Et comment
t’est-ce qu’il s’appelle ? François Billon. Non,
François Rillon. Non, François
Fillon
Nous le savons tous mais nous ne le disons pas assez. Nos députés
précisément, nos parlementaires de manière plus large, et nos élus en règle
générale, sont parmi les meilleurs du monde. L’explication de ce constat est
simple : le cumul des mandats, l’ancrage dans le réel. Atout irremplaçable,
source, entre autres, de la supériorité de la France sur tous les autres
pays de l’Univers.
L’Assemblée nationale s’apprête à infliger une nouvelle preuve de cette
supériorité française à partir de cet après-midi, avec l’examen de la
proposition de loi « réaffirmant le principe du travail dominical et visant
à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones
touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations
pour les salariés volontaires. » Ce texte, ses origines, ses avatars et son
architecture, mériterait d’être enseigné dans toutes les bonnes écoles du
rire. Et son examen attentif atteste magnifiquement du génie français, à nul
autre comparable, pour la construction d’usines à gaz raffinées et
inopérantes.
La proposition de loi distingue deux catégories de territoires en France.
D’abord les zones touristiques et thermales, où déjà des commerces ouvrent
le dimanche, notez bien cela, des commerces et non pas tous les commerces.
Ensuite, les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, où
déjà, en contravention avec la loi existante, des commerces ouvrent le
dimanche, en région parisienne ou marseillaise par exemple.
Dans les zones touristiques, vous suivez toujours j’espère, seuls les
magasins ou commerces étant liés à la satisfaction du tourisme sont ouverts.
Cas concret : si vous vendez des lunettes de soleil, pas de problème, vous
pouvez ouvrir le dimanche. Si vous vendez des lunettes de vue, c’est fermé
le dimanche. La proposition de loi stipule que désormais tout sera ouvert,
vue et soleil. Question de bon sens, direz-vous. Quels avantages, quelles
contreparties, sont prévues dans le texte pour les salariés des commerces
qui, aujourd’hui ne peuvent pas ouvrir le dimanche ? Aucune. C’est ça qui
est fort. Le texte organise juste une forme de régression pour les salariés
de ces commerces-là. Ils n’auront aucune compensation salariale ou sociale.
Ils perdront juste le droit de se reposer le dimanche.
Les salariés des PUCE, eux, c’est l’inverse. Sollicités uniquement sur la
base du volontariat, ils travailleront le dimanche en étant mieux payés,
jusqu’au double de leur salaire normal, et bénéficieront de jours de
compensation. Et que se passera-t-il pour les salariés de ces zones, ces
PUCE, serveurs et cuisiniers dans les cafés, infirmières dans les hôpitaux ?
Bénéficieront-ils, eux aussi, d’un complément de salaire et de possibles
repos supplémentaires? La réponse est claire : c’est non.
Autre curiosité de cette proposition de loi. Les habitants d’Alsace et de
Moselle, qui sont traités différemment depuis le Premier Empire, sont au
coeur d’un amendement spécial et extraordinaire. Cet amendement stipule que
la loi ne s’appliquera pas à eux. Pas de zones touristiques en Alsace et en
Moselle, pas de PUCE non plus. Là-bas, la règle est simple, la loi ne
s’applique pas, le dimanche est un jour de repos, sauf dérogation ordinaire
pour les 180 professions qui travaillent le dimanche. C’est simple, non ?
Imaginons que vous soyez Alsacien, donc Français. Vous voulez travaillez le
dimanche, « travailler plus pour gagner plus ». Eh bien non, impossible. La
loi vous l’interdit. Pas de chance, l’Alsace. Z’avez qu’à déménager à
Marseille, les Alsaciens.
Imaginons ce texte de bric et de broc, de rustines et placebos, de convexes
et de concaves, soumis au Conseil constitutionnel par une opposition
facétieuse. Serait-il ou non sanctionné ? Très probablement oui. Que
faudrait-il faire alors ? Recommencer tout. Rigolo, non ?
Alain Juppé et Michel Rocard, Plic et Ploc, Boule et Bill, Zic et Zac, Pim
et Paf, Pouf et Poum, ont été nommés grands chanceliers de la commission
chargée de réfléchir à la notion de « dépenses d’avenir » que nous
financerons par le Grand emprunt soutenu par Marianne. Déjà, c’est
formidable. D’ailleurs, tout est formidable dans cet emprunt. Il est décidé
avant même de savoir à quoi il va servir. Son montant est inconnu. Ses
conditions le sont aussi. Ainsi que la nature des souscripteurs. Bref, on ne
sait rien, mais on n’arrête pas d’en parler.
Dans trois mois, deux anciens premiers ministres vont donc nous dire à quoi
va servir cet emprunt. Et pendant ce temps là, que fait l’actuel premier
ministre ? Car nous avons un premier ministre en France. Non ! Si ! Non ! Si
! Non ! Si ! J’ai même son nom ! Ah bon ? Et comment t’est-ce qu’il
s’appelle ? François Billon. Non, François Rillon. Non, François Fillon.
Enfin, je cite de mémoire, mais ce n’est pas loin. Peinard, François Fillon,
et malin. Ce sont les autres qui bossent. Lui, il attend. Et vous savez quoi
? Lui, le dimanche, il se repose. Les autres jours aussi.
Jean-Michel Aphatie
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