-delà du Rhin, malgré les crises et les secousses, la politique sait fabriquer de la confiance quand elle ne fabrique ici que de la défiance et de l’amertume.

Voilà donc Angela Merkel à nouveau partie pour un mandat de quatre ans. Le scrutin d’hier l’a débarrassée des sociaux-démocrates avec qui elle gouvernait jusqu’ici. Gadin historique pour les sociaux-démocrates allemands, 23 % des voix, leur plus mauvaise performance depuis 1947. Si vous êtes gentils, je vous expliquerai pourquoi la social-démocratie européenne, dont notre PS est la variante française, traverse son horrible crise existentielle. C’est assez facile à comprendre et pas très difficile à expliquer. Mais ce matin, c’est bête, je suis parti sur autre chose. Que voici. Accrochez-vous.

La coalition au pouvoir à Berlin est donc de droite. C’est ainsi que l’on raisonne quand on a l’esprit court sur pattes. Parce qu’avant d’être de droite, la coalition au pouvoir à Berlin est allemande. La tautologie n’est pas sans conséquence. Il existe en effet dans la culture allemande une forme de rigueur dont nous sommes totalement démunis. Ainsi, durant toute la campagne électorale, les leaders allemands ont évoqué le nécessaire retour à l’équilibre des comptes de l’Etat sitôt que le risque de faillite du système financier sera écarté. On peut donc sans grand risque pronostiquer un contrôle strict de la dépense publique en Allemagne dans les prochaines années.

Dans le même temps, la France continue de creuser le trou qui va l’engloutir. Le Premier ministre de la République française, un monsieur sans grand pouvoir qui occupe l’Hôtel Matignon et qui s’appelle François Fillon, notait hier avec beaucoup d’à propos, un jour d’élections allemandes, comme un symbole, que le déficit des finances publiques françaises atteindrait au 31 décembre de cette année la somme astronomique et vertigineuse de 140 milliards d’euros. Le journal Les Echos donne sa juste dimension à ce chiffre qui dépense l’entendement en barrant sa une d’un épouvantable : « La moitié des dépenses publiques de l’Etat financées à crédit ». Du jamais vu et du jamais fait dans la République française. Il faut remonter aux pires désordres de la royauté pour trouver un gouffre similaire.

Pour l’an prochain, assure François Fillon le Premier ministre, nous allons « stabiliser » le déficit. La prévision pour 2010 est, pour l’instant, de 110 milliards d’euros. Le chiffre est sans doute optimiste. Difficile, en effet, d’imaginer une poursuite de la hausse du chômage avec une réduction même faible des déficits. La raréfaction de l’emploi signale la contraction de l’activité économique, et donc l’affaissement des recettes fiscales, TVA, impôt sur les sociétés et sur le revenu, taxes diverses. Il est possible, sinon probable, que l’année prochaine ressemble à cette année. Et il est presque certain que 2011 ressemble aux précédentes car 2011, voyez-vous, c’est juste un an avant 2012, et il est très improbable, sinon exclu, qu’un pouvoir sortant se lance dans une politique de réduction de la dépense publique dans une année pré-présidentielle.

Pourquoi établir un parallèle entre l’Allemagne et la France ? Pour cette seule raison qu’une chose lie les deux pays, qui n’est pas le souvenir de Charlemagne, oh non, mais la monnaie que nous avons tous ensemble et chacun dans nos poches. Cet euro, qui est la dernière chose par laquelle se cimente aujourd’hui une construction européenne essoufflée, est censé représenter une zone économique en voie d’unification. Or, les mois qui s’annoncent sont lourds des pires divergences en matière de choix et de stratégie économiques dans les deux économies dominantes de la zone euro.

Sans vouloir faire du Nostradamus de comptoir, il n’est quand même pas trop difficile d’imaginer les mois à venir. Soit le dialogue franco-allemand est nul d’effet sur le terrain de la convergence des politiques publiques, et alors les marchés financiers risquent de s’interroger sur la valeur de l’euro, sa solidité, sa durabilité, et planter ainsi les graines d’une crise monétaire qui serait comme le coup de grâce de la série de calamités que nous connaissons actuellement. Soit le comparatif franco-allemand produit une forme de tension qui oblige, mais alors de mauvaise grâce et au rebours de la culture qui est la nôtre, les pouvoirs publics français a opérer une forme de tête-à-queue politique qui se matérialiserait par une hausse des impôts et une compression de la dépense.

Dans tous les cas de figure, la concomitance hier du résultat des élections allemandes et de l’annonce du déficit public français annonce des lendemains non pas difficiles mais délicats, notamment pour la monnaie qui nous unit aujourd'hui à notre grand voisin, et pour la poursuite de l'effort politique que représente la construction européenne, projet exigeant imaginé par des géants qui voulaient dépasser un état de guerre et dont nous nous trouvons, nous qui ne sommes pas des géants, bien embarrassés aujourd'hui.

Jean-Michel Aphatie

 

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