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7/7/09 Jean-Michel Aphatie
       Et comment t’est-ce qu’il s’appelle ? François Billon. Non,                        François Rillon. Non, François Fillon

Nous le savons tous mais nous ne le disons pas assez. Nos députés précisément, nos parlementaires de manière plus large, et nos élus en règle générale, sont parmi les meilleurs du monde. L’explication de ce constat est simple : le cumul des mandats, l’ancrage dans le réel. Atout irremplaçable, source, entre autres, de la supériorité de la France sur tous les autres pays de l’Univers.

L’Assemblée nationale s’apprête à infliger une nouvelle preuve de cette supériorité française à partir de cet après-midi, avec l’examen de la proposition de loi « réaffirmant le principe du travail dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires. » Ce texte, ses origines, ses avatars et son architecture, mériterait d’être enseigné dans toutes les bonnes écoles du rire. Et son examen attentif atteste magnifiquement du génie français, à nul autre comparable, pour la construction d’usines à gaz raffinées et inopérantes.

La proposition de loi distingue deux catégories de territoires en France. D’abord les zones touristiques et thermales, où déjà des commerces ouvrent le dimanche, notez bien cela, des commerces et non pas tous les commerces. Ensuite, les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, où déjà, en contravention avec la loi existante, des commerces ouvrent le dimanche, en région parisienne ou marseillaise par exemple.

Dans les zones touristiques, vous suivez toujours j’espère, seuls les magasins ou commerces étant liés à la satisfaction du tourisme sont ouverts. Cas concret : si vous vendez des lunettes de soleil, pas de problème, vous pouvez ouvrir le dimanche. Si vous vendez des lunettes de vue, c’est fermé le dimanche. La proposition de loi stipule que désormais tout sera ouvert, vue et soleil. Question de bon sens, direz-vous. Quels avantages, quelles contreparties, sont prévues dans le texte pour les salariés des commerces qui, aujourd’hui ne peuvent pas ouvrir le dimanche ? Aucune. C’est ça qui est fort. Le texte organise juste une forme de régression pour les salariés de ces commerces-là. Ils n’auront aucune compensation salariale ou sociale. Ils perdront juste le droit de se reposer le dimanche.

Les salariés des PUCE, eux, c’est l’inverse. Sollicités uniquement sur la base du volontariat, ils travailleront le dimanche en étant mieux payés, jusqu’au double de leur salaire normal, et bénéficieront de jours de compensation. Et que se passera-t-il pour les salariés de ces zones, ces PUCE, serveurs et cuisiniers dans les cafés, infirmières dans les hôpitaux ? Bénéficieront-ils, eux aussi, d’un complément de salaire et de possibles repos supplémentaires? La réponse est claire : c’est non.

Autre curiosité de cette proposition de loi. Les habitants d’Alsace et de Moselle, qui sont traités différemment depuis le Premier Empire, sont au coeur d’un amendement spécial et extraordinaire. Cet amendement stipule que la loi ne s’appliquera pas à eux. Pas de zones touristiques en Alsace et en Moselle, pas de PUCE non plus. Là-bas, la règle est simple, la loi ne s’applique pas, le dimanche est un jour de repos, sauf dérogation ordinaire pour les 180 professions qui travaillent le dimanche. C’est simple, non ?

Imaginons que vous soyez Alsacien, donc Français. Vous voulez travaillez le dimanche, « travailler plus pour gagner plus ». Eh bien non, impossible. La loi vous l’interdit. Pas de chance, l’Alsace. Z’avez qu’à déménager à Marseille, les Alsaciens.

Imaginons ce texte de bric et de broc, de rustines et placebos, de convexes et de concaves, soumis au Conseil constitutionnel par une opposition facétieuse. Serait-il ou non sanctionné ? Très probablement oui. Que faudrait-il faire alors ? Recommencer tout. Rigolo, non ?

Alain Juppé et Michel Rocard, Plic et Ploc, Boule et Bill, Zic et Zac, Pim et Paf, Pouf et Poum, ont été nommés grands chanceliers de la commission chargée de réfléchir à la notion de « dépenses d’avenir » que nous financerons par le Grand emprunt soutenu par Marianne. Déjà, c’est formidable. D’ailleurs, tout est formidable dans cet emprunt. Il est décidé avant même de savoir à quoi il va servir. Son montant est inconnu. Ses conditions le sont aussi. Ainsi que la nature des souscripteurs. Bref, on ne sait rien, mais on n’arrête pas d’en parler.

Dans trois mois, deux anciens premiers ministres vont donc nous dire à quoi va servir cet emprunt. Et pendant ce temps là, que fait l’actuel premier ministre ? Car nous avons un premier ministre en France. Non ! Si ! Non ! Si ! Non ! Si ! J’ai même son nom ! Ah bon ? Et comment t’est-ce qu’il s’appelle ? François Billon. Non, François Rillon. Non, François Fillon. Enfin, je cite de mémoire, mais ce n’est pas loin. Peinard, François Fillon, et malin. Ce sont les autres qui bossent. Lui, il attend. Et vous savez quoi ? Lui, le dimanche, il se repose. Les autres jours aussi.

Jean-Michel Aphatie

 

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