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25/6/09 Jean-Michel Aphatie

La France vacille sous la dette

Ce sera la nouvelle de la semaine. Le président en a parlé lundi, devant le Congrés , le premier ministre l’a confirmé hier. Un emprunt sera lancé, un grand emprunt, un emprunt national et patriotique, pour financer des priorités nationales, ainsi égrenées par le premier ministre, hier soir, sur France 2 : « Il s’agit d’investir massivement dans des secteurs porteurs d’avenir (...) les biotechnologies, l’énergie du futur, les voitures électriques, un certain nombre de secteurs dans le domaine alimentaire ou la santé, l’éducation en général, l’enseignement supérieur et la recherche. »

Le montant de cet emprunt n’est pas dévoilé. Un chiffre circule cependant, qui doit être compris comme un ordre de grandeur, entre 80 et 100 milliards d’euros. Cet emprunt, selon toujours le premier ministre, serait pour partie proposé aux Français afin de les associer à ce qui pourrait être présenté comme un effort national pour à la fois sortir de la crise et préparer l’avenir. « Pas un euro de cet emprunt, a encore dit François Fillon, ne sera utilisé pour des dépenses non prioritaires. »

On peut à l’infini faire des reproches et des critiques. A l’évidence, ce projet en mérite. Laissons, ce matin, à d’autres le soin d’y procéder. Evoquons plutôt la situation dans laquelle nous sommes par des petits faits qui permettent de saisir le contexte dans lequel pourrait s’effectuer ce grand emprunt national.

Il y a d’abord l’aveu que l’Etat ne peut plus financer ce qui relève de sa responsabilité sans recourir à un endettement spécifique. La citation du premier ministre est sans ambiguïté sur ce point : les besoins de l’enseignement supérieur, de la recherche, ne peuvent plus être financés que par un endettement spécifique, celui qui serait lié à un nouvel emprunt. Cela veut dire que l’endettement courant, celui qui est opéré tous les jours sur les marchés financiers, ne sert plus qu’à financer les déficits courants et ordinaires, que nous sommes maintenant devant une catégorie particulière d’emprunt, l’emprunt extraordinaire qui finance l’avenir, l’emprunt ordinaire finançant le passé. Il s’agit là d’une manifestation spectaculaire des effets de la crise, incarnée par ce que la Cour des comptes et son premier président, Philippe Séguin, ont évoqué mardi dernier en employant notamment cette expression : « Nous sommes devant un risque d’emballement de la dette ».

Quelques chiffres permettent de fixer les idées. Le déficit budgétaire prévisible pour 2009 est de 150 milliards d’euros. Il devrait en aller de même pour 2010. Selon plusieurs économistes, il s’agit là d’hypothèses réalistes, ou basses. Ainsi, l’endettement public pourrait progresser de 300 milliards d’euros en deux ans. Il faut y ajouter la perspective de l’emprunt, dont l’ordre de grandeur est de 100 milliards d’euros. Ainsi en seulement deux années, la France pourrait accroître son endettement de 400 milliards d’euros. Ce chiffre ne prend sa signification que si on le confronte à la totalité de l’endettement accumulé en France depuis trente ans. A la fin 2008, selon la Cour des comptes, il était légèrement supérieur à 1400 milliards d’euros. On comprend donc qu’en deux ans, 2009 et 2010, l’escalade est proprement vertigineuse.

La Cour des comptes, toujours, indique que pour l’année 2008, la charge de la dette, c’est-à-dire les intérêts acquittés par l’Etat français auprès des emprunteurs, s’est élevée à 54 milliards d’euros, davantage que le produit de l’impôt sur le revenu. Si dans les deux années qui viennent la dette s’alourdit dans les proportions évoquées plus haut, la charge de la dette, encore une évaluation de la Cour des comptes, pourrait avoisiner les 80 milliards d’euros. En tout état de cause, ce poste budgétaire là, le remboursement des intérêts des emprunts contractés, deviendra, et demeurera longtemps, le premier poste budgétaire en France.

Voilà ce qui identifie parfaitement l’impact et les conséquences de la crise économique terrible que nous traversons. A la vérité, pas grand monde aujourd’hui ne paraît posséder les recettes et les solutions pour faire face à la situation. Pour s’en tenir aux seuls faits, l’évidence commence à s’imposer que la France fait face actuellement à une explosion de sa dette publique, que cela a des conséquences, bénéfiques pour certaines, pénalisantes pour d’autres, en tout état de cause terriblement fragilisantes pour la cohésion nationale.

Jean-Michel Aphatie

 

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